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Je pensais que Kim Wexler était dans Breaking Bad. Elle était en réalité dans « Desperate Housewives ». Pas celui de Marc Cherry, celui de Vince Giligan qui seul au commande écrit et réalise l’épisode. Et comme toujours dans ce cas-là, c’est terriblement sombre. À dire vrai je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi dur dans une série depuis la saison 4 de « The Wire ». « Je suis venu pour la pub rigolote » dit Jesse, comme pour presque s’excuser auprès du téléspectateur.
C’est sans doute l’épisode le plus glauque de la série, avec encore une fois un regard extrêmement violent que porte Giligan sur ces contemporains et sur le monde du travail. On est bien loin de « The Office », mais bel et bien dans une réalité terriblement réelle, qui donne le contre point et la justification du basculement du mal, de Walter à Saul. Un monde tellement aseptisé et construit autour du dieu argent, qu’il en devient comme salvateur de sortir de cette torpeur. C’est sans aucun doute l’épisode clef des deux séries où Giligan montre que, dans une société aussi inégalitaire, violente, stupide et sans sens, ni humanité, le mal ne peut que surgir, croître et de tout embarquer sur son passage. Il y a notamment cette scène où Kim craque dans le bus et au personne ne vient l’aider, à part une petite main salvatrice vêtue de blanc en bord cadre à la fin. Giligan se retient d’ailleurs d’aller jusqu’au bout de sa démarche en ne tuant pas Marion. Il boucle ainsi la boucle en transformant Jimmy le sauveur des personnes âgées, en Gene le quasi tueur en vieille dame. « Cet homme, ce n’est pas moi » dit il. Mais personne n’est dupe. Et cet homme absolument détestable de fuir vers la mort ou de peut être sauver ce qui lui reste d’âme. Better Call The Police.
PS : L’homme qui a le cancer que Gene vole à la somme de 737 000 dollars sur son compte… Soit pile ce qui manquait à Walter au début de breaking bad.
C’est l’histoire d’un homme qui cherche son âme jusqu’en enfer.
D’abord, il va voir Charron, le garde-barrière, le passeur. A celui-ci, il dit qu’il n’a qu’un regret, celui de ne pas avoir gagné assez d’argent. C’est ça qui le défini, qui l’a toujours motivé. Alors Charron le fait passer.
En enfer, le diable le reçoit. Le diable est obsédé par le détail comme d’habitude. Il veut toujours contrôler son univers. Il n’écoute pas vraiment ce que l’homme vient lui raconter. Mais par contre, quand l’homme lui raconte son histoire, sa sentence est irrévocable : « Donc tu as toujours été comme ça. » Car Saul n’a pas d’âme. Il n’en a jamais eu. Comme le diable, qui lui, l’a perdu dans un processus chimique.
L’homme revient sur terre et il est confronté à ses crimes. Il va jusqu’au bout du processus. Sans âme, il peut se libérer et faire la chose qu’il rêvait sans doute depuis tout petit : se défendre lui-même contre un système qui n’a jamais voulu de lui. Dans Breaking Bad, Walter White, une fois mort dans le Granite State, devenait un surhomme nietzschéen capable de faire sortir une mitraillette de sa voiture. Dans BCS, Saul, une fois mort, va réussir l’impossible : réduire sa peine à sept ans, avec un complément de glace à la menthe. L’histoire de Better Call Saul, c’est l’histoire d’un homme mal aimé par son frère qui va jusqu’à perdre son âme, son humanité même, pour prouver au monde que ce dernier avait tort. Et tout s’orchestre dans ce sens : de la venue de Marie, veuve quasi biblique, à celle de Kim, dont il a besoin pour lui montrer qu’il accepte sa sentence. Mais pas parce c’est un homme bon – il n’est plus humain -, mais juste pour prouver aux yeux du monde qu’il est le meilleur avocat du monde (comme l’indiquait le mug troué).
Et pour ça, il va devoir remonter dans le temps pour qu’on voit enfin son frère s’intéresser à son travail d’avocat, pour qu’on comprenne enfin que la dynamique complexe des deux personnages (et non Chuck seul) était responsable de la situation. Gould et Gilligan démontre ainsi, avec une grande force et de manière quasi contradictoire (mais cohérente) avec le reste de la série que l’humanité se construit au fil des autres. Il n’y a pas de bien, ni de mal, mais des nuances de gris qui évoluent en fonction des rencontres. En fonction de ce qu’on revoit aux autres et à ce qu’ils nous renvoient. L’idée d’un mal inhérent n’a pas de sens, puisqu’il n’est qu’un construct relationnel, voire situationnel. En ce sens, ce final vient frontalement s’opposer à celui de Breaking Bad. « I did it because i like it » disait Walter. « I did it, because i and the others like it » pourrait répondre Jimmy.
On est, non pas face à la noirceur nihiliste attendue, mais bien un cri de rédemption finale par et pour les autres. Dans le bus qui mène à la prison, les prisonniers hurlent son prénom comme pour le ramener à la vie, mais le travail de Saul a été effectué et il peut partir en paix. C’est ça sans doute le vrai sens du titre de la série (et là où l’épisode tient du génie). Car c’est Jimmy lui-même qui a appelé à l’aide Saul. Le « Better Call Saul », il se l’est appliqué à lui-même. Il a fait naitre cette personne sans âme, pour prouver qu’il était le meilleur avocat du monde. Une fois effectué, Saul/Soul is gone effectivement et dans la prison rédemptrice, Kim peut enfin accepter de fumer une cigarette avec ce Jimmy retrouvé.
On ne pouvait que très difficilement faire une meilleure fin.