Critique : Game of Thrones 6.09

Le 03 août 2016 à 10:28  |  ~ 14 minutes de lecture
Girl Power !!!
Par Altaïr

Critique : Game of Thrones 6.09

~ 14 minutes de lecture
Girl Power !!!
Par Altaïr

Dur dur de passer juste après CaptainFreeFrag pour la critique Série-All de Game of Thrones. Ça fait sept jours que je cherche une idée fun et originale, histoire de ne pas paraître trop terne après son coup d'éclat de la semaine dernière.

Hélas, trois fois hélas ! L'épisode de cette semaine était... bon. Je ne peux donc pas m'adonner au plaisir sadique de la critique joyeusement assassine. La critique enthousiaste qui aligne les métaphores cocasses n'est pas non plus une option – la saison 5 a définitivement ôté ce qu'il restait d'étoiles dans mes yeux de fangirl de Game of Thrones. Mon cœur s'est asséché, et même si cette saison 6 m'a partiellement réconciliée avec la série, rien n'est plus comme avant. Je ne peux désormais plus passer outre ses défauts.

Je me vois donc obligée de me rabattre sur ce que je sais faire de mieux : un article d'analyse long et chiant.

Vous voilà donc prévenus...

 

(Ah, c'est évident mais ça va mieux en le disant : ce qui suit est bourré ras-la-gueule de spoilers.)

 

 

Une réalisation spectaculaire...

 

Depuis que l'épisode a été diffusé, on assiste à un véritable concours de superlatifs sur la toile : « incroyable », « meilleur épisode de la série jusque là », « un des plus grands moments de l'histoire de la télévision », voire « un épisode qui fera date en matière de réalisation ». Aucun qualificatif n'est trop faible pour le décrire.

Ces éloges sont peut-être quand même un peu exagérés : l'épisode a des défauts, compréhensibles vu les temps impartis, notamment au niveau de son montage. Mais il est vrai que la réalisation de la bataille de Winterfell est assez incroyable pour une série télé. Et ce n'est pas juste une question de budget – ce passage démontre une véritable vision cinématographique d'une scène de bataille cauchemardesque, avec des trouvailles visuelles par moments vraiment inspirées, comme ce plan-séquence claustrophobique de Jon qui manque de peu de mourir étouffé par ses propres troupes acculées, ou encore cette charge de cavalerie qu'on croirait tout droit sortie d'un tableau de Paolo Uccello.

 

Jon Snow seul face à la cavalerie de Ramsay Bolton

 

Dans le monde des séries télé, on attend généralement des réalisateurs qu'ils soient de bons techniciens, efficaces et interchangeables. Or, lundi soir, j'ai eu l'impression de voir émerger un véritable auteur – Miguel Sapochnik, retenons son nom – un ancien story-boarder, apparemment, ce qui pourrait expliquer ce goût tout à fait remarquable pour les compositions très graphiques. Et les progrès qu'il a fait depuis qu'il a réalisé Hardhome en saison précédente donnent envie de voir s'il évoluera encore.

La réalisation de la bataille de Winterfell est donc vraiment exceptionnelle, c'est indéniable. Mais, le souci, tout de même, c'est que cette maestria dans la réalisation fait un peu office d'écran de fumée...

 

 

… au service d'un scénario bancal

 

Un écran de fumée, parce que le scénario est quand même bien cousu de fil blanc et simpliste. Il semble bien loin, le temps où, dans Game of Thrones, les batailles découlaient d'intrigues politiques complexes à l'issue incertaine, et servaient de révélateur à la psychologie de personnages nuancés et non manichéens.

Ah, Blackwater...

À la place, dans cet épisode, on a donc finalement la preuve que Jon Snow a gagné un malus de -100 en intelligence lors de sa résurrection (mais un bonus de +100 en esquive magique de flèches pour compenser, ce n'est peut-être pas un si mauvais deal que ça). Jon, il n'a pas beaucoup d'hommes, presque pas de chevaux (enfin il est dit qu'il n'a pas de chevaux mais on en voit plein à l'écran, allez comprendre), pas de place forte, et il se dit « YOLO, c'est du suicide, lol, on n'a qu'à attaquer maintenant ! », et personne n'y trouve rien à redire.

Et puis le soir, il y a des discussions de stratégie viriles entre hommes, des histoires de tranchées qu'ils veulent creuser on ne sait pas quand, mais de toute façon c'pas grave puisque le lendemain, rien de ce qui aura été discuté la veille ne sera appliqué.

Et puis finalement, il fonce tête baissée dans le piège grossier de Ramsay *facepalm*, mène toute son armée à une mort certaine en chargeant, ce qu'il sait être voué à l'échec, ne donne pas un seul ordre alors qu'il est le leader, et se retrouve comme un con coincé dans la mêlée.

Euh... pourquoi il a été choisi comme chef, déjà ?

 

Un soldat se fait transpercer par une lance adverse

 

Du côté de Meereen, c'est un peu plus logique, mais ce n'est guère mieux, malgré trois beaux dragons trocools. Daenerys utilise l'arme de destruction massive, viole les règles des pourparlers, pète la gueule aux méchants, puis s'allie à Yara et Théon qui semblent sortis de nulle part. Pas très subtil.

Mais au fond, est-ce si grave que le scénario soit devenu simpliste ? J'avoue qu'après le désastre qu'a été la saison 5, j'en viens à louer le fait que D&D (David Benioff et D. B. Weiss, showrunners de la série) aient abandonné l'idée de singer George R. R. Martin en terme de subtilité, de noirceur et de complexité du scénario, alors qu'ils en sont manifestement incapables.

Cette saison 6 (et la fin de la saison 5), c'est un peu les showrunners qui se disent « fuck it » et qui assument désormais à 100% leur incompétence leurs faiblesses, en massacrant de manière trollesque tous les personnages qu'ils n'arrivent pas à écrire et les storylines qui les emmerdent, pour se concentrer uniquement sur ce qui les botte. Le résultat est que la série est devenue à la fois plus simpliste et plus efficace.

D&D, finalement, ils sont un peu devenus comme deux fanboys qui écriraient des fanfics avec leurs personnages préférés qui pètent la gueule aux méchants. Eh bien, j'avoue, j'aime bien les fanfics. Et ça fait du bien, une fois de temps en temps, d'avoir des gentils qui pètent la gueule aux méchants dans Game of Thrones. Ça change.

 

 

Un épisode féministe ?

 

Un dernier point notable dans cet épisode est le fait qu'au bout du compte, les personnages qui en ressortent grandis sont trois femmes : Daenerys, Yara, et Sansa. Ce qui est finalement assez paradoxal, dans un épisode où 80% du temps d'écran est constitué d'hommes qui se foutent joyeusement sur la gueule. Peut-on pour autant qualifier cet épisode de féministe, comme j'ai pu le lire au gré des commentaires sur internet ? Eh bien ça dépend un peu du point de vue...

Il y a vraiment très peu de femmes à l'écran, pour un épisode « féministe ». Les Ygritte qui sont censées peupler les rangs des armées de sauvageons ont définitivement disparu des champs de batailles à l'écran. Il n'y a plus non plus de femmes dans les armées du Nord, alors que ça aurait été possible du côté des rangs de Lyanna Mormont, par exemple. Contrairement à l'épisode Blackwater, où on nous montrait le point de vue des femmes nobles attendant l'issue de la bataille à travers les yeux de Cersei et Sansa (passage magique), ici, on ne voit pas la moindre femme derrière la ligne de front. Pas même à Winterfell. On entrevoit tout juste Lyanna Mormont et Melisandre, mais elles sont passives face aux évènements.

Je trouve par ailleurs horripilant que ce soit toujours Théon qui parle pour Yara, et Tyrion pour Daenerys, et que celles-ci n'initient jamais les négociations, malgré leur statut.

 

Daenerys et Yara concluent leur pacte sous l'oeil de Theon

 

Mais... il y a indéniablement des thèmes féministes qui sous-tendent, malgré tout, l'épisode.

Le dialogue entre Yara et Daenerys était, de ce point de vue, assez jouissif – deux femmes de pouvoir qui décident de s'entraider pour vaincre le patriarcat, tout en s'envoyant des œillades canailles, ça m'a fait indéniablement plaisir. Plus que de voir les gros dragons trop badass, en fait.

Mais surtout... il y a Sansa.

 

 

#TeamSansa

 

Ah, Sansa...

C'est mon personnage préféré dans les livres, et même si l'adaptation télévisée n'a pas toujours fait honneur au personnage, j'aime beaucoup ce que Sophie Turner en a fait. Sansa, c'est un personnage passionnant car c'est l'un des plus réalistes et cohérents de la saga – et c'est du coup le personnage féminin qui, jeté en pâture dans une société misogyne qui régit sa vie, se prête le plus à une lecture féministe de Game of Thrones.

En effet, au début de la série, Sansa est une jeune fille « normale » à qui, comme à tant d'autres, on a seriné depuis l'enfance qu'elle connaîtrait le bonheur en épousant le prince charmant, et en devenant une bonne mère et épouse. Elle n'embrasse pas comme sa sœur les valeurs « viriles » du combat martial, mais celles féminines des bonnes manières et de la broderie, de jeune fille de bonne famille bonne à marier. Futile, diraient certains. Mais c'est grâce à cette éducation et à une sacrée résilience que Sansa va survivre, seule au milieu des lions, contrairement à ses parents ou à son frère. Sa force à elle est peu spectaculaire mais elle est payante sur le long terme ; c'est une carapace qui se forme au gré des épreuves et un talent politique et diplomatique formé à la dure qui commence tout juste à émerger.

 

Sansa arbore un petit sourire satisfait et victorieux

 

Et en cela, cet épisode était passionnant. Il est difficile de dire à ce stade quel « jeu » Sansa joue vis-à-vis de Jon, mais cette ambiguïté est intéressante. Lui a-t-elle caché l'arrivée des armées du Val pour pouvoir assurer ses arrières face à un demi-frère dont elle se méfie ? Ou bien Littlefinger l'a-t-il prévenue au dernier moment ? On aura, je pense, la réponse au prochain épisode... en croisant les doigts pour ne pas voir apparaître une dark Sansa.

Toujours est-il qu'elle hérite, à mon sens, des deux meilleures scènes de l'épisode : le dialogue, la veille de la bataille, avec Jon, où elle se fait la voix des scénaristes qui admettent avoir sacrifié la jugeotte supposée de Jon sur l'autel de l'efficacité dramatique (la bagarre !!!) – et la fin de l'épisode, bien sûr.

Car, si je continue de penser que le mariage de Sansa et Ramsay était une erreur scénaristique monumentale et impardonnable, au moins peut-on reconnaître que les conséquences des viols conjugaux répétés qu'elle a subis ne sont pas restés, pour une fois, sans conséquences. C'est bien qu'ils aient laissé à Sansa l'honneur de tuer Ramsay. Et de la plus « belle » des façons, en plus. C'était cathartique.

 

Bref, un épisode dont la réalisation exceptionnelle permet de pardonner le scénario cousu de fil blanc, et qui offre quelques scènes magistrales à Sansa. Un très bon cru.

 

J'ai aimé :

 

  • Sansa <3
  • Yaraenerys <3
  • La bataille de Winterfell
  • La référence assumée à l'arrivée de Gandalf au gouffre de Helm
  • La manière dont Sansa choisit de nourrir les chiens affamés de Ramsay...
  • Pas de mort racoleuse
  • Pas de viol racoleur
  • Pas de nichon racoleur

 

Je n'ai pas aimé :

 

  • Et Ghost, alors, il avait aqua-poney ?
  • La mort de Wun Wun... prévisible, mais snif quand même. Disons que ça allègera le budget effets spéciaux.
  • Un scénario trop prévisible
  • Emilia Clarke... C'est moi ou elle joue de plus en plus mal ? C'est triste à voir en tous cas.

 

Ma note : 16/20.

 

 

Le Coin du Fan :

 

  • Cette bataille des bâtards s’inspire à la fois de la bataille d’Azincourt (Français vs Anglais) et aussi de la bataille de Cannes (qui voit s’affronter les Romains et Hannibal). En effet, ce coquin d’Hannibal pratique une stratégie d’encerclement assez similaire à celle de Ramsay pour poutrer l’armée romaine (voir image ci-dessous). En infériorité numérique, Hannibal va utiliser à son avantage ce dont il dispose : sa cavalerie. En allongeant considérablement sa ligne de soldats, le général carthaginois parvient à encercler l’armée romaine sur les deux flancs. Ceux-ci se retrouvent alors pris en tenaille et Hannibal n’a plus qu’à les charger par l’arrière avec sa cavalerie. Plutôt balaise, ce Mads Mikkelsen.

 

Plan de stratégie d’encerclement

 

  • Depuis un certain temps, la série ne cesse d’opposer Jon et Daenerys : Glace vs Feu, Mort vs Vie, etc. Dans cet épisode, la « seconde résurrection » de Jon renvoie également à celle de la mère des Dragons :

 

Parallèle "seconde résurrection" Daenerys/Jon

 

  • Jon est peut-être mort, mais il continue de défendre coûte que coûte ses vœux :

 

Les trois voeux de Jon Snow

 

  • La malédiction de Robert. À Winterfell, lors du pilot, Robert Baratheon avait fait une accolade à la majorité de la famille Stark. Tous ceux qu’il a touchés vont ensuite mourir : Ned, Catelyn, Rob et donc Rickon. Un sacré farceur, ce Bob !

 

Robert Baratheon face à la cour de Winterfell lors du pilote

Robert Baratheon touche la tête de Rickon lors du pilote - Rickon est transpercé par une flèche lors du 6.09

 

  • Wun-Wun. La charge du plus beau des géants contre la porte de Winterfell rappelle fortement celle d’un autre géant (joué par le même acteur) lors de la saison 4.

 

La vie et la mort de Wun-Wun

 

  • Dès le début, Varys avait vu clair dans le jeu de Littlefinger :

 

Varys fait des suppositions sur Littlefinger

Littlefinger est fier de lui et de son armée

 

  • Le seul Dieu de la série ? C’est la série elle-même bien sûr !

 

Melisandre et Jon Snow échangent sur les Dieux

 

– Peut-être qu’il [le dieu de la lumière] t’a ramené à la vie pour te faire mourir ici.

– Quel Dieu ferait cela ?

– Celui que nous avons. [Jeu de mots : GOT = Game of Thrones]

 

  • Game of Feminism. Si on continue sur ce rythme, la Guerre des Cinq Rois pourrait bien, au final, déboucher sur une répartition plus féminine du pouvoir, mais toujours à 5 (comme le Club) :
  1. Daenerys Targaryen
  2. Margaery Tyrell/Baratheon
  3. Yara Greyjoy
  4. Sansa Stark
  5. Ellaria Sand

 

  • Même si elle retourne sa veste, Tatie Melisandre fait toujours des bonnes prévisions :

 

« The Lord has shown me Bolton banners burning. » (5.10)

Un écorché brûle sur une croix

 

« I have seen myself walk along the battlements of Winterfell. I have seen the flayed man banners lowered to the ground. » (5.07)

Les boucliers Bolton jonchent le sol de Winterfell

Melisandre est satisfaite de ses prédictions

 

 

Bonus :

 

Fin alternative du 6.09

L'auteur

Commentaires

Avatar MembreSupprime2
MembreSupprime2
Excellente critique ! Merci, Altair, d'avoir su rétablir la vérité !

Avatar MembreSupprime2
MembreSupprime2
Par contre, j'ai pas compris, qui c'était le bonhomme vénère dans le bonus... ^^'

Avatar Koss
Koss
"Pourquoi Jon a été choisi comme chef ?" Le charisme, Altair. Le charisme. C'est pour cette raison précise que ses hommes sont prêt à le suivre jusqu'au bout. Pas pour les capacités de stratège qu'il n'a pas. C'est aussi pour cela que l'épisode est réussi. Il parvient à caractériser en creux l'ensemble des personnages présents sur le champs de bataille, de Sansa à Jon, en passant par Davos et Ramsay.

Avatar dewey
dewey
"Emilia Clarke ... C'est moi ou elle joue de plus en plus mal ? C'est triste à voir en tous cas." Oh, c'est rude de sortir ça pile à l'épisode où elle arrive à développer sa 3ème expression faciale de la série en voyant Yara ... #Yarenerys

Avatar Altaïr
Altaïr
@ Maxou : je crois que c'est Lyanna Mormont ? @ Koss : haha :). C'est peut-être là ma faiblesse, de supposer que Jon est censé être un vrai leader :)

Avatar Altaïr
Altaïr
@dewey : c'est vrai qu'elle a semblé s'animer un peu lors de son dialogue avec Yara. Il y avait une lueur d'intérêt dans son oeil. Je pense que c'est une scène qui lui a plu :)

Avatar CaptainFreeFrag
CaptainFreeFrag
Superbe critique ! Au top niveau pour "une analyse longue et chiante"(rahlala c'est quoi cette auto-flagellation mes aïeux ?!).

Avatar MembreSupprime2
MembreSupprime2
@Altair : Ah ouais, bien vu... Ça aurait été énorme ! ^^

Avatar Koss
Koss
Oui, c'est la jeune Mormont en effet.

Avatar MoolFreet
MoolFreet
"Je trouve par ailleurs horripilant que ce soit toujours Théon qui parle pour Yara, et Tyrion pour Daenerys, et que celles-ci n'initient jamais les négociations, malgré leur statut." Je me suis fait la même réflexion mais en y repensant je me dis que souvent lorsque des rois se rencontrent, ce sont leurs conseillers qui discutent en premier lieu, avant que les rois ne tranchent. Mais je peux me tromper.

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