On prend les mêmes et on recommence
L'année dernière, American Horror Story nous avait laissés sur un happy-end un peu glaçant. Mais Ryan Murphy avait indiqué avant même le season finale que la saison suivante serait composée d'un nouveau décor et de nouveaux personnages. En revanche, il avait également assuré que certains acteurs reprendraient du service pour cette deuxième salve d'épisodes, dont notamment Evan Peters (pour mon plus grand plaisir) et Jessica Lange (logique étant donné les récompenses qu'elle a gagné aux dernières cérémonies).
Pour cette nouvelle saison, ou plutôt pour le deuxième acte d'une anthologie qui risque de durer encore quelques années, il fallait donc repartir de zéro en terme de construction d'intrigues et de personnages. Un choix particulier, mais finalement logique étant donné que le genre horrifique dans les séries télévisées se prête beaucoup plus au mode anthologique.
Oui, fun, c'est le mot.
A vrai dire, j'aime beaucoup le mélange obtenu entre construction anthologique sur une saison, intrigue très feuilletonnante entre les épisodes et réutilisation d'anciens acteurs et arrivée de têtes connues (James Cromwell ou Chloé Sevigny). Cela donne vraiment l'impression d'un pot-pourri jouissif, et surtout une identité propre à la série.
Du coup, autant l'annoncer tout de suite, ceux qui n'ont pas beaucoup apprécié la première saison n'apprécieront probablement pas celle-ci, et ceux qui ont aimé la première risquent fort d'aimer également la suite. La fascination pour les «freaks» à la Tod Browning est toujours la même, l'attitude psycho-sexuelle des personnages est toujours présente, et le générique est toujours aussi réussi. On n'est pas à l'abri d'une déception ou d'une erreur de parcours, mais a priori les créateurs semblent maîtriser leur oeuvre (aussi particulière soit-elle) et devraient reprendre une construction dramatique et un parti pris de mise en scène similaires à la première saison. Et j'en suis bien heureux.
Nouveau look pour de nouvelles vicissitudes
Après le manoir hanté en première saison, Ryan Murphy a choisi cette fois-ci de situer son exploration de l'horreur version américaine dans un asile psychiatrique tenu par des nonnes et un docteur un peu fou. Le récit, lui, se déroule dans les années soixante, malgré quelques passages au présent. Loin d'être un vulgaire surf sur la vague Mad Men, le choix de l'époque est même plutôt judicieux lorsqu'on pense à l'excellent Vol au-dessus d'un nid de coucou de Milos Forman, adapté du roman de Ken Kesey. Le film se déroule pendant cette même période, durant laquelle la médecine psychiatrique ne brillait pas par la douceur de ses traitements. Bien entendu, l'objectif est radicalement différent, mais la réutilisation de la salle ou tous les patients se réunissent n'était sans doute pas anodine.
Les références cinématographiques abondent d'ailleurs dans ce premier épisode. Un autre exemple encore plus flagrant est l'hommage fait à Orange Mécanique, sorti en 1971 (et adapté du roman d'Anthony Burgess), lors d'une scène qui évoque quasiment au plan près le chef d'oeuvre de Stanley Kubrick.
On peut même remarquer la ressemblance particulièrement frappante (voulue ?) entre Evan Peters et le Malcolm McDowell de l'époque. Ah décidément, je lui prédis un grand avenir à cet Evan Peters. A cette référence vient s'ajouter le thème de l'inconscient, qui était un des piliers du film de Kubrick, et qui avait été légèrement développé durant la première saison de la série. J'avais d'ailleurs regretté le relatif abandon de ce thème par les scénaristes au bout de quelques épisodes.
Néanmoins, cette saison semble vouloir approfondir le sujet, c'est bien le moins qu'elle puisse faire avec un tel décor ! Le meilleur exemple dans cet épisode en est la petite séquence hallucinatoire provenant de l'esprit de Sister Jude (Jessica Lange), qui se met à avoir des pensées disons pas très catholiques envers le prêtre de l'asile.
Ce premier épisode fait également penser à Shutter Island (Martin Scorsese, 2010, adapté du roman de Dennis Lehane) au niveau du design de l'asile et, justement, du thème de l'insconscient. En effet, tout comme le personnage principal du film, Kit (Evan Peters) a des doutes concernant les raisons de son enfermement, et ne sait pas très bien s'il est fou ou s'il est réellement un monstre. En somme, Bloody Face est un peu son «dark passenger» à lui. En un peu plus dangereux, certes. Enfin, son inconscient personnel est plus ou moins mêlé à l'inconscient collectif de l'attaque extra-terrestre, un lien clairement évoqué lors d'une scène qui marque l'apparition de son penchant psychopathe.
Un récit un peu brouillon mais fidèle à la réputation de la série
Si l'ambiance et les diverses références sont maîtrisées, le constat est un peu différent concernant le récit et l'imbrication des storylines. En effet, entre les flashbacks, les flashforwards, les patients de l'asile, les dirigeants, les visiteurs, les créatures et les éléments surnaturels, difficile de s'y retrouver. C'était déjà le cas lors du pilot, la saison dernière, mais ça l'est peut-être encore plus dans ce season premiere. Il y a même une puce électronique qui prend vie, c'est dire.
Bon, je ne vais pas non plus faire l'hypocrite, je suis le premier à défendre la série concernant son rythme foutraque qui fait selon moi partie intégrante de son parti pris de départ. Mais il y a sans doute un compromis à faire pour garder à la fois un rythme effréné et une certaine fluidité dans le récit. C'était par exemple le cas dans la première saison où la famille Harmon était le pilier central autour duquel gravitait divers personnages, où l'action était située quasiment exclusivement à l'intérieur du manoir, et où les flashbacks servaient de séquence pré-générique en début d'épisode.
Or, de ce qu'on peut voir de cet épisode, les temporalités sont mélangées, les allers-retours entre passé et présent (voire un deuxième passé) sont conséquents, et les thèmes abordés sont à peu près aussi nombreux que les personnages. Alors c'est bien beau de vouloir traiter de la religion, de la robotique, de la psychiatrie, de la condition de vie des homosexuels dans les années soixante, du fanatisme à tendance sadomasochiste, de l'insconscient ou encore de la place des alpagas dans les films Guatémaltèques des années quarante. Mais faire tout ça en un seul épisode, c'est probablement un poil trop chargé.
Heureusement, l'ensemble reste très divertissant. On ne s'ennuie pas, on se pose des questions pour la suite (et on a vu par le passé que la série a le gros avantage de savoir y répondre), et on a même quelques petits frissons. A ce niveau-là, même si on est encore loin d'avoir peur, American Horror Story est peut-être bien ce qui se fait de mieux en matière de séries télé. En effet, malgré son montage parfois frénétique, elle sait poser l'ambiance lorsqu'il le faut. Par exemple, il faut bien avouer que la petite séquence se déroulant au présent (avec le chanteur de Maroon 5) est plutôt bien faite dans son genre, et que la tronche de Bloody Face aperçue à la toute fin de l'épisode est assez inquiétante.
Cheeeeeese !
En tout cas, une fois de plus, American Horror Story prouve qu'elle porte bien son titre en mixant avec réussite ambiance anxiogène, histoire américaine et divertissement feuilletonnant avec son lot de cliffs. Cet épisode peut paraître il est vrai un peu brouillon, mais les suivants devraient normalement installer l'histoire plus calmement. En attendant, il serait dommage de ne pas apprécier l'épisode pour ce qu'il est, à savoir une exposition frénétique et divertissante. Sur ce, comme disait ma grand-mère, faites de beaux rêves et pas de mauvais cauchemars !
J'ai aimé :
- La nouvelle ambiance qui promet de belles choses
- Revoir Evan Peters en plus de James Cromwell
- Le petit côté slasher en parallèle
- La reprise du thème de l'inconscient
Je n'ai pas aimé :
- Un manque de clarté, probablement dû au trop grand nombre de personnages
Ma note : 13/20. La note modérée ne reflète pas mon fort enthousiasme, car je suis persuadé que avec un peu plus de clarté l'ensemble pourrait être plus jouissif.