Jamais la série n'avait autant approché le fantasme de son annonce : un spin-off sur Breaking Bad. Vince Gilligan et Paul Goude se sont bien gardés de proposer ce que les fans attendaient. Better Call Saul est un show bien différent, parfois même opposé à ce qui l'a enfanté. Pourtant, cette semaine et pour la première fois, on était dans un bonus DVD de Breaking Bad. Un bonus avec des guests, des commentaires et des clins d’œil appuyés à la série-mère. Alors oui, c'était cool de voir Don Eladio et sa piscine (après qu'il fût mentionné en saison 2) et on s'est souvenu de la mort brutale de Juan Bolsa. Pas de doute, c'était très sympa. Était-ce vraiment utile ? J'en suis moins sûr.
"The Brother Butt"
Cette scène d’introduction ne nous a pas vraiment appris grand-chose. Don Eladio est toujours aussi ridicule et Bolsa, vaguement lâche. La séquence sert surtout à montrer l'opposition grandissante entre Tio et Gus. Ce dernier est, pour l'instant, le plus grand mystère de la série. Qui est-il au fond ? Un robot froid et méticuleux ? Une âme en peine cherchant à venger la mort de son ex-amant ("The Brother Butt" dit Tio) ? Les deux à la fois ?
Là-dessus, deux scènes précises viennent éclairer le personnage. Dans la première, après avoir fait partir les Mexicains de son restaurant, il se retrouve seul. Il range méticuleusement les déchets et avec une boule d'aluminium, marque un panier dans la poubelle. Sur son visage, se dessine celui d'un enfant qui vient de commettre un bon coup. On retrouve cette même dynamique dans la seconde scène. L'histoire qu'il conte à ses employés de l'homme seul, qui est parvenu à mettre en déroute les méchants, semble le réjouir profondément. C'est la légende du personnage qu'il ne sera jamais. Gus n'agit pas comme ça. Ses méthodes sont méticuleuses et prennent du temps, demandent de la patience. Avec du recul, il est amusant de voir Gus se fantasmer en une sorte de Walter White de la saison 5 de Breaking Bad.
Mike is The Handyman
Dans Breaking Bad, sur Mike, une chose était certaine : c'était le meilleur dans son domaine. Jamais d'erreurs de jugement. Jamais de remise en cause. Seulement à la toute fin, un plan nostalgique et un regret palpable d'avoir tant fait pour terminer là, au bord de cette rivière. Dans Better Call Saul, la situation est quelque peu différente. Je l'avais déjà dit précédemment, mais le fait que l'acteur soit plus vieux joue beaucoup sur notre perception. D’ores et déjà, il a l'air comme épuisé de ce qui va suivre et qui le conduira à sa perte. Fatigué d'avoir perdu son fils. Épuisé de toujours devoir protéger les siens. Contrairement à Walter, Mike n'aime pas vraiment ce qu'il fait. Il est juste excellent pour cela, mais au fond de lui, c'est un flic. Si traîner avec des voyous de petite envergure (comme dans la saison 1) peut cohabiter avec sa propre moralité, il en va bien autrement quand il s'agit de faire alliance avec un loup comme Gus.
Dans cet épisode, Mike fait le lien entre le début très breaking badien, et la seconde partie beaucoup plus saulienne. C'est l'électron libre qui ne sait pas où se positionner. Il sait où il doit aller s’il veut mettre sa famille à l'abri du besoin, mais il sait aussi qu'il ne faut pas qu'il le fasse. C'est là qu'intervient : Jimmy McGill. Au fond, Mike n'a sûrement que peu d'estime pour la moralité de Saul, qu'il prend sans nul doute pour un escroc à la petite semaine. Mais, l'épisode montre très bien qu'il l'estime en tant qu'être humain. Jim est ce qui se rapproche le plus d'un ami pour Mike.
Et c'est précisément là où l'épisode est génial. Il vient apporter une nouvelle couche de subtilité croustillante dans la mythologie de la série-mère, où Mike avait toujours semblé déconsidérer l'avocat véreux. On comprend ici que Jimmy est l'encrage qui permet à l'ancien flic de ne pas basculer "de l'autre côté", forcément fatal à lui, sur le long terme. Le montage illustre cela à merveille. Gus propose à Mike un boulot dangereux, mais chèrement payé. Mike refuse et quelques scènes plus tard, il est en train de jouer de la perceuse chez Chuck.
Kim’s way
Compte tenu du caractère de la jeune femme, il me semblait évident qu'elle allait rapidement lâcher Jimmy. Il n'en fut rien. Comme Skyler à l'époque (mais pour des motifs complètement différents), Kim décide de suivre la voie de Saul et de se battre à ses côtés. Cela donne lieu à cette séquence du "deux versus deux" dans la salle du tribunal. La première explication qui vient à l'esprit, c'est que Kim le fait par amour. Elle aime profondément Jimmy et veut le défendre quoiqu'il en coûte. L'autre raison (plus crédible, selon moi), c'est sa volonté quasiment viscérale de revanche. Contre ces hommes en costume qui l'ont cantonnée si longtemps en salle d'archives. Contre cette hiérarchie contre laquelle elle a dû se battre. Je ne sais pas qui sortira vainqueur de ce combat, mais au moins, Kim Wexler aura jusqu'au bout choisi sa propre voie. La tête haute.
Un excellent épisode qui interroge la potentialité de ce que la série aurait pu être et de ce qu'elle est réellement. Pour l'instant, cette saison : it's All good Man !
J'ai aimé :
- Le dernier plan final. Pouvait-on faire mieux ? Je ne crois pas.
- "The Brother Butt". Tio et cet art consumé de la punchline.
- Gus, qui apparaît clairement dans cet épisode comme le stade ultime du mal, et qui maintenant laisse transparaître des touches certaines d'humanité.
- Comprendre au détour d'une scène que Mike apprécie la compagnie de Jimmy.
Je n'ai pas aimé :
- La sensation, probablement fausse, que la série prend une direction prévisible et connue sur Mike.
- Don Eladio. Rien contre l'acteur en tant que tel. En revanche, il y a un certain effet de bizarrerie de le voir plus vieux pour une scène qui se déroule supposément dans le passé. Si ça passe pour Mike (parce que ça sert le propos), c'est beaucoup plus compliqué ici.
Ma note : 16/20.
Le Coin du Fan :
Après l'accalmie de la semaine dernière, la série repart sur les chapeaux de roue en ce qui concerne les guests. Retour, tout d'abord, sur les deux-trois easters eggs de la semaine dernière avant d'étudier ceux de cette semaine.
Easter eggs de l'épisode 3 :
- Le flash forward d'ouverture. La scène d'ouverture (celle avec les chaussures qui tombent) se situe pile-poil dans la timeline de Breaking Bad (probablement dans la saison 4).
- Mike rencontre Gus sur une route. Un Gus flanqué de deux adjoints dont Tyrus Kitt, qui fait sa première apparition dans la série. Tyrus est le bras droit de Gus et le remplaçant de Victor. Tyrus sera tué en même temps que Gus dans la maison de retraite de Tio.
Easter-eggs de l'épisode 4 :
- Don Eladio. Après avoir été évoqué en saison 2, le Don et sa célèbre piscine font leur grand retour. À noter le sens du détail de la reconstitution du décor de la piscine, strictement à l’identique. Tio se tient d'ailleurs à peu près à la même place où il était lors de la mort de Max. On peut donc supposer qu'il doit y penser à cet instant :
- Juan Bolsa nous fait aussi un petit coucou. C’est l’homme de liaison entre Gus et le cartel. Il sera d’ailleurs balancé par ce dernier et tué par les forces de l’ordre :
- L'homme de main qui accompagne Tio (à droite sur la photo plus haut) s'appelle Ximenez Lecreda. Il apparaissait déjà dans Better Call Saul, dans la scène en saison 2 (épisode Fifi) où Mike volait le camion de glace des Mexicains :
- La station de pompier d’où Gus téléphone est celle où Walter laisse la petite Olly en saison 5 (Ozymandias) :