Critique : Better Call Saul 3.09

Le 25 juin 2017 à 02:26  |  ~ 10 minutes de lecture
Où Irene gagne au loto.
Par Gizmo

Critique : Better Call Saul 3.09

~ 10 minutes de lecture
Où Irene gagne au loto.
Par Gizmo

Le neuvième épisode réserve toujours de mauvaises surprises à Jimmy. En saison 1, il était confronté au mépris de son frère dans une scène déchirante qui annonçait la déchéance de Jimmy et l'émergence future de Saul Goodman. En saison 2, il inversait la vapeur en piégeant à son tour son frère, qui en ressortait grièvement blessé. Nous voici au neuvième épisode de la saison 3, et l'heure de l'addition est arrivée pour Jimmy. Qui va en payer le prix cette fois-ci ? Kim.

 

 

La confiance règne

 

Contrairement à Breaking Bad, Better Call Saul n’a que très rarement recours à une mécanique du choc, du spectaculaire. Les épisodes pivots de la série, comme l’a été Chicanery plus tôt cette saison, ne sont bien souvent que des étapes dans la construction des personnages, bien loin d’un Walter White réduisant en cendres le QG de Tuco ou d’un avion explosant dans le ciel d’Albuquerque. En ce sens, Better Call Saul est peut-être l’une des séries les moins spectaculaires que j’ai eu l’occasion de voir, et ce refus de basculer dans le phénoménal lui accorde une aura particulière. Certes, Jimmy McGill n’a pas l’aura paradoxale d’un Walter White, et les conflits autour de Mesa Verde ne peuvent rivaliser avec la traque que menait Hank pour mettre fin au trafic du cartel, mais il y a dans Better Call Saul des qualités moins évidentes, et pourtant supérieures à celles de la série-mère : une écriture plus subtile, confiante en elle-même et en l’intelligence de ses spectateurs, pour prendre le temps de se raconter.


Les petits gâteaux chats de Saul (le glaçage c'est dégueu) 


Parfois, la série pousse assez loin ce rapport de confiance. Dans cet épisode, elle nous demande par exemple de faire le lien avec une intrigue de la saison 1 (Jimmy VS Sandpiper Crossing), sans à aucun moment nous faciliter la tâche en nous rappelant les enjeux et les protagonistes de cette affaire. En dépit de tout l’amour que j’ai pour la série, j’ai eu un mal fou à raccorder les wagons lors de la séquence introductive, me demandant même si je n’avais pas sauté un épisode...

Il est pourtant logique, narrativement parlant, que la série revienne sur cette intrigue de la saison 1 afin de pouvoir observer le chemin parcouru depuis. L’époque du Jimmy McGill, fervent défenseur du troisième âge dans son costume (de chevalier) blanc est désormais révolue. Le voici à présent en train d’abuser de la naïveté d’une vieille dame, allant même jusqu'à truquer une partie de bingo (je sais, c'est honteux...) pour parvenir à ses fins.


Le bingo de Jimmy


On peut ici encore une fois reconnaître l’intelligence de la série, qui ne condamne jamais le glissement qui s’opère entre Jimmy et Saul, mais nous laisse spectateurs et juges de cette transformation, allant même jusqu'à totalement dédramatiser le destin de cette pauvre Irene en le présentant sous la forme d'un montage plus porté vers l'humour de cette situation que vers le drame. La série emprunte ainsi le regard de Saul sur sa victime : rien n'est fondamentalement grave dans une arnaque, tant que la finalité en vaut la peine. Que Saul arnaque des inconnus, c'est une chose. Qu'il empiète à présent sur le territoire de Jimmy pour monter ses stratagèmes en est une autre.

Nous avons connu Jimmy, nous nous sommes attachés à lui, mais nous avons toujours su que sa moralité était faillible, sur la corde raide, constamment bousculée par les éléments extérieurs. À présent, Jimmy n’est plus victime de son environnement. Au contraire, il le conditionne. Pour le meilleur et pour le pire.

 

 

Comme une boule de bingo dans une soufflerie

 

Jimmy n’est pas le seul à ressentir ce besoin d’émancipation. Tous les personnages de la série tentent de se libérer des chaînes qui les entravent depuis trois saisons. Dans l’épisode précédent, Kim rompait avec son passé en remboursant Howard, Chuck renouait avec le monde extérieur en acceptant sa maladie pour ce qu’elle était, et Nacho prenait la décision la plus dangereuse de son existence pour sauver sa famille de l’emprise de Don Hector. Mais le prix de la liberté peut parfois s’avérer bien amer : Jimmy la gagne au détriment de la pauvre Irene, Nacho risque sa vie, Kim y perd sa santé… Contrairement aux apparences, seul Chuck semble finalement être sorti vainqueur du procès qu’il a mené contre son frère, retrouvant le contrôle de sa vie et promettant enfin à Howard de retourner les armes de la loi contre lui.

 

 Chuck et son mixeur plongeant


Prendre son destin en main n’est donc pas sans danger, et le plus sage reste parfois d’accepter de se laisser porter par une force supérieure, tel Mike découvrant la toute-puissance de Gustavo Fring et de l’empire qu’il contrôle. Si Better Call Saul est en définitive supérieure sur bien des points à Breaking Bad, c’est peut-être aussi dans sa peinture de la nature humaine. Là où la série-mère avait souvent recours à l’ironie pour faire avancer ses personnages tels des pions sur l’échiquier du destin de Walter White, le spin-off prend le temps de donner vie à ses protagonistes. Comme cette très belle scène au milieu de la nuit, dans laquelle Nacho tente de convaincre son père de ne pas résister aux événements à venir. Ces visages, découpés dans le clair-obscur, d’un père et de son fils qui ne parviennent pas à s’entendre, remettent plus que jamais l’humain au centre du récit. Et la vision d’une Kim, en sang, hagarde, nous saisit profondément.

 

Le père de Nacho

 

 

Kim aime bien, châtie bien

 

J’ai toujours aimé Kim, bien que le personnage ne soit pas forcément le plus abordable de la série. Sa relation avec Jimmy, par exemple, a toujours été plutôt trouble, notamment cette saison où leurs rapports de couple ont quasiment totalement disparu au profit de leur collaboration professionnelle. En tant que spectateur, j’ai eu tendance à considérer Kim à travers le regard de Jimmy. Elle est la raison pour laquelle il se bat, l’un des facteurs essentiels de sa transformation en Saul Goodman.

Mais à trop regarder le personnage de Saul, j’en suis venu à négliger la pauvre Kim. Les indices étaient pourtant là, disséminés dans les épisodes précédents. Kim, la profondément morale Kim, qui ne supporte pas d’avoir humilié Chuck au tribunal, qui s'éloigne progressivement de cet homme qui n'est plus celui qu'elle a connu, qui refuse l'aide de quiconque pour se sortir d'une mauvaise situation, qui porte à bout de bras un cabinet au bord du gouffre... On peut saluer ici l'intelligence du montage, qui réutilise un effet aperçu précédemment dans Expenses (le montage cut mimant sa courte sieste dans la voiture et le réveil brutal qui s'ensuit) pour représenter la brutalité et le traumatisme de l'accident.

 

L'accident de Kim

 

Chicanery n’était en définitive pas l’épisode qui nous montrait la chute de Chuck, mais amorçait celle de Kim. Quel chemin va à présent emprunter le personnage, dernier symbole de pureté au carrefour qui sépare Jimmy McGill de Saul Goodman ? Un conseil, Kim : emprunte la prochaine sortie, si tu ne veux pas finir dans le mur…

 

La saison poursuit sa très solide lancée avec un épisode qui continue de poser toutes les pièces du puzzle Saul Goodman, empruntant parfois des chemins surprenants (Chuck, Jimmy) ou déchirants (Kim, Nacho). Fall est sans doute ce que Better Call Saul peut nous offrir de plus "spectaculaire". Mais  nous savons bien que ce n'est pas pour cela que nous regardons la série. L'essentiel n'est pas tant dans la brutalité de cet accident que dans les conséquences qu'il aura sur le personnage de Kim... Car Better Call Saul n'a toujours été que ça : des personnages.


J'ai aimé :

 

  • Bob Odenkirk est formidable, et rend la transformation de Jimmy en Saul assez difficile à accepter.
  • Irene et le papa de Nacho sont trop mignons, non ? J'espère qu'ils se rencontreront et auront leur propre spin-off...
  • Chuck se rebelle et s'en prend enfin aux bonnes personnes. Et ça fait du bien.
  • Toute la puissance de Gus Fring perçue à travers le regard de Mike.

 

Je n'ai pas aimé :

 

  • Kim poussée à bout.
  • ON NE TRUQUE PAS UNE PARTIE DE BINGO !!!!
  • Une saison de ronrons avec Mike...

 

Ma note : 15/20.

 


Le Coin du Fan :

 

Puisque le site a pris du repos pour les épisodes précédents, voici donc un super coin du fan qui vous résume tout ce que vous avez raté précédemment !

 

Easter eggs de l'épisode 6 :

 

  • La stressée et stressante Lydia de Breaking Bad fait sa première apparition dans le spin-off, accompagnant Gus sur les lieux de la laverie qui deviendra le gigantesque laboratoire de Walter et Jesse.

 

Lydia et Gus

 

  • Ce bon vieux Krazy-8 passe saluer Nacho et papy Hector, après être déjà apparu la saison dernière. Et il travaille toujours pour la boutique de son père, Tampico, dans laquelle Walter a acheté le couffin de son fils.

 

Krazy-8 passe faire coucou

 

Easter-egg de l'épisode 7 :

 

  • Lors de la scène du bar, Jimmy propose à Kim de se faire passer pour Kevin Costner afin de monter une arnaque. Cette dernière ne voit pas du tout le rapport entre l'acteur et son copain. Pourtant, cette astuce a déjà fonctionné par le passé, et Saul s'en vantera même auprès de Walter White. Mais Kim ne voit pas le rapport.

 

Saul est Kevin CostnerJimmy est Kevin Costner

 

Easter-egg de l'épisode 8 :

 

  • La boîte récupérée par Jimmy dans le flashback au début de l'épisode est la même qu'a conservé Gene dans le flashforward au début du tout premier épisode de la série. Difficile d'oublier totalement son passé, j'imagine...

 

Les pansements de GeneLes pansements de Jimmy

 

Easter-egg de l'épisode 9 :

 

  • Lors de son footing au centre commercial, Saul passe devant une boutique qui ne laissera pas les fans indifférents !

 

  • À la fin de l'épisode, Saul rentre au bureau avec une bouteille de Zafiro Añejo, la célèbre tequila bleue qu'utilisera Gus Fring pour se débarrasser de Don Eladio et ses hommes, et à laquelle Jimmy et Ken Wins s'étaient déjà saoûlés dans Switch.

 

Saul et sa bouteille

L'auteur

Commentaires

Avatar Lollie
Lollie
Ben voilà.. Une des raisons pour lesquelles j'aime ce site..Ce genre de critique.. qui formalise pas mal de choses que j'ai ressenties, , en exprime d'autres que je n'ai pas vues, mais qui me donnent envie de re regarder l'épisode (parce que.. il a p'têtre ben raison??).. .. sans parler des eggs qui me donneraient presque envie de revisionner le tout, parce que je n'ai (presque) rien vu, mais faut tt de même pas exagérer, je n'ai pas que ça à faire.. Merci, Gizmo..:)

Avatar Galax
Galax
"On peut saluer ici l'intelligence du montage, qui réutilise un effet aperçu précédemment dans Expenses (le montage cut mimant sa courte sieste dans la voiture et le réveil brutal qui s'ensuit) pour représenter la brutalité et le traumatisme de l'accident." J'avoue que ça me fait limite mettre +1 à l'épisode. C'était juste parfait <3

Avatar Lollie
Lollie
Fait donc ça, Galax..

Avatar Gizmo
Gizmo
Merci Lollie, content que tu te plaises parmi nous et que nos critiques te donnent envie de revoir les épisodes ! "d'autres que je n'ai pas vues, mais qui me donnent envie de re regarder l'épisode (parce que.. il a p'têtre ben raison??)" > Lesquelles ? :) Narlax > Yep, coup de génie sur cette idée. Comme toujours avec cette série, c'est subtil mais diablement bien pensé.

Image Better Call Saul
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