Le début donne immédiatement le ton de ce qu’il n’y aura pas dans cet épisode : la rupture entre Kim Wexler et Saul Goodman. On l’attend tout le long de l’épisode et finalement rien ne se passe.
La non-fin d’un couple
Les signes ne cessent pourtant de se multiplier. On commence par un montage porté par le Somethin’ Stupid de Carson et Gaile (popularisé par Nancy et Franck Sinatra) et chanté ici par Lola March. La chanson exprime extra-diégétiquement ce que les deux personnages ne se disent plus. Le déroulé de la musique connaît d’ailleurs une progression inversée par rapport à ce qui se passe à l’écran : les deux amants du morceau sont d’abord éloignés (« Je sais que j'attends patiemment / Jusqu'à ce que tu trouves le temps / De passer une soirée avec moi »), puis se rapprochent avant une dernière déclaration finale répétée comme un mantra (« I love you / I love you / … »). À l’écran, le processus de séparation est accentué par un usage du split screen que ne renieraient ni Jack Bauer, ni De Palma. De partenaires, les deux amants ne cessent de s’éloigner à mesure que le temps file sur eux. Au bout de neuf mois (le temps d’une grossesse), Kim et Jimmy ne sont même plus présents dans la même pièce. Il faut noter que c’est la première vraie ellipse de la série. Environ un an et demi s’est véritablement écoulé depuis le pilote et il nous reste cinq bonnes années (oui oui) avant le début de Breaking Bad. Autant vous dire que Paul Gould et Vince Giligan ont largement de quoi tenir sur la longueur. Sans problème.
Mais l’accouchement n’arrive jamais, et le spectateur se retrouve encore une fois face à une situation d’attente dont la série s’est largement faite la spécialité. En effet, contrairement à ce qu’on pouvait attendre (et espérer), Kim fait le choix de le soutenir une nouvelle fois. C’est probablement l’ultime fois qu’elle le fait. Les signes de la séparation, pour elle, sont partout, venant tout autant de ses pairs (la soirée du malaise dans son nouveau cabinet), de l’autorité judiciaire (« Le seul témoin est un avocat véreux » lui dit la juge), des actes de Saul et surtout d’elle-même (le regard qu’elle lui porte lorsqu’il lui explique qu’il vend des téléphones). De physique dans l’introduction, la séparation devient morale pendant l’épisode. Ces deux-là doivent rompre et pourtant ils ne le font pas. Pourquoi ? C’est bien là tout le mystère de cet épisode. Du côté de Saul, c’est assez simple : Kim est sa conscience morale. De l’autre côté, c’est plus compliqué. On peut supposer que Kim essaye de ne pas perdre la personne qu’elle a aimée (« Jimmy, whatever you’re doing, don’t ») et qu’en réalité, malgré toutes les preuves qui s’accumulent face à elle, elle l’aime encore. Et ça, c’est sûrement la meilleure partie de cet épisode.
La fin d’une série
Cela fait une poignée d’épisodes que Better Call Saul donne l’impression de faire du surplace. L’ellipse semble, au début, annoncer que la série va enfin passer le cap. Mais non, les bonnes vieilles recettes sont remises en place : Gus cuisine des palourdes, Mike est grognon et Saul dérive lentement, mais sûrement. Jusque là, Better Call Saul était parvenue à trouver sa propre place et à sortir d’un simple statut de "série dérivée de". Malheureusement, plus Breaking Bad se rapproche et plus elle contamine son spin-off. Mike est bloqué sous terre en construisant les décors de la série-mère et j’ai bien l’impression qu’on n’apprendra rien de plus sur Gus, au-delà de ses dons culinaires. Pire encore : Nacho a disparu. Laissé dans une situation critique et suffocante, c’est le grand oublié des derniers épisodes. Il est difficilement compréhensible qu’il soit parvenu à survivre pendant neuf mois, vu la situation dans laquelle on l’avait laissé. Il est un peu trop tôt pour le dire, mais plus l’entrée en scène de Walter White semble survenir à l’horizon et plus Better Call Saul semble disparaître comme Jimmy McGill. Attention, car on se dirige tout droit vers de l’anecdotique.
Better Call Saul connaît une saison un peu difficile où les scènes de mise en place vers quelque chose qui n’arrive jamais se multiplient. Et, à moins d’avoir une (dernière ?) saison 5 en complet décalage avec ce rythme de croisière, nous sommes bien partis pour plusieurs autres saisons de ce type.
J’ai aimé :
- La scène pré-générique qui sauve l’épisode.
- La scène où Kim Wexler regarde Saul dans son bureau, puis la scène où elle demande à son assistante de fermer la porte, sont assez déchirantes.
- La tristesse de Saul qui mesure le bureau de Kim pour le comparer au sien.
- Saul qui explique à Huell qu’il ne doit pas fuir et se confronter à la justice. Soit tout ce qu’il ne fera pas.
Je n’ai pas aimé :
- Nacho, porté disparu.
- Mike et les constructeurs de l’extrême (merci à nicknackpadiwak pour l’appellation).
- Gus, toujours cette belle coquille vide. On se souvient qu’il avait mentionné avoir des enfants à Walter dans Breaking Bad.
Ma note : 13/20
Le Coin du Fan :
- La procureure qui traite Jimmy d’avocat véreux était déjà apparue dans la série. Dans l’épisode 7 de la saison 2, Jimmy lui explique avec Mike que le flingue n’appartient pas à Tuco. Elle perdait ce procès à cause de Saul.
- Une firme d'avocats de p'tits malins de la famille Saul a, depuis la saison 2, repris le slogan de la série et n'hésite pas à le diffuser pendant les coupures pub de la série elle-même :
Bonus :
Better Call Saul résumée en une image :
"Jimmy, peu importe ce que tu fais, ne le fais pas."
À la semaine prochaine !