Critique : Better Call Saul 4.08

Le 28 septembre 2018 à 09:32  |  ~ 10 minutes de lecture
Où on repart pour un tour...
Par Gizmo

Critique : Better Call Saul 4.08

~ 10 minutes de lecture
Où on repart pour un tour...
Par Gizmo

Une dernière arnaque, une dernière cigarette, une dernière étreinte… Il faut savoir s’arrêter, et c’est rarement chose aisée. Il en est de même pour les critiques de Better Call Saul. Chaque semaine, je me persuade que c’est la dernière de la saison, que je ne trouverai plus rien à dire de plus, en particulier dans une saison moins stimulante que les précédentes. Mais que voulez-vous, on se laisse toujours tenter par une dernière critique…

 

Jimmy et Mme Nguyen

 

 

« The final structure has strict requirements. »

 

À l’origine, Better Call Saul avait été envisagée comme une sitcom au sein de laquelle Saul Goodman enchaînerait les clients et arnaques plus loufoques les unes que les autres. Nous avons beau le répéter de critique en critique, force est de constater que le fruit est tombé bien loin de l’arbre. Pour le meilleur (Better Call Saul est un délice d’écriture dramatique), mais parfois pour le pire. Car on aime Jimmy pour ses loufoqueries, ses tours de passe-passe improbables. Et cette saison a été plutôt faiblarde dans ce domaine. Cela était essentiel pour traiter avec justesse du deuil de Jimmy, mais la saison a jusqu’à présent manqué de grands moments. Même la vengeance de Jimmy sur les petites frappes dans Piñata était loin d’avoir l’impact attendu, car elle manquait de build-up.

 

Jimmy au boulot

 

Better Call Saul, comme Breaking Bad, n’est jamais meilleure que lorsqu’elle récompense ses spectateurs de leur fidélité, leur prouvant que chaque petit élément a une répercussion dans le schéma global de la série. Après un enchaînement d’épisodes un peu plus faibles qu’à l’accoutumée, Coushatta renoue avec ce sens de la structure qui définit l’écriture de Peter Gould et Vince Gilligan. Il est jouissif de voir le puzzle scénaristique prendre forme, de l’entretien entre Kim et le juge Munsinger de l’épisode 4 au commerce des téléphones portables lancé par Jimmy, de l’attaque au sandwich sur un flic d’Huell Babineaux à la reprise du cabinet Wexler McGill. Les chemins pris par cette saison sont aussi inattendus qu’ils sont cohérents, à l’image de l’arnaque absurdement géniale de Kim et Jimmy, et peut-être est-ce la raison pour laquelle on ne perd jamais espoir en la série, même dans ses moments de faiblesse.

 

 

Slippin’ Kim

 

Un scénariste ne dispose que d’un réservoir limité d’idées. Les fans de Better Call Saul ne cessent de construire les théories les plus alambiquées sur les épisodes et intrigues à venir, sans se rendre compte finalement que Gilligan et Gould ne font qu’emprunter, avec brio, des chemins qu’ils connaissent. Coushatta renoue avec le meilleur de la série, car il laisse les personnages se caractériser dans le feu de l’action, sans ressentir le besoin de ralentir son rythme pour autant, et qu’il construit l’ensemble de ses intrigues autour de thématiques communes, déjà rencontrées dans Breaking Bad.

 

Kim hésite


Kim, comme Mike, comme Nacho, comme Jimmy, se posent la même question. Quand faut-il s’arrêter, avant qu’il ne soit trop tard ? Le duo Kim/Jimmy n’est pas sans évoquer Walter et Skyler, deux forces morales que tout semble opposer, et qui se retrouvent finalement dans la jouissance de franchir les limites. Comme Walter, Jimmy a conscience qu’il a dépassé une limite et que son couple touche désormais à sa fin (lors d’une très chouette scène avec Mme Nguyen).

Comme Skyler, Kim lutte pour conserver une éthique, une rigueur morale, mais accepte de se laisser entraîner par les magouilles de son compagnon. Car, comme Skyler, Kim est une surdouée qui ne parvient pas à s’épanouir dans les limites que la société lui impose. Et elle pourrait même devenir meilleure que Jimmy dans ce domaine. La saison nous l’a montrée en quête de nouveaux défis, d’une nouvelle définition de la justice. Mais, contrairement à ce que nous pensions, ce n’était pas tant pour retrouver une éthique que pour se retrouver elle-même, se confronter à ses limites, que Kim traînait sur les bancs du tribunal. Comme l’expliquait Walter dans le dernier épisode de Breaking Bad, « I did it for me. I liked it. I was good at it. And… I was really… I was alive. » Difficile alors de ne pas penser à Kim dans cet épisode, se jetant fougueusement sur Jimmy pour l’embrasser après avoir remporté une victoire sur le système. Reste à savoir quelle sera la limite qui fera basculer Kim définitivement.

 

Kim fume

 

 

Le retour de la mouche


Walter White se posait la question dans Fly. Quand doit-on s’arrêter ? Quand a t-on assez vécu pour savoir que la suite ne sera qu’une longue descente aux enfers et qu’on ne parviendra plus à aller de l’avant ? Mike se retrouve confronté aux mêmes questionnements que Kim et Walter, à des degrés différents. Si l’intrigue des Allemands a jusqu’ici été le gros point faible de cette saison, elle gagne ici enfin un peu en profondeur. Contrairement à ce que laissaient penser les épisodes précédents, le danger ne venait finalement pas de Kai, mais de Werner, qui a pourtant su gagner la confiance de Mike au fil du temps.

 

Mike est déçu

 

Encore une fois, la série fait écho aux intrigues de Breaking Bad, Mike se retrouvant face à Gus avec un dilemme similaire à celui que Walter avait vécu avec Jesse : jusqu’où est-il prêt à aller pour assurer le bon fonctionnement des affaires de son patron ? À quel moment le professionnel prend le pas sur le personnel ? Nul doute que Mike fera tout pour mener sa mission à bien (Gus n’aurait jamais gardé à ses côtés un homme qui a failli), mais le chemin pris par le scénario pourrait s’avérer plus surprenant que prévu. Les Allemands mèneront-ils vraiment à bien ce chantier ? On peut en douteur. Après tout, Gus Fring ne fera visiter un laboratoire totalement neuf que cinq ans plus tard. Ce qui annonce sans doute encore quelques complications pour Mike…

 

 

Lalo Land

 

Il en est de même pour Nacho, qui semble enfin avoir trouvé un rythme dans sa nouvelle vie, avançant désormais sans but et conviction, uniquement guidé par son désir d’obéir aux ordres du cartel. L’ellipse a permis au personnage de gagner en maturité et en contrôle de soi. Mais derrière les apparences d’une vie sacrifiée, un espoir perdure : Nacho conserve dans un coffre son golden ticket (de fausses pièces d’identité pour son père et lui) afin de fuir quand le moment sera venu. Mais nous savons qu’on ne fuit jamais vraiment Albuquerque. Surtout quand on prévoit de le faire. Et qu’un nouveau Salamanca surgit dans votre vie.

 

L'arrivée de Lalo


Coushatta joue finalement un rôle assez étrange dans cette saison. Tandis que nous étions persuadés que cette saison serait celle qui officialiserait le lien avec la série mère, ce huitième épisode redistribue les cartes et laisse à penser que nous avons encore bien du chemin à parcourir avant que Walt et Jesse franchissent les portes du cabinet de Saul Goodman. Car nous savons que Jimmy a trempé dans des affaires louches avec Lalo et Nacho, nous savons que Kim ne fait plus partie de la vie de Jimmy, nous savons que le laboratoire ne se finira pas dans l’année. Mais Coushatta redistribue les cartes et semble nous annoncer que l’attente pourrait être plus longue que prévue.

 

Coushatta redonne de l’espoir au sein d’une saison qui ronronnait un peu trop. Les intrigues de la saison sont désormais arrivées à maturité, il est trop tard pour faire marche arrière. Et pourtant, Jimmy aurait pu tout arrêter, sur ce parking, face à Kim. Mais il est si dur de résister à une dernière tentation…

 

J’ai aimé :

 

  • Un épisode qui va enfin de l’avant et confronte ses personnages à des enjeux moraux
  • Le retour des magouilles de Jimmy
  • Rhea Seehorn qui sourit, toujours un plaisir
  • Le retour de Nacho

 

Je n’ai pas aimé :

 

  • L’intrigue de Mike, toujours en-dessous du reste
  • Plus que deux épisodes dans une saison qui a un peu trop joué la montre

 

Ma note : 15/20

 

 

Le Coin du Fan :

par Koss

 

  • À un moment donné de l'épisode, Kim sort un objet de son bureau et le regarde avec attention. Il s'agit du bouchon de la marque de Tequila Zafiro Añejo, qui lui rappelle le moment où elle avait anarqué ce type au restaurant, avec Jimmy, dans le premier épisode de la saison 2.

 

  • Le site créé par Jimmy, Kim et leurs amis existe bel et bien. Si vous décidez d’appeler le numéro, vous tombez sur Saul en répondeur. Et si vous décidez de faire un versement d’argent, le site vous redirige vers la Banque Alimentaire de Louisiane.

 

  • Il y a aussi tout plein de messages rigolos qui font directement référence à d’autres épisodes de la série :

"When I had to leave for my Papaw's funeral, Huell watched my cats. He fed them and remembered to give them their medication. Oscar and Felix have sensitive stomachs and needed lots of love. Now every time he visits, they jump right on his lap." - Pauline B.

 

  • ATTENTION, probable spoiler si la théorie suivante se révèle vraieLa grosse question de la série repose désormais sur les épaules de Kim : que devient-elle dans Breaking Bad ? Au-delà des réponses simples (elle est morte ou en fuite), d'autres plus complexes apparaissent. Notamment cette théorie récurrente depuis un an, qui voudrait qu'elle soit vivante et qu'elle s'occupe dans la série mère de "Ice Station Zebra and Associates", l'entreprise de blanchiment d'argent de Saul, mentionnée par ce dernier dans la série mère (épisode Abiquiu). Ice Zebra Station est un film de 1968 qui est regardé par Kim et Jimmy dans l'épisode Amarilo. C'est donc un nom qui est directement fait en référence à Kim. Or, le nom Wexler est un dérivé du bas allemand (ensemble de dialectes parlés dans le nord de l'Allemagne) "Wesseler", qui signifie : "changement d'argent". Et quand on connaît le soin du détail apporté par Giligan à la série, on se dit que peut-être tout n'est pas complètement fortuit.


À la semaine prochaine !

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