Critique : Better Call Saul 6.5

Le 12 mai 2022 à 16:52  |  ~ 9 minutes de lecture
Better Call Saul joue-t-elle la montre ?

Critique : Better Call Saul 6.5

~ 9 minutes de lecture
Better Call Saul joue-t-elle la montre ?
Par nicknackpadiwak

 

Après avoir clos l’arc Nacho, la série semble ralentir encore plus son tempo et propose un épisode jumeau à celui de la semaine dernière. Better Call Saul est-elle en train de jouer la montre et attendre les arrêts de jeu pour se remettre à attaquer ?

 

Mi-temps ?

 

Il avait été reproché ici et là à Hit and Run de n’être qu’un vil épisode de transition, voire de remplissage. Moi, je l’avais bien apprécié et j’y avais vu un point de non-retour de la transformation de Jimmy McGill en Saul Goodman (ou de Better Call Saul en Breaking Bad, si vous voulez), transformation cette fois matérielle, avec l’acquisition du fameux bureau boulevard Montgomery à Albuquerque, mais aussi psychologique via le déclic chez Jimmy qui réalise que sa carrière d’avocat respecté ne serait jamais, alors que les crapules et les criminels lui apportent une énorme reconnaissance et beaucoup d’argent. Et si on pouvait considérer l'épisode 4 comme un épisode inutile, que dire de celui-là ? Car, mis à part la mue de Saul qui continue (bureau investi, en mode minimaliste certes, clientèle nombreuse, mais surtout le retour, pardon l’arrivée de Francesca Liddy aka LA secrétaire de Saul dans Breaking Bad), les autres situations semblent en apnée, le temps se fige, tout le monde attend en craignant le prochain mouvement de Lalo Salamanca, et Fring... récure sa salle de bain.

 

Cliff qui se demande ce qu'il se passe ici

 

Échec et dodo

 

Si Better Call Saul s’apparente parfois à une partie d’échecs, ici, nous sommes clairement dans l’attente du prochain coup de l’adversaire, à savoir Lalo (le fou ?). L’épisode complet est dans la crainte de son retour, Kim comme Fring sont gagné·e·s par la peur et la paranoïa, et les deux suffoquent. C’est bien, c’est nécessaire, mais cela donne à l’épisode un effet d’engourdissement, un peu comme un match de l’Atlético de Madrid cette saison : cette équipe composée d’excellents footballeurs, mais qui pratiquent un football ennuyeux, jouant tout sur l’endormissement de son adversaire pour porter l’estocade. Alors, autant le moment où Kim se réveille en pleine nuit et barricade la maison est vraiment bien, autant les parties sur Fring qui se regarde dans un miroir, nettoie sa baignoire ou décide d’aller voir le chantier du futur labo de meth (scène interminable) m’ont paru bien bien longues. C’était d’ailleurs un des challenges de cet épisode : faire ressentir à nous, spectateurs, la peur d’un personnage caractérisé par sa froideur et son absence d’émotions montrées (d’ailleurs, Fring ne m’a jamais autant fait flipper que quand il sourit derrière le comptoir du fast-food, brrrr, rien que pour ce moment, l’épisode devrait être interdit au moins de dix-huit ans) et je trouve que le pari n’est pas gagné. C’est rare que cela m’arrive avec Better Call Saul, mais j’ai senti le temps passer durant certains moments de cet épisode et j’ai été proche de m’ennuyer.

 

Kim toute seule sur son canapé

 

Effet de pacotilles ?

 

D’ailleurs, cette visite du superlab n’est-elle pas un moyen un peu grossier de nous amener à l’intrigue suivante en nous rappelant Werner, l’architecte allemand qui avait construit le labo et que Mike avait dû éliminer ? Cela en a tout l’air, mais ce serait étonnant d’une série qui ne s’embête pas habituellement pour balancer à la tête des spectateurs des personnages venus d’épisodes très anciens (coucou, les Kettleman) ou références pointues du passé, sans prendre la peine de rafraîchir leur mémoire. En même temps, ce serait une thématique de cette dernière saison, celle des procédés pas subtiles, comme la fameuse technique du personnage qui ne dit pas tout à un autre personnage (Kim qui cache à Saul que Lalo n’est pas mort) ou en réutilisant le foreshadowing en pré-générique, comme pour l’épisode 3, avec ce coup-ci la fabrication d’une sculpture commémorative qui s’avère être l’indice qui permettra à Lalo de remonter la filière jusque Fring (même si cette scène joue habilement avec le spectateur, lui faisant croire à la fabrication de meth). Donc l’épisode semble indiquer, par moment, que la série semble avoir un peu trop utilisé ses subterfuges et ficelles (comme par exemple, ce qu'a trafiqué Gustavo dans le labo et qui sera expliqué dans un prochain épisode) et arrive un peu à bout de souffle. Comment renouveler ? Bah, en organisant un combat de boxe, pardi ! Euh... quoi ?!

 

Combat de boxe entre Howard et Jimmy

 

Boxing Jimmy

 

Hopper, dans son excellente critique de l'épisode précédent, avait bien vu. Saul et Kim dans leur plan pour faire chuter Howard ont laissé beaucoup trop d’indices derrière eux pour des personnes aussi précautionneuses pour que cela ne fasse pas partie de leur plan. Ainsi pour une raison encore obscure, ils veulent qu’Howard comprenne que Saul veut le faire tomber. Néanmoins, si cela promet un plan alambiqué, je commence à me lasser de cette histoire de vengeance, clairement, cela dure depuis trop d’épisodes et une nouvelle fois, j’y vois une manière de faire patienter (selon moi jusqu'à la mi-saison où Walter White et Jesse Pinkerman débarqueront pour une dernière salve d’épisodes en juillet où Better Call Saul et Breaking Bad avanceront main dans la main, mais ce n’est que ma théorie) et j’ai le sentiment que les auteurs ne savent plus quoi inventer pour faire traîner ce subplot. D’où, tombé du ciel, ce combat de boxe entre Howard et Saul, drôle d’idée dont je ne comprends pas l’intérêt, ni le sens (Saul savait qu’il allait se faire battre) à moins qu’il s’agisse d’une nouvelle manœuvre de Jimmy, une nouvelle pièce de puzzle du plan. En tout cas, ce combat m’a laissé les bras ballants et je me suis gratté la tête (admirez ma souplesse tout de même) devant ce qu'il voulait amener. Mais je suis certain que beaucoup, par contre, vont l'adorer.

 

Lalo en mode BG, tavu

 

Ich Liebe Dich ?

 

Je vais terminer sur Lalo. Car oui, enfin, Lalo fait son grand retour. Il est désormais en Allemagne, à la recherche des ingénieurs ayant construit le laboratoire de méthamphétamine de Fring lors de la saison 4. Et sa première étape est de se rapprocher de la veuve de Werner. D’ailleurs, ne me demandez pas comment un fugitif censé être mort arrive à se rendre en Europe, localiser, identifier et connaître suffisamment les habitudes d’une totale inconnue pour la séduire dans un café, Better Call Saul, tout comme Breaking Bad, nous demande de parfois fermer les yeux et de ne pas chercher à trop raisonner. Mais soit, Lalo est parti Outre-Rhin. Pourtant, même si je comprends que Lalo sous le conseil d'Hector cherche des preuves pour faire tomber Fring, je suis un peu déçu par cette évolution d’intrigue, j’y vois une nouvelle manière de faire gagner du temps. Car, selon moi, ce n’est pas vraiment le style des Salamanca, ils sont d’ordinaire plus fonceurs, plus directs. Lalo est plus le genre à débarquer en soirée chez toi, sourire aux lèvres mais lumière inquiétante au fond des yeux, que de jouer les gentleman cambrioleur. Surtout que je l’ai déjà dit, le souci de Lalo, tout excellent antagoniste qu’il est, est qu’on sait qu’il ne sera qu’une menace vaine et que les proies qu’il a dans son viseur (Saul, Mike, Gustavo) lui survivront. En tout cas, son retour fait du bien et la série va pouvoir se remettre en marche. Du moins, je l’espère.

 

Au moment du bilan final, clairement, Black and Blue ne figurera pas dans le top 10 des épisodes de la série, il est au contraire un des plus dispensables. Mais ainsi va la structure de la série, qui tel un manège à sensation comme des montagnes russes un grand huit, a besoin de phases d’attente où l’on monte doucement pour mieux redescendre d’un coup et générer moult émotions.

 

J’ai bien aimé :

  • Revoir le bureau de Saul Goodman de Breaking Bad, même si pour le moment il n’est meublé que d’un bureau, de deux chaises et d’un... WC.
  • C’est toujours aussi beau et stylé à regarder. 
  • Les premières secondes qui ont ravivé le souvenir de Walter White.

Je n’ai pas aimé :

  • Sentir le début d’un ennui.
  • Tout qui concernait Gustavo. Si lui et Mike ne servent plus à rien, on peut les mettre en retraite, pas de souci.
  • L’escapade allemande de Lalo. Tu es trop loin, reviens (foutre la m...) !

Même après quelques jours, je ne sais toujours pas quoi en penser :

  • Le match de boxe. 

Ma note : 12/20

L'auteur

Commentaires

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Galax

Bravo pour avoir réussi à autant parler sur un épisode aussi vide ^^

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Hopper

Bravo, très belle critique !

Je te rejoins dans l’ensemble. J’aime beaucoup tes analogies (cf. avec le foot).

Oui, c’est vrai qu’il y avait des longueurs dans l’épisode surtout la partie avec Gus. Comme tu le mentionnes, là encore la série pâtit de son statut de spin-off parce qu’on sait que, dans tous les cas, Gus ne risque rien et Lalo va échouer dans sa mission.

Quand tu mentionnes les grosses ficelles, pour moi, le problème de l’écriture est plus la manière dont est distillée l’information : il y a un écart trop important entre ce que les personnages savent et ce que nous savons. Jouer sur le mystère peut marcher un temps, mais ils ne peuvent pas éternellement nous laisser dans le flou.

Par contre, le combat de boxe ne m’a pas posé de problème. Au contraire, j’ai trouvé l’idée audacieuse : j’ai compris ça comme un moyen pour Howard de régler son problème avec Jimmy à la loyale. Il faut pas oublier qu’il va chez le psy, qu’il a une plaque d’immatriculation « Namaste » et il doit certainement acheter que des produits bios. Ça ne m’étonne donc pas de lui, même si l’idée est absurde.

Enfin, entièrement d’accord sur l’intrigue de Lalo en Allemagne. C’est too much et il faut bien des efforts pour suspendre son incrédulité.

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