Après un troisième épisode de bout en bout haletant qui clôturait l’arc de Nacho, il nous tardait de voir ce que nous réservaient les scénaristes. Cet épisode intitulé Hit and Run (traduction : "Délit de fuite") a été réalisé par Rhea Seehorn, l’actrice qui interprète Kim Wexler. Le ton et le rythme changent du tout au tout comparés au début de saison. Alors, verdict ?
Génies du crime ?
Si le précédent épisode se concentrait sur la partie Cartel, celui-ci s’intéresse presque exclusivement à l’intrigue de Jimmy et Kim. Ces derniers, au cours du premier quart d’heure, mettent à exécution la suite de leur plan pour ternir la réputation d’Howard. Il s’agit d’une mise en scène assez élaborée pour faire croire à Cliff Main que son ami Howard est un toxicomane. Pour la deuxième fois, Jimmy s’en sort in extremis.
Néanmoins, le plan du couple reste toujours aussi flou. Jusque-là, Jimmy et Kim ont fait preuve de beaucoup d’imprudence, laissant derrière eux un faisceau de preuves et d’indices qui pourraient permettre de remonter jusqu’à eux. Dans le 6.01, Jimmy tombe nez à nez avec Kevin Wachtell, le directeur de la banque Mesa Verde et ancien employeur de Kim ; les deux s’écharpent en public et des minutes plus tard, voilà Jimmy qui place de la fausse cocaïne dans le casier d’Howard. Dans le 6.02, Jimmy et Kim menacent les Kettleman de dénoncer leurs escroqueries s’ils ne gardent pas le silence, mais comment être sûr qu’ils obtempéreront ? De même, dans cet épisode, même si Cliff croit avoir vu Howard expulser une prostituée de sa voiture, Howard a un alibi de taille, il était au même moment chez le psychologue.
Dès lors se pose la question de savoir si Jimmy et Kim, emportés par l’hubris, font preuve de négligence ou si, au contraire, cela fait partie de leur plan. Ainsi, ne chercheraient-ils pas justement à ce qu’Howard soupçonne Jimmy pour peut-être provoquer une scène où Howard s’emporterait en public, comme ce fut le cas avec Chuck, et le discréditer encore plus ? La seconde hypothèse ferait plus sens, car Jimmy et Kim sont dépeints comme méticuleux. En outre, les scénaristes nous ont habitués à nous méfier des premières impressions.
Fausses pistes
Et pour cause, cet épisode s’amuse à brouiller les pistes et ce, dès la scène d’ouverture qui montre un couple rouler à bicyclette. Il nous est révélé plus tard que Gus, craignant la vengeance de Lalo, les a recrutés pour qu’ils se fassent passer pour ses voisins. Gus va même jusqu’à relier sa maison avec la leur et déploie un dispositif de surveillance démesuré.
Le même jeu de fausses pistes se poursuit quand Kim se rend compte qu’elle est suivie par une voiture (la même qui apparaît à la fin du 6.02). Certains ont pensé à un moment à Lalo ou à un détective privé recruté par Howard, voire des investigateurs de la police (surtout depuis que Jimmy est soupçonné par la procureure d’avoir aidé à la libération d’un criminel recherché), mais il s’agit des hommes de Mike.
Un épisode de transition ?
En comparaison avec les trois premiers épisodes, le rythme est ici plus lent. Et ce n’est pas forcément une mauvaise chose, tant la série nous avait habitués à raconter des tranches de vie en n’omettant pas les mondanités.
Cet épisode utilise à bon escient la carte du mystère pour nous accrocher à notre siège. Le fantôme de Lalo hante les personnages et l’on pouvait s’attendre parfois à le voir apparaître à l’écran. Mais, finalement non… Cet épisode serait-il alors un épisode de transition (ou de remplissage, diront les mauvaises langues) ?
Oui et non. Oui, car cet épisode prépare le terrain de la transformation de Jimmy en Saul. Le bruit court que Jimmy est l’avocat du Cartel et il se retrouve ostracisé par ses pairs. À ce titre, il est intéressant de noter que cette exclusion joue le rôle de catalyseur : si sa réputation professionnelle se retrouve ternie, il gagne la sympathie des criminels qui le mettent sur un piédestal. La citation d’Antoine Lavoisier décrit si bien cette transition : « Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme. » À la fin de l’épisode, Jimmy montre à Kim l’emplacement potentiel de son nouveau bureau (qui s’avère être le même que celui de Breaking Bad).
N’oublions pas d’ailleurs la rencontre entre Mike et Kim, où l’un révèle à l’autre que Lalo est toujours vivant. Kim décide de ne pas en souffler mot à Jimmy, ce qui constitue une décision non anodine au vu de la complicité du couple. L’actrice Rhea Seehorn nous partage son interprétation : selon elle, Kim sait que Jimmy va beaucoup mieux depuis son épisode traumatique dans le désert et elle ne veut pas casser cette dynamique. Rhea avance aussi qu’il y a également une part d’ego, une part de Kim qui pense qu’elle peut tout garder sous contrôle. Mais, bien sûr, dans toute fiction, les secrets finissent toujours par remonter à la surface. Quand et comment Jimmy découvrira-t-il le pot aux roses ?
Il serait donc injuste de considérer que ce quatrième épisode ne fait pas avancer l’intrigue. Néanmoins, certains pourront pester que celui-ci traîne un peu trop en longueur. De mon côté, je n’ai pas vu le temps passer ; l’épisode était même très court (quarante-cinq minutes) et j’en redemandais plus, mais je peux comprendre le reproche.
Une réalisation ingénieuse
Pour une débutante réalisatrice, Rhea Seehorn s’en sort excellemment. Elle réussit à capter l’action par des plans bien cadrés et des mouvements de caméra ingénieusement pensés. Deux exemples viennent à l’esprit. Quand Howard se confie à son psychologue, dans le même plan, on voit depuis la fenêtre la silhouette de Jimmy qui s’avance avec un cône. Quelques minutes plus tard, quand Jimmy sort de la voiture d’Howard pour déposer le cône, on a l’impression que la caméra est fixée à la portière et le mouvement de caméra qui s’ensuit quand il ouvre puis referme la portière est très habile.
Rhea Seehorn arrive également à bien filmer la tension et la paranoïa des personnages à renforts de plans rapprochés. Avons-nous besoin une fois de plus de saluer la performance des acteurs ? En particulier, dans cet épisode, Rhea Seehorn tire son épingle du jeu, réussissant par des micro-expressions à exprimer les doutes et les craintes qui taraudent son personnage.
Résultat des courses : un très bon épisode qui s’apparente à une forme de parenthèse après le marathon du début de saison. Les scénaristes se concentrent enfin sur l’intrigue de Jimmy et Kim, jouant la carte du mystère. Il n’y a pas de fulgurances scénaristiques à relever. Mais les pièces du puzzle commencent à se mettre en place avec les mille et une références à Breaking Bad (le bureau de Saul, l’apparition de Spooge qui sombrera dans la drogue et mourra écrasé par un distributeur de billets devant les yeux de Jesse ou encore la prostituée Wendy). Mais là où s’illustre cet épisode, c’est la justesse avec laquelle il dépeint les affres des protagonistes. Howard qui mentionne pour la première fois ses problèmes conjugaux ; Gus qui vit dans la peur ; Kim qui s’insurge quand son mari qualifie leur comportement de « méchant » comme si elle cherchait à se convaincre du bien-fondé de leurs actions. Vite, la suite !
J’ai aimé :
- On se concentre enfin sur l’intrigue de Jimmy et Kim
- La tension est palpable
- Rhea Seehorn, la réalisatrice, et Rhea Seehorn, l’actrice
- La série prépare le terrain pour la transformation de Jimmy en Saul
Je n’ai pas aimé :
- Peut-être l’impression d’un épisode de transition
- Où est Lalo ?
Ma note : 15/20