L’année dernière, la fin de la deuxième saison de la série produite par Martin Scorsese avait été tellement incroyablement… incroyable, que les deux derniers épisodes m’avaient complètement vidée émotionnellement.
D’ailleurs, un an après, certaines scènes me hantent encore. Alors que bizarrement j’oublie les intrigues des épisodes de Castle dès le lendemain. Allez comprendre.
Mais cette intensité et cette noirceur dramatiques ont eu un prix : la disparition d’un des personnages les plus emblématiques et les plus charismatiques de la série. Cette troisième saison sortira-t-elle indemne, voir grandie, de cette amputation ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais le moins qu’on puisse dire après la vision de cet épisode de reprise, c’est que ça commence fichtrement bien.
Nucky Thompson (Steve Buscemi), nouveau roi d'Atlantic City
Plongée dans les années vingt
Le rôle d’un épisode de reprise est de réveiller la mémoire défaillante du téléspectateur, de le prendre par la main pour qu’il se remémore en douceur l’histoire qu’il a quittée un an auparavant. Ce n’est pas une mince affaire dans le cas de Boardwalk Empire, vu le nombre de personnages, d’intrigues et de sous-intrigues que cette série comporte. Mais grâce au talent de la « dream team » Terence Winter (scénario) / Tim Van Patten (réalisation), on se réimmerge sans le moindre effort dans l’Atlantic city des années 20.
Atlantic City… Nous la redécouvrons avec délectation le temps d’une scène géniale où la caméra suit un gamin parcourant ces lieux qui nous sont désormais familiers. En quelques minutes, le ton est donné : décors et costumes somptueux, musique jazzy entrainante, jeu des acteurs, éclairages, écriture et réalisation dignes d’un long métrage… Pas de doute, Boardwalk Empire est bel et bien de retour, et à son meilleur niveau.
L’épisode se concentre sur une seule journée, celle du nouvel an 1922/1923 : l’occasion de dresser l’état des lieux et de montrer en quelques scènes et dialogues bien choisis ce que sont devenus les personnages depuis la fin de la saison 2. Presque tous les héros répondent à l’appel, sauf Chalky White et Eli, le frère de Nucky… les reverrons-nous ?
Du côté du « clan » Darmody, le fils de Jimmy et Angela est désormais élevé par Gillian, et par le meilleur ami de feu ses parents, Richard Harrow. Drôle d’entourage pour grandir qu’une grand-mère désormais mère-maquerelle qui a l’air d’avoir 20 ans, et un tireur d’élite à moitié défiguré…
Richard Harrow, père de substitution pour le fils de Jimmy et Angela ?
L’ex-agent Van Alden a quant à lui changé de ville, changé de nom, et s’essaie sans grand succès au démarchage à domicile et à la méthode Coué. On peut penser que sa rencontre avec un certain Al Capone va finir par briser cette routine déprimante…
Mais ceux qui règnent sans conteste sur cet épisode sont les époux Thompson…
Nucky le Magnifique
L’épisode culmine lors de la somptueuse fête du Nouvel an chez Nucky Thompson et Margaret, désormais mariés. Toujours prête à nous replonger dans le contexte de l’époque, la série profite de l’occasion pour se faire l’écho de la toute récente découverte de la tombe de Toutankhamon, qui sert de fil rouge thématique à cette soirée.
La reconstitution est particulièrement soignée. Nous assistons en direct au faste des Années folles tel qu’on se l'imagine – il ne manque plus que Gatsby le Magnifique pour compléter le tableau. Au cœur de la fête, une scène de music-hall absolument géniale qui intronise avec humour et légèreté Nucky en tant que grand roi-pharaon d’Atlantic city.
♪ In old KingTut-Tut-Tut-ankhamun's day ♪
♪ Beneath the tropic skies, King Tut-Tut was very wise ♪
Cette légèreté contraste avec le portrait qui nous est fait par ailleurs du nouveau Nucky : toujours aussi manipulateur, calculateur, et cynique, mais le peu de cœur tendre qui lui restait semble avoir disparu… Car le ver est dans le fruit : Nucky est richissime et quasiment tout-puissant, mais dès la fin de l’épisode des fêlures commencent à apparaître aux bases de son empire…
Il y a par exemples des tensions entre les petits copains de Nucky. Il faut dire qu’on a rarement vu des gangsters marcher longtemps main dans la main... Et le nouveau venu, un certain Mr Rossetti, est à la fois susceptible et psychopathe… un cocktail probablement explosif.
Et puis il y a Richard Harrow, cet incroyable personnage qui n’apparaît que dans peu de scènes, mais toutes inoubliables. Sa « connexion » avec Angela était l'une des plus belles idées de la saison précédente. Elle est maintenue dans cet épisode grâce à une idée belle et émouvante : le tableau qu’elle lui a laissé, représentant une femme seule de dos dans un paysage à la De Chirico, comme un écho à leur solitude à tous deux. Richard Harrow, qui semble décidé à venger la mort d’Angela… S'il se met à venger Jimmy aussi, les têtes vont tomber autour de Nucky.
Et enfin, il y a Margaret. La fin de l’épisode nous révèle à quel point Nucky et elle se sont éloignés depuis le coup bas qu’elle lui a fait en fin de saison 2. Elle a des envies de liberté et d’émancipation… on peut se demander quelles en seront les conséquences pour Nucky et sa carrière.
Quel cap pour cette troisième saison ?
Boardwalk Empire est une série imprévisible. Elle l’a montré à plusieurs reprises… Tenez, j’ai passé les 3/4 de l’épisode à m’extasier sur la présence et le charisme de l'acteur qui joue Munya, le boucher juif, persuadée qu’il allait prendre une place très importante cette saison. Le moins qu’on puisse dire est que j’ai été prise au dépourvu par la fin de l’épisode !
Il est donc impossible à ce stade de deviner où Terence Winter va nous emmener. Il suffira comme d'habitude de se laisser porter, de se laisser surprendre.
Ma principale question à l’issue de ce nouvel épisode est la suivante : qui sera le centre de gravité de la saison 3 ? Si la série tourne toujours autour de la destinée de Nucky Thompson, la saison 2 avait choisi en définitive de se focaliser plus sur Jimmy, et ce choix s'était révélé plus que gagnant. J'aimerais assez que la saison 3 fasse le même pari et tourne autour d'un troisième héros... et au vu de cet épisode, je me dis que ce héros pourrait bien être une héroïne. Margaret se voit en effet proposer plusieurs pistes de développement potentiellement passionnantes dès cet épisode - alors qu'elle avait tourné en rond pendant toute la dernière saison.
Margaret et Owen... *soupir*
Boardwalk Empire est en effet une série qui se veut le reflet d'une époque. Et la question de l'émancipation féminine a été centrale aux Etats-Unis dans les années 20... Or cette thématique, qui avait à mon grand dam quasiment disparu la saison dernière, revient sur le devant de la scène : les péripéties de la première grande aviatrice américaine ponctuent l’épisode, et les problèmes d’éducation des femmes en matière d’hygiène et de médecine sont abordés à plusieurs reprises. Quant à Margaret, elle semble à l’aube d’une prise de conscience.
Wait and see !
J’ai particulièrement aimé :
- La chanson du roi Tuk Tuk
- Richard Harrow, plus fascinant que jamais
- Que le thème de la condition féminine soit abordé
J'ai moins aimé :
- Rien… ah, si, les scènes avec les personnages « historiques » (politiciens et gangsters) sont parfois difficiles à bien comprendre quand on ne connaiît pas ces personnages à la base. Enfin, c’est vraiment une remarque mineure.