Concernant Doctor Who, ici sur Série-All, je suis un peu le Candide.
Cette expression, beaucoup utilisée sur mon lieu de travail, est employée lors de l'élaboration d'un mode opératoire. Le Candide désigne la dernière personne qui entre dans la chaîne de la fabrication d'une procédure d'utilisation. Cette personne n'a aucune connaissance de ce qu'on va lui demander d'effectuer, mais si le mode-op est bien rédigé, elle saura la faire rien qu'en suivant pas à pas ce qui est présenté.
Pour Doctor Who, c'est un peu mon statut sur ce site. Loin, très loin, très très loin (on compte en années lumières) des connaisseurs de la série que sont Galax, OmarKhayyam, ClaraOswald, Gizmo ou Koss, je suis celui qui, bien que n'ayant loupé aucun épisode de la série moderne et ayant même croqué à l'ancienne, mate puis zappe. Chez moi, un épisode de Doctor Who est vite ingéré, vite oublié. Et lorsque qu'untel évoque un évènement qui a eu lieu dans l'épisode 8 de la saison 5 par exemple, je reste coi, je suis réellement impressionné, mais je n'ai pas la moindre idée de ce à quoi la référence est faite. Et même si je fais l'effort de faire une recherche sur Internet, j'ai, aux meilleurs des cas, un vague souvenir dudit épisode. Tout cela pour dire qu’il ne faut pas compter sur moi pour écrire un article aussi référencé que ceux de mes copains, Galax et OmarKhayyam, rédacteurs de ce début de saison 13 ou pour élaborer de fascinantes théories comme Koss dans son avis déjà publié.
Moi, ce sera plus léger, de l'ordre du ressenti, de l’amateurisme même. Du candide.
La Cité des Anges
Ce que j'aime en tout cas, dans Doctor Who, est que dans cette série tout est possible. Même l'impossible. J'aime tellement que la série me secoue et me fait perdre tous mes repères, m'envoyant dans un épisode/concept sans boussole et dans le brouillard. Or, ce genre d'expérience n'est pas proposé par Chibnall. À moins d'un contre-exemple que j'ai (évidemment) oublié, le showrunner propose systématiquement des histoires à la structure classique : un méchant vite identifié, une menace, des victimes, beaucoup de screwdriver, une résolution et au lit tout le monde. Mais pour sa dernière saison, histoire de ne pas passer pour un simple passe-plat entre Steven Moffat et Russell T. Davies, pour une parenthèse anecdotique dans l’Histoire avec un grand H de Doctor Who, Chibnall a décidé d'élever son niveau d'écriture, en mixant plusieurs scénarios en une seule et unique aventure à suivre sur six épisodes. Force est de constater que ce pari est pour l’instant une réussite, sans doute ce qu’il écrit de mieux (enfin de mémoire de Candide). Néanmoins, cet épisode est pour le moment celui des quatre premiers qui s’apparente le plus à un stand-alone. En effet, le Flux y est à peine évoqué, exit momentanément Vinder (pas une grande perte) et Karvanista (sniff, il est où, le toutou ?), tandis qu’Azure, Bel et Iggy Pop n’y font qu’un court passage. Mais cette pause ne casse pas la dynamique du récit, d'autant que Village of the Angels convoque les formidables ennemis que sont les Anges Pleureurs.
Un Ange passe (par un écran télé)
J’irai pleurer sur votre tombe
Et plutôt qu’un retour plat et linéaire des créatures (un retour Chibnallien j’aurais presque envie de dire, si j’étais une méchante personne), l’épisode s’amuse à cumuler les pistes et les situations, ressemblant à une énorme mille-feuille goulu. En plus des Anges Pleureurs, on a le droit à une disparition inquiétante d’une gamine, une voyante qui voyage dans le temps, une possession, des allers-retours dans différentes timelines (1901-1967) et un village menacé (deux fois !) par le Néant... au risque d’avoir du mal à retomber sur ses pattes. Car, j’ai beau être candide, je ne suis pas un perlimpinpin, je vois bien que la série invente ou change les règles du jeu pour se sortir des situations qu’elle a engendrées, comme ces deux câbles électriques du TARDIS rattachés qui font en sorte (je cite) que « la compression dimensionnelle devrait éjecter les êtres quantiques » (ah ouais ?!), ce qui permet de virer l’Ange Pleureur du vaisseau (mais peut-être que le huitième Docteur s’est déjà servi de cette manœuvre et je le découvrirai dans le What The Flux ?! écrit par Galax en fin d’article). Ou encore, le fait que dorénavant lorsqu’on se fait manger par les statues maléfiques, on se retrouve dans un monde parallèle. Puis j’ai bien vu aussi que parfois certains personnages (Yaz ou Jericho, je balance) ont "blinké" sans que les Anges n’avancent.
Bref, rien que du classique Doctor Who toujours plus fort pour créer du mystère que pour le régler de manière convaincante, tout comme cette saison 13 continue de séparer incessamment les compagnons afin de dynamiter le rythme des épisodes. Ce sont les approximations coutumières de la série. Pour continuer à faire la fine bouche, on pourrait reprocher enfin que les débuts de réponse sont envoyés à la tête du spectateur, et le candide que je suis a mal la tête lorsqu’il essaie de reconstituer le puzzle de cette saison 13 (notamment Claire dans The Halloween Apocalypse qui s’adresse à une Docteur qui ne la connaît pas encore, j’ai du mal à faire emboîter cette pièce dans l’ensemble). Mais peu importe ces bémols, car l’épisode m'a fait passer un super moment.
Un peu de ça, un peu de ci et hop, c'est réglé
Pleurs sur la ville
Candide amnésique je suis peut-être, mais Blink est un épisode que je remets (même si honnêtement, je ne me souviens plus de quoi ça parle). Car comment oublier ces magnifiques créatures horrifiques que sont les Anges Pleureurs, sans doute l’ennemi New Generation le plus cultissime ? Et même si elles sont revenues par la suite (le non-candide pourrait citer les épisodes, moi, faudrait que je recherche sur internet, grosse flemme), elles eurent du mal à autant impressionner. Et c’est vraiment l’exploit de Village of the Angels que de restaurer tout l’effroi que peuvent procurer ces monstres qui avancent dès qu’on les quitte des yeux. Car, bien que l’heure que dure l’épisode entraîne certaines redites, presque des longueurs, chacune de leurs attaques impressionne et sont presque à ficher la frousse (presque, car dans le genre horrifique, on est plus proche de Chair de Poule que d’Evil Dead). Avec en filigrane un hommage à La Nuit des Morts-vivants avec ces assiégés qui se barricadent dans une maison. Chaque attaque est travaillée, fonctionne à merveille et arrive à varier le danger représenté (seule, en groupe, via un écran, un dessin, dans une grotte, etc., etc.). Cela donne un épisode en forme de montagnes russes plein de tension et d’angoisse. Un vrai kiff emballant.
L’autre chose qui fonctionne à merveille est Claire. Intrigante, attachante, inquiétante, bénéficiant d’une introduction totalement réussie, on passe l’épisode à osciller entre crainte pour elle et à se demander si elle n’est pas en fait la vraie menace pour la Docteur. C’est par son prisme (que ce soit sa complicité avec le Professeur Jericho ou les moments flippants où sa face cachée commence à prendre le dessus) qu’on passe les meilleures parties de l’épisode (Yaz et Dan sont sympas, mais leur visite du village fantôme m’a moins passionné). Puis, entre nous, le fait que je trouve Annabel Scholey très craquante a sans doute joué aussi. Par contre, je ne suis pas certain d’avoir bien compris cette histoire de Division, ni saisi vraiment quel était le but des Anges Pleureurs avec leur Quantique Exfiltration. Mais ça c’est mon côté candide. Teubé diront certains.
Claire trouve bizarre de pleurer de la pierre : les premiers signes de la gastro ?
Sorry Angel, Sorry so
Quelques derniers points :
- Les interrogations existentielles de la Docteur se poursuivent et cela donne un fil rouge assez intéressant. Et on peut presque y voir un parallèle méta avec une Thirteen, toujours perpétuellement agitée et en insécurité, qui semble encore être à la recherche de sa voie et sa personnalité, voulant être plus que le premier Docteur incarné par une femme.
- Par contre, étrange tout de même que pour leur dernière aventure ensemble, la Docteur et Yaz partagent si peu de moments ensemble. Dan a toujours la classe par contre.
- C’était systématique pour les épisodes des anciens Doctor Who, c’est quasiment inexistant dans la série moderne et les revoilà avec cette saison 13 : les cliffhangers de fin d’épisodes. J’avoue être déjà fan du principe, mais on a le droit ici à un des plus impressionnants avec transformation de la Docteur en Ange Pleureur. L’effet spécial est moche (on dirait Shrek 2 de 2004), mais le ressenti est saisissant.
Je pense que je vais aller promener le chien une autre fois
Quelques longueurs, quelques résolutions d’intrigues nébuleuses certes, mais l’essentiel est que Village of the Angels offre un excellent divertissement qui ressuscite avec bonheur les Anges Pleureurs et prolonge la magie de ce dernier run de Jodie Whittaker.
J’ai aimé :
- Le retour réussi des Anges Pleureurs.
- Le côté Nuit des Morts-Vivants.
- Claire, faites un spin-off sur elle.
- L’absence de Vinder. Cet homme n’a aucun charisme.
- Ce cliff de ouf.
Je n’ai pas aimé :
- Une heure c’est long.
- J’ai toujours du mal à saisir la personnalité de cette Docteur, même à quelques épisodes du terme de son aventure.
- La Docteur et Yaz qui ne se retrouvent jamais dans la même intrigue.
- J’ai une nouvelle fois pas tout compris
Ma note : 15/20
What The Flux ?!
par Galax
Si vous avez cliqué ici depuis le début de l'article pour savoir si le huitième Docteur a déjà utilisé le soft reboot du TARDIS pour se débarrasser d'êtres quantiques : et bien sachez que non ! Pas de panique, l'épisode reprend tout de même quelques références. Sans rentrer dans le détail de tous les éléments du lore des Anges Pleureurs qui sont repris (l'image des Anges, le contrôle par la voix, etc.), parlons plutôt des quelques easter eggs qui ne concernent pas les Anges :
- Lorsque le grand oncle de Peggy demande à Yaz qui est le leader, celle-ci répond la phrase assez emblématique de la Fam de Jodie :
It's a very flat team structure.
On l'avait déjà entendue dans l'épisode des sorcières ou du Cyberman solitaire en saison 12 – écrit par Maxine Alderton également. Sous-entendant que Yaz se place au même niveau que la Doc.
- Avant de pénétrer dans l'esprit de Claire, la Doc lui demande la permission. C'est une nouveauté dans la série. Cela peut être une réponse aux critiques contre le personnage, qui avait effacé la mémoire des héroïnes de l'ombre dans Spyfall, sans parler bien sûr de Ten qui a tragiquement effacé la mémoire de Donna ou Twelve qui a tenté de faire la même chose à Clara dans Hell Bent. Ou plus simplement, cela peut aussi avoir été fait dans le but de renforcer le côté bienveillant de cette Docteur par rapport à ses débuts ou à ses anciennes incarnations. Une option de scénariste et de message vers le spectateur, et une option in-universe et de personnalité : faites votre choix !
Désolé de vous faire revivre ce moment...
- Une phrase classique (franchement surutilisée comme référence à mon sens) fait ici son apparition, une des premières si ce n'est la première fois sous l'ère de Jodie Whittaker :
Reverse the polarity of the neutron flow.
Elle est apparue avec Three et reprise par à peu près tous les Docteurs depuis.
- C'est... curieusement tout pour les références que j'ai pu trouver. Pour la partie des spéculations, concernant les Anges Pleureurs, on peut dire qu'ils gagnent enfin une illustration de leur titre "d'assassins solitaires" (le terme assassin sous-entend un commanditaire : la Division). Le fait qu'ils puissent transformer les autres espèces en Anges ne référence rien de particulier, mais s'intègre particulièrement bien aux précédents épisodes. Le fait qu'ils adoptent une pose d'anges déchus en pleurs qui fixent leurs mains, peuvent également s'expliquer si la vision horrifiée de leurs mains se changeant en pierre devant eux est l'ultime souvenir qu'ils ont. Enfin, leurs liens avec Gallifrey alimente l'eau du moulin de la scène dans The End of Time, où la femme qui guidait Wilfried (sous-entendue : la mère du Docteur) était forcée d'adopter cette position en signe de honte.
- Point sur Bel. Beaucoup de répliques dans l'épisode veulent nous faire croire qu'elle vient de Gallifrey, ainsi que Vinder. Elle mentionne notamment "l'Académie", le fait qu'elle a été "affectée" à un poste (un peu comme Vinder, ce qui pourrait être une affectation par la Division) ou encore le fait qu'elle s'apprêtait à donner des coordonnées à la fin de l'épisode. Coordonnées coupées. Comme c'est pratique ! Cela aurait pu être Gallifrey... Ou toute autre planète. Qui possède une académie. Et une agence qui recrute des personnes. Vous l'aurez compris, tout peut très bien être de fausses pistes placées pour nous monter le chou.
À la semaine prochaine avec Survivors of the Flux !