Critique : The Twilight Zone 1.06

Le 03 juin 2011 à 17:07  |  ~ 6 minutes de lecture
Un épisode en forme de conte sur les dangers d'oublier l'existence du monde extérieur pour se focaliser seulement sur soi-même. Au programme, un homme égoïste et lâche, une épouse au bord du gouffre et un diable persuasif.
Par sephja

Critique : The Twilight Zone 1.06

~ 6 minutes de lecture
Un épisode en forme de conte sur les dangers d'oublier l'existence du monde extérieur pour se focaliser seulement sur soi-même. Au programme, un homme égoïste et lâche, une épouse au bord du gouffre et un diable persuasif.
Par sephja

Pitch égocentrisme 

Walter Bedeker est malade, d'une maladie vicieuse qui pèse plus sur le cerveau plus que sur la chair : un égoïsme total le pousse à torturer les autres pour le seul plaisir de les voir souffrir. Hypocondriaque, cet incontestable méchant va passer un pacte avec le diable pour ne jamais mourir et vivre une vie sans peine, ni douleur. Convaincu que son bonheur passera par l'immortalité, il signe et offre son âme au malin, mais se condamne à une vie bien plus ennuyeuse que prévue.

 

 

 

Le mystère de la vie et la certitude de la mort

Construit comme une version réduite de Faust, cet épisode raconte l'histoire de W. Bedeker, un homme lâche, aveuglé par un sentiment de supériorité si fort tel qu'il se plait à écraser son épouse, la dernière personne qui le supporte encore. Cette épouse, incarnée par la formidable Virginia Christine (l'invasion des profanateurs de sépultures et une centaine d'autres oeuvres), va permettre de poser en quelques secondes tout le background nécessaire à la compréhension de la situation. Victime, elle est le centre de cette histoire, et son trépas signifiera aussi celui d'un monstre qui va payer le prix de sa propre prétention. 

David Wayne interprète de manière réjouissante un homme détestable aux réactions d'un enfant capricieux, un horripilant casse-pied qui refuse l'inéluctable et détruit toute notion de bonheur pour le seul plaisir d'empêcher les autres de vivre. Plus qu'hypocondriaque, Bedeker est surtout blasé d'une vie qui l'ennuie et dont il n'a pas le courage de s'échapper, imaginant un pacte avec le diable qui, dans l'univers particulier de la Twilight Zone, devient une réalité qui le condamne à un enfer personnel.

Pour incarner ce diable, Rod Serling fait appel au formidable Thomas Gomez, toujours parfait dans les rôles un peu troubles, et que l'on retrouvera aussi dans un autre épisode du show. La victime du jour est du tout cuit pour le démon, Bedeker étant si blasé et aveuglé par sa mégalomanie qu'il se convainc rapidement de l'inutilité de l'âme et de l'avantage de devenir enfin un homme hors du commun, un être unique. Il en va ainsi des personnes blasées qui oublient que la mort est une condamnation à laquelle on ne peut échapper, sous peine de sombrer lentement dans le désarroi le plus total.

Une fois que l'on est devenu immortel, le mystère de la vie n'est plus rien, juste une curiosité mineure pour les touristes de passage.

 

 

 

Rod Serling et la peur de la solitude

Après six épisodes, il devient évident que le thème de la solitude est le centre de l'oeuvre de Rod Serling, jusque-là seul scénariste du show. La narration devient un exutoire pour se débarasser de cette angoisse, celle de ne plus pouvoir échanger, de se retrouver isolé du reste du monde, incapable de sortir d'un univers créé par son seul esprit. Plus sombre que les deux précédents, cette épisode est aussi le mieux maîtrisé du point de vue de la narration, proposant un début et une fin définitive et indiscutable.

Le réalisateur Mitchell Leisen est un grand spécialiste de la comédie et du mélodrame, plusieurs fois récompensé pour la qualité de son travail. Pour ma part, je retiendrais Suddenly it's Spring  où Paulette Goddard campait déjà un rôle féminin remarquable, dotée d'une vraie profondeur. Leisen était un amoureux des personnages piégés entre passion et raison, et cet épisode renoue par le biais du personnage féminin très réussi avec cette veine mélodramatique que le cinéaste maîtrise parfaitement, offrant à la série quelques plans véritablement sublimes .

Car s'il est impossible de s'identifier à Walter, son épouse va permettre aux spectateurs de rentrer dans le récit jusqu'à un évènement tragique qui nous contraint à condamner Bedeker. Le diable n'est finalement que l'expression de sa propre démence, de son mépris total pour la vie qui l'entoure et les personnes qui l'aiment. Sans coeur, il périra logiquement, subissant le châtiment de ceux qui se laissent succomber à leur peur de la mort. 

 

 

La quatrième dimension et l'expression de nos désirs cachés

Plus qu'un simple feuilleton des années quarante, The twilight Zone est le résultat d'un monde où un fantasme deviendrait réalité, détruisant les barrières de toute forme d'interdit. Pour Walter, son souhait est avant tout l'expression de sa mégalomanie, une immortalité dont il n'a finalement que faire. C'est là que réside le plus grand danger dans ce lieu à part, le risque de voir ses désirs être exaucés et de perdre tout plaisir à apprécier le monde réel dans sa simplicité. L'ennui pour Bedeker est une maladie, l'expression de sa lassitude envers sa propre existence, typique de la crise de la quarantaine. 

Dans ce monde entre le réel et l'imaginaire, l'univers se plie à nos désirs et devient un cauchemar terrible, nous renvoyant à nos propres faiblesses. Pour Bedeker, l'immortalité est avant tout le révélateur de son incapacité à accepter le bonheur, lui-même s'acharnant à se réfugier dans son propre malheur. Et la mort apparaît alors comme ce qu'elle est réellement, le seul moyen de mettre fin à une damnation éternelle. 

 

J'aime : 

  •  un ton mélodramatique très juste
  •  Mitchell Leisen, un grand réalisateur 
  •  un ton assez sombre 
  •  un personnage féminin très réussi 

 

Je n'aime pas : 

  •  une intrigue prévisible 
  •  un léger manque de second degré 

 

Note : 14/20 

Un bel épisode, où la peur de la mort pousse un homme dans une telle désespérance qu'il préfère donner son âme au diable qu'accepter sa destinée. Seulement, le prix à payer sera la découverte de sa propre bêtise et de sa lâcheté, et de son incapacité à venir à bout de sa lassitude. 

 

Petite anecdote: le médecin qui apparaît au début de l'épisode participera à trois épisodes de la série, et fréquentera aussi assidûment les plateaux de "Alfred Hitchcock présente". Raymond Bayley incarnera un médecin dans Vertigo d'Alfred Hitchcock et connaîtra une grande carrière en tant que second rôle.

L'auteur

Commentaires

Pas de commentaires pour l'instant...

Derniers articles sur la saison

Critique : The Twilight Zone 1.20

Un épisode visuellement marquant dans son premier tiers, mais qui repose au final sur un twist beaucoup trop bancal.

Critique : The Twilight Zone 1.19

Rod Serling se penche sur le thème de la mort avec une réussite discutable malgré une bonne idée de départ.

Critique : The Twilight Zone 1.18

Un épisode très intéressant signé Richard Matheson qui voit un pilote perdre brutalement le sens de l'orientation en pleine première guerre mondiale.