Critique : The Twilight Zone 1.10

Le 27 décembre 2011 à 04:46  |  ~ 7 minutes de lecture
Un épisode d'ambiance assez surprenant porté par un personnage principal en proie à une peur panique.
Par sephja

Critique : The Twilight Zone 1.10

~ 7 minutes de lecture
Un épisode d'ambiance assez surprenant porté par un personnage principal en proie à une peur panique.
Par sephja

Ouroboros 

En 1942, le Queen of Glasgow est un bateau anglais qui vogue en plein Atlantique dans un brouillard complet et sous la crainte des sous-marins allemands. Cette crainte est d'ailleurs renforcée par l'absence de l'escorte du navire, créant un début de panique chez l'un des passagers, un homme étrange nommée Carl Lanser. Seul sur le pont, l'homme semble victime d'amnésie et totalement terrifié, convaincu que la fin est proche. 

 

Résumé de la critique 

Un épisode convaincant que l'on peut détailler ainsi : 

  •  un épisode qui privilégie l'ambiance au profit de l'intrigue 
  •  deux points de vue pour une histoire 
  •  des comédiens qui jouent sur deux registres différents 
  •  le retour du thème de la solitude 

 

 

Nuit et brouillard 

Dès le début, l'épisode frappe par la simplicité de son pitch de départ, minimaliste au possible et typique de Rod Serling, avec un seul personnage principal et un bateau en plein brouillard. Si l'histoire reste très abstraite, c'est avant tout pour mettre en avant l'ambiance et surtout la tension au sein de l'équipage de ce navire anglais naviguant dans un océan de U-Boat présenté à juste titre comme des requins. La question d'entrée n'est pas s'ils vont périr ou non, mais la douleur de l'attente, l'enfer psychologique vécu par ces hommes, femmes et enfants incapable de prendre le contrôle de leur destin. 

Au centre, Carl Lanser, un homme trahit par sa mémoire, obsédé par l'idée que la mort approche, que l'inévitable va se produire, cherchant avec angoisse le moindre signe d'un assaillant. Si l'histoire ne laisse pas le moindre doute sur sa conclusion, l'ambiance est clairement le point fort de l'épisode, avec un décor réduit au minimum et une absence de profondeur de champ asphyxiante dans la première partie. L'épisode oppose alors la peur du héros au comportement typiquement anglais du reste des passagers, appuyant l'idée que cet homme n'est pas à sa place.

Signé par John Brahm, réalisateur brillant du "Time enought at last", cet épisode est captivant par ces ruptures de ton, entre l'océan brumeux et angoissant d'un côté et les scènes d'intérieur où les passagers montrent un flegme indéniable. Cette forme singulière, où le personnage principal parait en rupture avec le reste de l'épisode prépare à la chute finale, découpant le récit en deux parties distinctes assez troublantes.

 

Le spectateur et l'acteur

Coupé en deux, l'épisode raconte la rencontre de deux univers sous différentes formes, donnant tout son intérêt à un récit en apparence assez banal. La première scission porte sur la nationalité des passagers, le style très british des habitants du bateau tout en self control se heurtant à cet homme terrifié, perdant totalement le contrôle de ses nerfs. Entre premier plan et second plan (voir ci-dessous), les acteurs font avancer l'intrigue, tentent de vivre malgré la situation pendant que le héros "spectateur" subit, incapable de contrôler les évènements en cours et de reprendre la maîtrise de son destin. 

C'est sur ce point que s'opère la scission la plus grande, le spectateur devenant l'incarnation de l'émotion vécu par les passagers, évacuant toute l'angoisse que leur éducation anglaise leur permet de contenir. Cette scission importante marque la différence entre les victimes et les héros, Serling aimant à raconter l'histoire d'homme qui parvienne à reprendre leur destin en main. Vaincre la peur, s'arracher à un cauchemar et revenir au réel, voilà la tâche difficile que l'homme doit affronter au sein de la Twilight Zone. 

Seulement, pour une fois, Serling choisit de condamner son personnage principal, l'empêchant de redevenir un acteur de sa propre existence. La rupture s'opère alors entre le vrai Carl Lanser et cet amnésique victime d'une entreprise dont le seul but est de transformer un être humain en quelque chose de vide, le privant par la peur de son libre arbitre et de sa capacité de décision. Sans histoire, ni passé, l'homme est pris au piège de ses angoisses, enfermé dans sa propre passivité, sans aucune échappatoire possible.

 

 

Des comédiens au diapason 

Pour appuyer la rupture au sein du récit, les comédiens vont jouer sur deux registres différents, entre les acteurs secondaires au jeu assez naturel et le personnage principal au jeu presque Bressonien. Saluons d'ailleurs la performance incroyable de Nehemiah Persoff, acteur prolifique et talentueux qui connu une carrière faste avec plus d'une centaine de séries télévisées au compteur. Toujours au premier plan, sa forte expressivité et son jeu en rupture donne un côté très immersif à cet épisode, masquant la présence de quelques ficelles scénaristiques assez grosses.

La scène la plus réussie est de loin celle qui l'oppose à Deirdre Owens lors d'une discussion sur le pont où la jeune secrétaire pousse cet homme mystérieux à se rappeler qui il est. L'occasion pour Rod Serling d'appuyer son idée que la pire menace pour un être humain est la perte d'identité, de ne plus avoir sa place parmi le monde des vivants. Avec une morale finale un peu lourde, il extrait ce récit de la grande histoire et se pose la question hors contexte de la culpabilité et de la manière dont celle-ci peut lentement nous détruire. 

A noter pour l'anecdote la présence de Patrick Mc Nee dans le rôle du second d'équipage, incarnant avec un flegme épatant le sang froid typiquement anglais face à une situation désespérée.

 

Rod Serling et la peur de la solitude 

Derrière son apparence de successions de sketchs, The Twilight Zone cache des thématiques fortes avec en particulier les effets de la solitude, une peur de l'isolement récurrent à chaque scénario de Serling. L'être humain devient alors impuissant et perd son caractère d'être vivant pour ne devenir qu'une victime de la peur, sentiment fascinant tellement primaire qu'il réduit à néant l'idée de libre arbitre. Plus que la solitude, c'est ce sentiment qui intrigue l'auteur, ce trouble puissant qui trouve sa source dans l'imaginaire, l'incontrôlable et la terreur. 

En conclusion, un épisode à l'ambiance forte qui construit un clivage entre ce qui est visible et l'histoire du personnage principal, plus sombre et mystérieuse. Une intrigue "Ouroboros" qui nous paraît assez classique aujourd'hui, tant le concept a été fréquemment repris, mais fait partie de l'identité de la quatrième dimension (titre peu inspiré, le récit se plaçant en anglais dans la cinquième dimension). Une performance d'acteur surprenante pour un épisode conceptuel à l'intrigue un peu trop mince, mais à l'ambiance totalement immersive.

 

J'aime : 

  •  une ambiance surprenante 
  •  la scène de panique (voir première photo) 
  •  Nehemiah Persoff excellent 
  •  une belle réflexion sur la condition de l'être humain réduit à l'état de spectateur

 

Je n'aime pas :

  •  une histoire délaissée au profit  de l'ambiance 

 

Note : 14 / 20 

Un épisode à l'ambiance captivante malgré une intrigue minimaliste, typique du travail de Rod Serling, réflexion intéressante sur le thème de la culpabilité et de l'impuissance de l'homme face à la conscience. Hanté, le comédien principal porte à lui seul cette intrigue entre réalité tragique et cauchemar abstrait, entre les victimes et un bourreau qui perd lentement son humanité.

L'auteur

Commentaires

Avatar Koss
Koss
Damned ! Mais tu fais aussi les critiques rétro. Tu es partout ma parole. Tu m'as donné envie de regarder en tout cas. (et une autre série que je vais devoir regarder à cause de Sephja, une !)

Avatar sephja
sephja
et ce n'est pas la dernière hahahahahahaha !(rire diabolique)

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