Les visages d'un monstre
Archibald Hammer n'est pas un homme comme les autres, il possède une capacité hors norme, celle de pouvoir changer de visage à sa guise, dérobant l'identité de différents défunts grâce au photo de ceux-ci dans le journal. C'est ainsi qu'il devient Johnny Foster, un musicien récemment décédé, partant à la conquête de l'amante du défunt, goûtant au plaisir de profiter de l'affection sincère d'une femme. Puis il devient Virgil Sterig, un caïd mort par noyade, dérobant de l'argent à la mafia, avant que son petit jeu ne se retourne brutalement contre lui.
Résumé de la critique
Un épisode moyen que l'on peut détailler ainsi :
- un scénario fragmenté de Georges Clayton Johnson
- un séquence d'exposition discutable
- un concept qui manque de solidité
- une fausse bonne idée
Un scénario en plusieurs actes
Dans les années soixante à l'ouest des Etats-Unis, un cercle d'auteurs de science-fiction se réunissait fréquemment, réunissant entre autres Richard Matheson et Charles Beaumont. Georges Clayton Johnson faisait partie de ce groupe, troisième auteur d'entre eux à voir une de ses nouvelles adaptée par Rod Serling. Il y est question d'un homme hors du commun, capable de modifier totalement son apparence, pour peu qu'il en exprime le désir et qu'il dispose d'un portrait lui permettant de recopier le visage.
L'histoire d'Archibald va se construire en trois actes très distincts, un pour chaque identité volée, puisant sa source dans différents genres comme le thriller, le mélodrame et la tragédie. Construit comme un épisode à sketch, l'adaptation du créateur de la série n'est pas très concluante, peinant à installer une véritable continuité au sein du scénario. Le créateur de The Twilight Zone nous donne l'occasion de le voir sortir de ces thèmes habituels de la solitude pour se concentrer sur ces monstres prêts à tout pour s'extraire de leur existence médiocre, allant jusqu'à incarner un mensonge.
Construit autour d'un homme doté d'un pouvoir hors du commun, le pitch de départ ne semble pas vraiment se prêter à la série, celle-ci représentant habituellement le voyage d'un homme du réel à l'imprévisible. Un épisode singulier, à la dimension morale assez mal mise en valeur, preuve qu'il est parfois impossible de plier une bonne histoire à un format aussi restrictif que celui d'une série de vingt minutes.
Une introduction qui rate sa cible
Le principal défaut de cet épisode réside dans son point de départ, Serling faisant le choix de focaliser le récit sur le point de vue d'Archibald. Le problème est que la description du personnage principal ne sert pas à grand-chose, tout comme la mise en scène singulière de John Brahm dans les premières scènes qui pose une ambiance pas vraiment en accord avec la suite de l'épisode. Dans un décor digne d'un film musical, Rod Serling compose un univers en marge de la réalité, délaissant les séquences d'expositions des différentes victimes d'Archibald en s'efforçant avec maladresse de les intégrer dans le déroulement de l'intrigue.
Finalement, Hammer est le seul personnage à ne jamais exister dans cette histoire, sa vie se limitant à prendre celle des autres pour son bien personnel. L'intrigue du jour ne passe donc jamais à ses yeux dans le domaine de l'étrange, mais se limite à un quotidien normal d'un monstre tirant profit des faiblesses humaines et de la peur du fantôme. Ce sont ses victimes qui se retrouvent en proie à la terreur, celle d'une anomalie qu'ils ne peuvent s'expliquer, peu mise en valeur par un manque cruel de description concernant chacun des personnages.
Pourtant, la première storyline avec la chanteuse passe parfaitement grâce au talent des interprètes, Ross Martin et Beverly Garland formant un couple plutôt crédible qui permet d'installer une vraie émotion. Malheureusement, les deux sous intrigues suivantes seront beaucoup moins concluantes, ne retrouvant jamais la force de cette première partie particulièrement troublante. Une première partie qui aurait pu suffire à l'intégralité de l'épisode, l'absence de développement par la suite laissant un fort sentiment de frustration.
Un concept de départ trop flou
Un autre souci va venir parasiter le visionnage, à savoir le manque de clarté autour du fonctionnement du pouvoir singulier d'Archibald. Le problème ne porte évidemment pas sur le réalisme de cette métamorphose, mais sur la façon dont celle-ci se produit, la rapidité de son changement à la sortie du bar créant une incohérence avec la suite de l'épisode. Trop imprécis, John Brams a oublié d'associer la métamorphose à un processus ou un tic visuel, laissant l'impression d'une aptitude anarchique dépendant des besoins du scénariste.
L'histoire est pourtant assez bonne, mais le travail sur le rendu visuel est trop chaotique, passant d'un style foisonnant à une forme intimiste sans laisser apparaître de lien entre les différentes scènes. L'épisode passe donc d'une ambiance en clair obscur avec la remarquable séquence de la cigarette à un style plus classique sans adoucir la rupture entre les deux, malgré la belle partition du célèbre compositeur Jerry Goldsmith qui essaie de lier les différentes storylines. Trop compliqué, le scénario nous égare à force de modification du casting, oubliant de donner une vraie cohérence à l'ensemble.
L'intention était bonne, mais même si le final est fort par ses intentions, le passage d'une histoire à l'autre donne la sensation d'un épisode particulièrement mal équilibré. Ainsi, le final n'a pas la force qu'il aurait mérité d'avoir, les efforts de Peter Brocco ne suffisant pas à faire exister son personnage troublant de père assoiffé de vengeance.
Un épisode qui montre les limites du cadre de la série
En tentant d'adapter une histoire aussi compliquée que "All of us are dying" de Georges C. Johnson, Rod Serling fait preuve d'une belle ambition qui se retrouve dans la formidable séquence du trompettiste. Dès que les auteurs cherchent à relancer l'intrigue avec la seconde incarnation de Virgil, le scénario s'essouffle et ne parvient à aucun moment à se retrouver l'énergie de se renouveler. Au final, un épisode décevant qui ne rentre pas dans le moule de la quatrième dimension, racontant une histoire qui ne pénètre jamais dans la dimension du fantastique aux yeux du héros.
En conclusion, un épisode prenant dans le premier acte, mais qui ne possède pas une structure qui permette de l'intégrer dans un format aussi court. L'histoire de ce monstre égoïste est pourtant bien intéressante, menteur et escroc à la cruauté abominable tirant profit de la détresse des autres. Hélas, par manque de continuité, l'épisode s'épuise dans les deux derniers actes, incapable de connecter les récits des différentes incarnations d'Archibald, donnant une trame narrative qui ne parvient pas à orchestrer une vraie montée en puissance.
J'aime :
- la musique de Jerry Goldsmith
- le scénario de départ de Georges C. Johnson
- la scène du musicien
Je n'aime pas :
- la séquence du mafiosi
- le final qui manque d'intensité
- le manque de cohérence dans la mise en scène
- un épisode qui ne rentre pas dans le cadre du show
Note : 11 / 20
Malgré une idée de départ brillante, la musique de Jerry Goldsmith et la scène remarquable entre Ross Martin et Beverly Garland, cet épisode déçoit par son manque de continuité et son format pas du tout adapté à la série. Il reste une scène de la cigarette remarquable, idée de mise en scène brillante qui vaut pleinement le coup d'oeil.