Survivre, ailleurs s'il le faut
William Sturka est un ingénieur au service du complexe militaro-industriel, travaillant tous les jours sur la fabrication de la bombe H. Avec son ami, le pilote Jerry Riden, il prépare discrètement la possibilité pour eux et leur famille de quitter leur planète à l'aide d'un vaisseau capable de voyager dans l'espace. En effet, leur monde s'apprête à basculer dans un conflit nucléaire qui entraînera avec certitude la mort de leur civilisation.
Résumé de la critique
Un épisode intéressant que l'on peut détailler ainsi :
- une intrigue surprenante, mais un peu trop squelettique
- une mise en scène élégante au service d'un épisode qui manque de nuance
- l'importance d'une intrigue ciblée
- une morale plutôt ironique
Le jour avant la fin d'un monde
Pour cet épisode, Rod Serling adapte pour la seconde fois Richard Matheson, donnant une histoire qui va jouer sur les peurs des années soixante liés à la possibilité d'un holocauste nucléaire. L'intrigue est simple et terriblement efficace, à savoir que les deux héros ont quarante-huit heures pour quitter leur planète, exécutant un plan prévu de longue date pour échapper à la destruction de leur civilisation. Le climat est donc tendu et assez lourd, surtout qu'un mystérieux Carling semble informé de leur intention, symbolisant un monde paranoïaque au bord de l'autodestruction.
L'épisode raconte la fuite de cette famille et se révèle vite assez mince en matière de contenu, refusant de développer son univers pour protéger l'effet de surprise du twist final. Malheureusement, cet aspect squelettique de l'intrigue et des personnages empêche de s'impliquer vraiment dans cette histoire, donnant un ensemble très froid et abstrait qui repose essentiellement sur une ambiance particulièrement crispante. Avec ces personnages au bord de la crise de nerfs et son utilisation de la peur, ce scénario porte clairement la patte de Richard Matheson, renouant avec ce sentiment d'oppression récurrent chez ce maître de la littérature fantastique.
Seulement, le scénario de Rod Serling échoue en partie là où Spielberg avait réussi un coup de maître en adaptant Duel, incapable de nous faire partager la destinée tragique de ce groupe de survivants. Les héros sont trop égoïstes et lâches pour attirer la sympathie du spectateur, oubliant dans l'intrigue de justifier leur fuite par une nécessité autre que l'instinct de survie. Au final, un scénario qui renoue avec le format type des petites nouvelles de science-fiction d'Astounding Stories, texte court associé à une morale cherchant à pointer du doigt les dangers des dérives de la science.
Cynique, froid et angoissant, cet épisode s'achève par une boucle judicieuse pour nous renvoyer à notre propre réalité, mais sacrifie l'aspect humain, donnant un ensemble qui manque cruellement de contenu.
Un silence étrange, juste avant la fin
Episode expérimental et étrange, il marque la première participation à The Twilight Zone du cinéaste Richard L. Bare, jusqu'ici spécialisé dans les westerns et qui montre ici un désir d'expérimenter beaucoup avec des cadrages assez étonnants. Le but est de souligner l'atmosphère tendue de l'épisode, multipliant les plans très serrés où les visages semblent collés les uns aux autres. Une gestion de l'espace intéressante, mais qui ne vient à aucun moment équilibrer l'ensemble avec des phases de respiration, donnant un climat oppressif qui perdure tout l'épisode.
Mais si cet épisode est intéressant, c'est avant tout pour les nombreuses expérimentations en terme de cadrage du metteur en scène, surtout lors de la partie de cartes entre les deux familles. Cherchant à laisser apparaître le malaise chez chacun de ces personnages, le réalisateur parvient à nous troubler, appuyant l'idée d'un monde en plein malaise, faisant le choix de l'annihilation pour sortir de la spirale de la peur. Incapable de croire à un lendemain possible, les héros de cet épisode ne supportent plus cette pression perpétuelle et font le choix du départ, seule alternative au spectacle désolant de l'autodestruction.
Inhumain, froid et décadent, l'univers décrit par cet épisode est à la fois proche du nôtre par certains aspects tout en contenant différents éléments qui semblent anachroniques. La scène du jeu de cartes est le parfait exemple de ce type de décalage, avec d'un côté une situation assez anodine que le metteur en scène parsème de détails étranges, donnant une tonalité singulière à l'ensemble. Seul le twist final permet d'éclaircir une histoire plutôt étrange, donnant les clés pour comprendre une mise en scène singulière et formellement très intéressante.
L'importance de se concentrer sur un personnage central
Si cet épisode possède un certain charme par son twist étonnant, c'est grâce à la performance remarquable d'Edward Andrews, parfait dans le rôle de l'inquiétant Carling. Le comédien participera quelques années plus tard à un autre épisode du show, incarnant à merveille la pression paranoïaque d'un monde où l'angoisse pousse à ne plus croire à l'éventualité d'un lendemain. Encore traumatisé par le Maccartisme, les scénaristes conçoivent un univers à la fois irrespirable et très réel manquant de cette part d'imaginaire et d'imprévisibilité qui fait habituellement le charme de la série.
D'ailleurs, la question se pose de l'intégration de cet épisode et de son adhésion au concept de départ du show tant cette histoire ne remplit que partiellement le cahier des charges. Ainsi, au lieu de la destinée d'un individu, c'est une communauté entière qui se retrouve prise dans cette histoire de fin du monde, entraînant des lourdeurs qui montrent l'importance de centrer l'histoire sur un personnage principal. Si l'ambiance est sombre et angoissante, l'épisode ne marque à aucun moment ce virage attendu où le monde réel cède la place à un univers imaginaire quelque part entre le songe et le cauchemar, offrant un twist amusant certes, mais qui possède une connotation morale un peu trop explicite.
Quelque part entre l'espace et le temps, la série explore habituellement l'esprit humain lorsqu'il commence à perdre ses repères, laissant l'inconscient interférer sur le rapport du héros avec le monde réel. Ici, l'imaginaire du héros ne joue aucun rôle, raillant seulement l'aptitude de l'homme à montrer une créativité étonnante lorsqu'il s'agit d'assurer sa survie par la fuite tout en soulignant notre incapacité à régler le problème de notre soif incontrôlable de destruction.
Une conclusion en forme de pied-de-nez
La question de l'existence d'une morale dans les épilogues de The Twilight Zone est une source de débat récurrent, en particulier concernant l'épisode "Time Enought at Last". Ici, la morale contenue dans le twist final est trop évidente et porte un jugement cynique et un peu facile sur la condition humaine et notre capacité à créer notre propre malheur. Au-delà d'un twist amusant, l'épilogue n'amène aucun vrai changement chez les personnages principaux, ne servant qu'à offrir un final spectaculaire à une intrigue squelettique.
En conclusion, une nouvelle adaptation de Richard Matheson par Rod Serling qui ne possède pas le charme de l'épisode onze , mais porte la patte particulière de l'écrivain. Une histoire très abstraite où la peur joue une place prépondérante, mais qui repose beaucoup trop sur son twist final, oubliant de développer des personnages principaux qui manquent d'épaisseur. Portée par une mise en scène qui appuie le côté asphyxiant de l'épisode, une intrigue singulière qui manque d'un vrai enjeu dramatique et apparaît au final assez artificielle.
J'aime :
- le twist final assez amusant
- le personnage de Carling
- l'image très soignée, surtout concernant les cadrages
Je n'aime pas :
- l'intrigue assez artificielle
- la morale de l'épisode un peu trop évidente
- le côté asphyxiant de l'ambiance
Note : 12 / 20
Sans faire d'éclat, le duo Rod Serling - Richard Matheson nous offre une histoire assez pauvre qui vaut avant tout pour son twist final plutôt amusant et original. La mise en scène, la musique, tout souligne l'ambiance asphyxiante d'un monde sur le point de s'autodétruire, donnant un résultat plutôt lourd, mais visuellement très étonnant.