Critique : Treme 1.10

Le 27 avril 2011 à 14:15  |  ~ 6 minutes de lecture
Final de la saison un, d'une durée exceptionnelle de quatre-vingt dix minutes. Une superbe conclusion où la Nouvelle-Orléans montre qu'elle sait dire au revoir à ceux qui partent. Au programme, une première saison sur le thème du deuil, le portrait du Lieutenant Colson et une parade d'indiens qui donne comme un avant-goût de la saison deux.
Par sephja

Critique : Treme 1.10

~ 6 minutes de lecture
Final de la saison un, d'une durée exceptionnelle de quatre-vingt dix minutes. Une superbe conclusion où la Nouvelle-Orléans montre qu'elle sait dire au revoir à ceux qui partent. Au programme, une première saison sur le thème du deuil, le portrait du Lieutenant Colson et une parade d'indiens qui donne comme un avant-goût de la saison deux.
Par sephja

Pitch Treme final saison 1

La fête de la Saint-Joseph approche et le groupe des indiens du Chef Lambreaux est presque prêt, tandis que la police se montre plutôt menaçante. Davis va profiter de ce jour un peu spécial pour tenter de convaincre Jeanette de rester, en lui proposant de partager avec lui son ultime journée à la Nouvelle-Orléans. Pendant ce temps, Ladonna prépare les funérailles de son frère. 

 

Rendre hommage à ceux qui partent 

Décédé durant le tournage de la série, David Mills a toujours été un auteur remarquable, collaborateur de David Simon depuis The Wire. Sûrement inspiré par ce décès tragique, Treme fait le choix de prolonger sa réflexion sur le deuil en envisageant les différentes réactions possibles face au départ des proches. A travers chacun des personnages, on retrouve une blessure, celle d'un passé qu'on ne pourra jamais corriger. 

Un très beau final qui clôt superbement un premier acte sombre et chaleureux en faisant le choix de la continuité, préférant mettre l'accent sur la difficulté à dire au revoir à ceux qu'on aime. Plus que la musique, ou Katrina, Treme est une série qui parle de la douleur de ceux qui restent et de la nécessité de retrouver en soi assez de force pour se reconstruire. Le deuil, un thème fort ici superbement exploité, est une étape qui aura nécessité toute la saison pour trouver le moyen de s'exprimer. 

 

De la différence entre un départ et une fuite 

 

Après une saison d'espoir, de doute, Ladonna va enfin pouvoir entamer son processus de deuil, jusqu'à la libération finale, sa souffrance emportée par le son puissant des cuivres du défilé funéraire. Son soulagement apparaît alors comme le signe concret d'un réel optimisme, preuve remarquable d'un refus constant par les auteurs du misérabilisme au profit d'une histoire qui a toujours su se placer à hauteur d'homme. Le deuil consiste avant tout en une renaissance du moi sans l'autre, la fin de la peine qui laisse lentement place à la tristesse. 

Pour Annie, le deuil de sa liaison avec Sonny passera par le biais d'une révélation, celle d'une trahison qui nous pousse à faire le choix d'un avenir plus prometteur. Pour elle, faire son deuil signifie laisser de côté ce qui rend malheureux, quitte à faire preuve du pire des égoïsmes. Loin de juger, David Simon raconte le hasard des rencontres et des blessures, poussant ces personnages à préférer le changement à la continuité. 

Le deuil de Jeanette consiste à dire au revoir à cette ville, malgré Davis qui tente d'empêcher son départ par une journée de flânerie dans la Nouvelle-Orléans. Ce récit, à la fois drôle et nostalgique, va venir rythmer l'épisode en décomposant la ville en une série de petits tableaux authentiques et touchants. L'énergie déployée par Davis et sa bonne humeur va empêcher la série de verser dans le mélodrame, osant même rire des clichés lors d'une fausse déclaration d'amour vraiment hilarante.

Il s'agit là de trois départs qui se déroulent dans une réelle bonne humeur, la ville permettant à ceux qui restent de retrouver leur force de vivre. Pour Toni Bernette, les choses vont s'avérer plus compliquées, car il s'agit pour elle d'un abandon, à la fois cruel et inexplicable, uns trahison qu'elle ne peut pas pardonner. Trop enragée pour faire son propre deuil, elle ne parvient pas à trouver la paix, vivant avec cette blessure qu'elle ne parvient pas à refermer.

Le deuil est un moment de paix de l'esprit, un instant de grâce où la vérité s'impose à nous par le biais de la colère, du soulagement ou simplement d'une certaine forme d'accomplissement. Instant difficile qui rythme la vie des hommes, il s'exprime superbement dans une musique lancinante, seul remède à une peine qui risquerait de nous dévorer vivant.

Ainsi se clôt le premier chapitre de Treme, sur des thèmes à la fois universels et singuliers, tandis qu'une nouvelle ère commence pour la Nouvelle-Orléans.

 

Portrait du Lieutenant Henry Colson

                                   

 

Peu présents au sein de cette première saison, les policiers n'ont pas vraiment eu le beau rôle, faisant même fréquemment preuve d'une violence assez gratuite. Afin d'apporter plus de nuances, David Simon introduit à la mi-saison le lieutenant Colson, interprété par le formidable David Morse, qui va présenter un autre visage des forces de l'ordre en travaillant essentiellement sur la proximité et la prévention.

Personnage sympathique, il constitue un vrai point positif, tant la police accroît petit à petit sa présence au sein de la Nouvelle-Orléans. Par le moindre doute que l'affrontement symbolique et avorté entre les Gardiens de la Flamme et des agents visiblement remontés n'est qu'un avant-goût des évènements à venir.

 

Regagner la confiance      

Après avoir abandonné la ville le temps de l'après Katrina, les pouvoirs publics sont massivement discrédités auprès d'une population qui se refuse à pardonner. Maintenant que le deuil est fait, le moment est venu de rebâtir un monde qui ne peut exister sans ces éléments indispensables du "vivre ensemble" dont la police, entre autres, fait partie.

La seconde saison semble s'orienter dans cette direction, laissant espérer une intrigue aussi intense que la première, en espérant que la série évite d'abandonner brutalement certaines storylines qui n'auront pas eu pour ce premier acte le développement espéré. Mais j'en reparlerai dès demain.

 

J'aime :

  • une série ambitieuse et forte 
  • un casting remarquable 
  • une direction artistique en tout point superbe 
  • un flashback assez poignant sans jamais faire dans le sentimentalisme 

Je n'aime pas : 

  • certaines intrigues abandonnées en cours de route (surtout concernant Delmond Lambreaux) 
  • un flashback annoncé en floutant l'image, c'est vraiment très moyen

Note : 16 / 20

A demain pour la saison 2. 

(87)

L'auteur

Commentaires

Avatar Puck
Puck
Super critique. Je pars une semaine au vert et j'emporte Treme avec moi, plus convaincue que jamais qu'il faut que je la vois.

Avatar burt
burt
Ah, je ne savais pas que David morse jouait dans cette série. C'est un bon mec lui. Je vais moi aussi commencer Treme d'ici peu.

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