Critique : Treme 2.04

Le 22 mai 2011 à 22:37  |  ~ 6 minutes de lecture
Episode thématique sur la fragilité du "vivre ensemble", Treme prouve qu'elle sait prendre son temps et faire preuve d'une grande subtilité. Au programme, une réflexion sur l'avenir, la famille dans une série de plus en plus impressionnante.
Par sephja

Critique : Treme 2.04

~ 6 minutes de lecture
Episode thématique sur la fragilité du "vivre ensemble", Treme prouve qu'elle sait prendre son temps et faire preuve d'une grande subtilité. Au programme, une réflexion sur l'avenir, la famille dans une série de plus en plus impressionnante.
Par sephja

Pitch de transition 

Les fêtes de Noël approchent et Antoine Baptiste intègre le collège public pour servir d'assistant au chef d'orchestre de l'école. Malgré son agression, Ladonna accepte qu'il donne son premier concert dans son bar, tandis qu'elle lutte intérieurement pour garder l'apparence de la normalité malgré la souffrance qui la détruit lentement. De son côté, Davis vient voir sa tante pour obtenir un prêt pour créer son propre label.

 

 

Un épisode plus thématique que narratif 

Les fêtes de Noël approchent, apportant une trêve dans la flambée de violence qui atteint la série. Elle va donner l'occasion aux auteurs de développer le thème majeur de cette saison : la fabrication d'un tissu social et sa fragilité face à la barbarie. D'apparence assez lent, cet épisode développe cette thématique plus qu'il ne raconte, choisissant Antoine Baptiste comme élément pivot de cette démonstration. 

Antoine Baptiste possède trois vies différentes : celle avec sa famille, une à l'école au service de la communauté et la dernière avec son groupe, cette dimension indispensable à l'équilibre d'une personne que l'on assimile souvent au bonheur. En participant ainsi au monde qui l'entoure, il permet la création de connexions entre des individus, influant sur différentes existences selon le principe bien connu de l'effet papillon. 

Il faut du temps pour parler de la connexion entre les êtres, de l'imprévisibilité et du refuge protecteur que constitue une famille. Loin de chercher la facilité, Treme propose un épisode qui va servir de démonstration sur la fragilité du "vivre ensemble" et la menace que les conséquences de la violence sur la vie d'une société. En se plaçant toujours à l'écart des faits divers qui secouent la Nouvelle-Orléans, David Simon fait le choix de montrer la lente destruction que la sauvagerie engendre au sein de la société. 

Tandis que chacun cherche son équilibre, essayant de bâtir un monde qui lui convienne, la réalité vient bousculer le cours de leurs existences par un acte de violence gratuit et pathétique. En se tenant au plus prés d'Antoine Baptiste, la série montre avant tout l'enthousiasme d'un souhait qui se réalise, le soulagement de voir le travail récompensé. Puis vient le moment où la violence vient tout réduire à néant, inconsciente du mal qu'elle provoque, détruisant au passage les espoirs et ce bonheur si fragile né du "vivre ensemble". 

 

L'avenir se construit pas à pas

En prenant son temps, David Simon construit une saison d'un noirceur terrifiante à l'ambition démesurée, qui n'est pas sans rappeler The Wire à son époque (Ne ratez l'excellent focus sur ce site de cette série magnifique). Etape par étape, il impose une ambiance étouffante, privant petit à petit chaque personnage de l'enthousiasme étonnant qui l'habitait. On pourrait reprocher une certaine faiblesse aux scènes avec Jeanette, mais sa rencontre avec Delmond Lambreaux vient prouver que pour apprécier une série de David Simon, il faut savoir faire preuve de patience. 

Petit à petit, il devient clairement impossible de prendre Treme au vol, la série ne cessant de se développer dans différentes directions surprenantes mettant en scène plus d'une dizaine de personnages. Chaque pièce se met en place, donnant lieu à cette scène formidable où la violence du choc d'un éclair révèle la peur et l'angoisse qui poursuit quotidiennement les habitants du Treme. 

Chacun essaie de gravir les échelons, de se sortir de sa propre précarité, mais le destin se montre particulièrement cruel avec certains, frappant sans le moindre discernement les faibles comme les forts. Toujours aussi imprévisible, Treme est une série sous pression, chaque storyline pouvant être interrompue par un éclair de violence qui peut s'abattre comme la foudre sur n'importe qui. 

 

La famille de sang et de coeur 

 

Pour Delmond Lambreaux comme pour tous les personnages de Treme, la famille occupe une place importante, qu'elle soit de sang ou de coeur.

La famille de sang est celle qu'on ne choisit pas, avec qui on développe un certain attachement par promiscuité, mais aussi des rancoeurs particulièrement tenaces. Passionnante, la relation entre les Lambreaux père et fils constitue un des éléments les plus réussis de ce début de saison. Incapable de communiquer, le fils cherche désespérément un moyen de rétablir le contact avec son père, allant jusqu'à remettre en cause sa pratique artistique tant son mépris l'affecte au plus haut point.

La famille de coeur est celle que l'on choisit, les proches qui partagent notre existence, tissant des connexions entre le monde extérieur et la sphère privée. La description sociale de ces deux dimensions de l'existence est particulièrement réussie, donnant une épaisseur étonnante aux différents personnages de la série.

En prenant son temps pour faire se rencontrer Jeanette et Delmond, les auteurs évitent de succomber à l'attrait de la facilité et savent trouver l'instant idéal et surprenant pour faire se rencontrer ses deux solitudes. Totalement maîtrisé, le scénario sait faire le choix de la lenteur pour donner toute sa force à un évènement pourtant prévisible. 

 

La difficulté de gérer les éléments musicaux

Le reproche le plus souvent fait à Treme concerne la présence parfois envahissante d'intermèdes musicaux pas totalement justifiés que l'on accuse (à tort, mais cela n'engage que moi) de casser le rythme des épisodes. Loin de continuer sur leur lancée, les auteurs essaient de trouver le système idéal pour intégrer parfaitement les différents numéros à l'intérieur du show. 

Apportant une touche de réalisme et un style très "couleur locale", ces séquences sont de mieux en mieux intégrées à une histoire qui se développe dans de multiples directions, la musique permettant de réunir différentes intrigues au même endroit. Treme trouve petit à petit la forme idéale, résultat d'un travail incroyable de documentation et de recherche, entre réalisme et drame. Réglant détail après détail, les créateurs de Treme se rapprochent lentement d'une certaine forme de perfection, avec patience et détermination.

 

J'aime :

  • un éclair comme brillante idée de mise en scène 
  • un scénario maîtrisé et intelligent 
  • des comédiens remarquables
  • une approche originale du rapport entre la société et la violence gratuite 

 

Je n'aime pas :

  • un peu lent car trop didactique 
  • plus faible qu'à l'accoutumé (donc très bon au lieu de excellent)  

 

Note : 14 / 20 

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L'auteur

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