Critique : Treme 2.11

Le 09 juillet 2011 à 11:48  |  ~ 8 minutes de lecture
Episode sublime qui clôture une saison particulièrement réussie, entre haine et joie. C'est la fin du second acte sur un monde qui se réconcilie avec lui-même. Au programme, quelque chose de grand, de fort et de superbe.
Par sephja

Critique : Treme 2.11

~ 8 minutes de lecture
Episode sublime qui clôture une saison particulièrement réussie, entre haine et joie. C'est la fin du second acte sur un monde qui se réconcilie avec lui-même. Au programme, quelque chose de grand, de fort et de superbe.
Par sephja

Pitch aime la Nouvelle-Orléans 

La fête du Jazz approche à grand pas et Jeanette Desautel revient le temps d'une journée pour aider son sous-chef à sortir de prison. Seulement, la célébration de la liberté de Jacques va prendre une tournure particulière, tout comme pour Ladonna qui va se retrouver confrontée à son agresseur. Le moment est venu d'avancer pour Davis et Antoine, qui abandonnent leur groupe, et pour Delmond de découvrir qu'en éliminant tout espoir de bénéfice matériel, son album a su renouer avec l'âme de la ville. 

 

 

Vivre ensemble en trouvant la voie de son propre bonheur 

Personnage à part au sein du récit, Ladonna aura été le centre d'une intrigue bouleversante et magnifique, symbole du lent désespoir d'une femme brisée intérieurement, incapable de retrouver le souffle de vie qui nous pousse tous à aller plus loin. La voir se confronter à son agresseur dès le début de l'épisode laisse deviner que David Simon et Eric Overmyer ont l'intention de frapper un grand coup en livrant un épisode somme de quatre-vingt dix minutes, spectaculairement intense, entre joie et tristesse, mais marqué par cette renaissance des victimes qui retrouvent le coeur de se battre. 

Khandi Alexander mériterait une statue pour cette saison incroyable, venant concurrencer directement Kate Winslet pour le prix de l'actrice de l'année. D'une grande intensité toute la saison, elle explose enfin dans un déluge de rage, celle d'une femme qui retrouve brutalement la capacité à s'indigner et à vouloir de nouveau changer les choses. Brisant enfin le mur de silence où elle s'était enfermée, Ladonna se libère, renouant avec l'esprit d'une ville qui a ce besoin naturel de crier son indignation et d'exprimer sa colère. 

Davis trouvera lui aussi la voix de la paix en extériorisant toute sa frustration dans un numéro à la James Brown hilarant, Steve Zahn confirmant une fois de plus qu'il est un acteur formidable. Refusant d'être malheureux, les personnages de Treme rejette le ressentiment et la rancoeur, choisissant de se moquer de leur propre frustration pour mieux sortir avec dignité. Car il est impossible de vivre avec les autres sans cette pointe de fierté personnelle, celle qui permet de conserver un certain réalisme même lors des pires crises. 

La voie du bonheur passera par la Nouvelle-Orléans pour chacun d'entre eux, une ville qui, par son caractère singulier, est la seule à pouvoir leur convenir. 

 

Une ville à l'identité forte 

Entre violence et poésie, drame et réussite, la Nouvelle-Orléans est une ville de passion, un univers qui se vit à cent pour cent ou pas du tout. Le suicide de Creighton aura permis de mettre en lumière ce lien complexe entre elle et ses habitants, aucun personnage n'arrivant jamais à couper totalement les ponts. Cette relation avec sa ville est la base du talent de Jeanette Desautel, la jeune femme ne trouvant sa plénitude qu'en exprimant cette identité si particulière, à la fois universelle et unique.

Pour Delmond, les années passées à New-York lui avait fait perdre le souvenir de ses racines profondes, ce monde intérieur qui influence tant les artistes. Qu'ils rencontrent le succès ou l'échec, Treme dresse le portrait d'artistes qui, en optant pour différents modes d'expressions entre classicisme et modernité, revisite à leur manière le monde qui les entoure. L'art apparait surtout comme un compromis perpétuel entre le spectacle des têtes d'affiches charismatiques et la rigueur des musiciens qui doivent assurer quoi qu'il en coûte.

En transformant son orchestre en une vitrine à sa propre gloire, Antoine Baptiste perd petit à petit l'équilibre nécessaire pour maintenir la cohésion au sein de son groupe. Conscient du poids des années sur lui, Antoine abandonne ses rêves de gloire, et se tourne totalement vers le monde de l'éducation et une jeunesse avec qui il parvient mieux à s'entendre. Les personnages auront beaucoup changé durant cette année, chacun prenant une direction des plus imprévues, ce que la scène finale met superbement en musique.

Cette saison aura su parler de thèmes universels en dressant le portrait d'une société entre rires et larmes, chacun essayant de trouver sa place dans cet univers en pleine renaissance.  

 

L'intégration et ses difficultés 

Pour Nelson Hidalgo, cette année fut avant tout celle de l'espoir de pouvoir devenir un membre influent de cette communauté en faisant preuve de générosité envers chacun des habitants de la Nouvelle-Orléans. Seulement, si Mardi-Gras fut un sommet pour lui, il a perdu le fil de sa propre conduite, soutenant le désir de quelques puissants contre les besoins de toute la communauté. Le prix à payer est celui du rejet, de l'exil d'un homme qui aura tenté de faire cette ville sienne sans jamais parvenir à trouver réellement sa place et à réussir son intégration. 

Car la ville est fière de son passé, de sa culture et possède une identité forte et écrasante pour un homme venu du Texas. Il subit alors l'exclusion d'un monde dont il a voulu trop profiter, subissant le feu d'une destinée qui peut vous détruire totalement ou entraîner une renaissance spectaculaire comme Sonny cette année. L'important dans Treme est de se rappeler que l'amour n'a pour se développer que le répit avant une nouvelle catastrophe, signalée par les premières taches huileuses dans l'eau. La reconstruction d'une société ou d'un être humain est un procédé complexe, une bataille de tous les instants qui n'est jamais vraiment gagnée, chaque étape ne menant qu'au conflit suivant. 

 

Bilan de la saison deux 

Si la saison un fut avant tout celui d'un monde à la recherche de ses survivants, la seconde saison a pris la forme d'un mélodrame choral où chacun aura connu des fortunes diverses, entre joie et tristesse. Un monde sous sa forme collective ne peut se construire en quelques jours, comme l'orchestre d'Antoine, sans connaître des revers et des tensions que rien ne permet vraiment d'anticiper. Les individus se croisent, se rapprochent, montrant la complexité d'un monde à cinq dimensions, où le temps et le choix occupent une place plus que centrale. 

A la recherche d'une idée universelle, celle qui est à l'origine de la création du monde en tant que communauté, David Simon suit le cours des passions et des conflits, bercé par une musique entraînante et superbe. Avec un style remarquable et un talent spectaculaire, Treme aura réussi l'exploit de dresser le portrait d'un monde qui, comme les Bernette, parvient à oublier la colère et le dépit, comme une première phase sur la route du pardon. Le court silence de Davis en fin d'épisode traduit bien la contemplation devant le travail bien fait, celui d'une série magnifique qui aura réussi à raconter la renaissance d'une communauté, traduisant en images ce que les mots ne peuvent dire. 

 

J'aime : 

  •  un récit fort pour un épisode qui vient conclure en beauté cette seconde saison 
  •  un casting impeccable, surtout Khandi Alexander et Steve Zahn, remarquables 
  •  une histoire d'amour et de tristesse, construit comme un mélodrame brillant 
  •  une réalisation réaliste et poétique à la fois
  •  une scène finale superbe 

 

Je n'aime pas : 

  •  rien

 

Note : 19 / 20 

Un final de quatre-vingt dix minutes époustouflant, passionnant de bout en bout, qui vous remue les tripes, un superbe mélodrame sur la difficulté de la renaissance. Entre peine et joie, la vie se remet en place et le retour de ceux qui avaient tout perdu laisse croire que le monde a fini de souffrir, retrouvant un certain équilibre. Pourtant, les tâches d'huiles sur l'océan laissent déjà deviner la nouvelle catastrophe à venir, tandis que les années Bush s'achèvent. 

Ainsi se termine la saison deux de Treme. A l'année prochaine. 

 

Je tiens à remercier tous les fans de Treme qui m'ont aidé cette saison : Stephanie pour nos longues conversations, Sandrine pour ses conseils, Damien pour sa connaissance de l'oeuvre de David Simon, Gouloudrioul pour ses avis pertinents et Puck pour ces corrections toujours justifiées et sa patience. Merci, je suis content que Serieall m'ait permis, à mon moindre niveau, d'écrire ces avis durant toute cette saison, tant Treme est une série vraiment formidable. 

L'auteur

Commentaires

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Magnifique critique encore une fois, et merci pour la dédicace :D !

Avatar sephja
sephja
de rien, c'était sincère ;)

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