Pitch Bobby Peru
Le meurtre de Laura Palmer s'efface lentement des esprits tandis qu'un nouveau médecin légiste arrive en ville à la demande de l'agent Cooper. Utilisant des méthodes d'investigation à la limite de l'holistique, Dale va lentement orienter son enquête vers Leo Johnson et le docteur Jacobi. Au même moment, Bobby Briggs et Mike Nelson tentent de récupérer l'argent qu'il doive à Léo, découvrant un homme mystérieux tapi dans l'ombre.
Des multiples mobiles de tuer Laura Palmer
Après avoir laissé retomber la pression, David Lynch reprend la série en main et va se montrer assez brutal avec le spectateur, allongeant la liste des suspects au meurtre de Laura. A l'aide d'une séquence hilarante de lancer de caillou, l'agent Cooper énumère les différents mobiles tout en laissant au destin de lui désigner la piste la plus pertinente. Si l'idée peut sembler singulière, le naturel avec lequel elle est abordée rend le tout absolument hilarant, si bien qu'on accepte sans problème de jouer le jeu.
Avant de lancer son histoire, les auteurs vont se pencher sur les différents coupables possibles, exposant chaque mobile avec une finesse rare, avant la grande scène finale d'une ambition jusqu'alors inédite à la télévision. L'épisode passe très vite, doté d'un bon rythme et envoyant une multitude de signes subtils qui prouvent que Lynch sait parfaitement où il va, dévoilant petit à petit la face obscure de chacun des habitants.
Commençons par les tourtereaux Donna et James qui malgré leur apparente innocence possèdent une réelle motivation pour tuer Laura. Leur amour ne pouvant s'exprimer à cause d'elle, sa disparition leur permet enfin de s'afficher au grand jour et de vivre leur bonheur.
Léo Johnson, routier violent et autoritaire, possède le profil idéal du tueur, mais sa connexion avec Laura est beaucoup trop confuse. Lynch va donc travailler à établir ce lien en se servant de Bobby et de Mike, tous deux impliqués dans une sombre histoire de trafic de drogues en relation avec Léo et la victime. En une scène superbement mise en scène, Lynch établit une hiérarchie parmi les prédateurs, tout en laissant apparaître un personnage qui se cache dans l'ombre, preuve que Léo n'est pas celui qui tire les ficelles.
Benjamin Horne, l'homme d'affaire qui possède l'hôtel où séjourne Cooper, va être mis en avant dès les premières séquences mais sa storyline va s'avérer assez décevante. Cette scène d'introduction crée un certain malaise, ne trouvant sa justification que dans l'apparition du message "Jack has one eye" que Cooper découvre au fil de l'épisode. Malgré l'esthétisme très réussi du bordel, cette scène trop parachutée empêche de s'immerger totalement dans l'épisode et constitue le passage le moins réussi de l'épisode.
Une mise en scène au frontière de l'avant-garde
Après deux épisodes très classiques et assez réalistes, Lynch décide d'accroître l'étrangeté du récit en proposant une narration plus lacunaire, développant toute une série de mystères sans fournir l'embryon d'une réponse. Petit à petit, Lynch donne les clés de son univers, entre réalité et rêve, juste dans l'équilibre entre la folie et la conscience. Pour profiter pleinement de l'expérience Twin Peaks, il est indispensable de se plonger totalement dans ce monde étrange et labyrinthique, constitué de non-dits et d'associations mystérieuses.
Refusant toute idée de Stand-alone, le show forme un tout parfaitement cohérent, sans céder à la tentation de se détourner de son intrigue principale. Car des forces sont en jeu à Twin Peaks qu'une série classique et formatée ne pourrait décrire sans perdre aussitôt la confiance des spectateurs. Il faut donc le style avant-gardiste de Lynch, sa capacité à présenter les évènements les plus absurdes avec une conviction telle que rien ne lui résiste, laissant la réalité exploser en lambeaux.
Bobby Briggs, entre inconscience et stupidité
Rebelle de bac à sable, Bobby Briggs est un fils de militaire privilégié qui s'amuse à jouer les rebelles pour embêter ses parents. S'il se donne les apparences d'un méchant avec son ami Mike Nelson, sa scène de confrontation avec Leo Johnson prouve que ce personnage n'est en fait qu'un vulgaire peureux très pathétique. Ignorant tout des infidélités de Laura, il est trop crédule et ne possède clairement pas l'estomac pour avoir commis un tel meurtre.
Interprété par l'excellent Dana Ashbrook, Bobby est un personnage que l'on aime particulièrement détester tant son comportement s'avère fréquemment ridicule. Pure anecdote, il a su plutôt bien poursuivre sa carrière, figurant même dans l'épisode spécial de Psych "Dual Spires" en hommage à la série.
Léo Johnson, un méchant, un vrai
Au contraire de Bobby Briggs, Léo Johnson est un vrai méchant, violent avec sa femme, qui porte sur son visage les traits froids d'un psychopathe. Routier toujours sur le départ, il est le seul qui pourrait être relié au premier crime qui s'est déroulé à des kilomètres de là, mais ne possède pas de mobile pour celui Laura Palmer. Dans le viseur de l'agent Cooper, l'homme porte tout les signes du coupable idéal, mais va s'avérer être aux ordres d'une personne mystérieuse.
Eric Da Re est un acteur atypique qui connaîtra à la suite une carrière décevante, condamné à jouer les rôles de méchants dans des films peu flatteurs. Il interpréta même le tueur en série Ted Bundy avant de mettre fin à sa carrière, à l'exception d'une participation au "Lost Highway" de David Lynch.
Une scène finale comme une promesse de grandes choses
Quiconque a vu Twin Peaks connait la séquence de la Red Room, cette chambre mystérieuse où l'agent Cooper possède la possibilité de plonger dans son sommeil. Cet univers, mystérieux et stroboscopique, possède son propre langage, ses propres règles et constitue la pierre angulaire de la fascination qu'exerce la série sur nous. Création lynchienne avant tout, la Red Room est le premier instant où le show révèle une part importante de sa vraie nature, un vrai mystère qui ne trouvera sa résolution que dans les entrailles de cette ville mystérieuse.
Petite anecdote, elle servira d'inspiration à la Velvet Room, bien connu des fans de jeux vidéos (SMT Persona qui s'inspire pas mal de l'oeuvre lynchienne).
J'aime :
- la scène finale, puissante
- la scène de la bouteille hilarante
- Lynch car il possède ce style unique, aux frontières du grand mystère de la création
- les mobiles multiples qui s'accumulent
Je n'aime pas :
- la séquence d'introduction pas vraiment réussie
- certains éléments un peu parachutés
Note : 15 / 20
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