Terror of the Zygons, un épisode culte. Culte pas par définition comme peuvent l'être des épisodes autour des Daleks, de Gallifrey ou des régénérations. Culte vu comment les fans s'en sont souvenus. Ce sera d'ailleurs une constante de cette saison 13 : si beaucoup d’épisodes sont devenus plus tard fondateurs et très importants dans la mythologie, initialement c’était juste un lot de 6 nouvelles aventures avec des concepts frais. De la qualité et c’est tout. Quoi de plus cool qu’ils sont maintenant qualitatifs ET intéressants pour la mythologie ! Comme ce premier épisode.

Terror of the Zygons ouvre la saison sur les chapeaux de roue. Un monstre dans le Loch-Ness, une histoire en Ecosse, des mystères entre les villageois, des ennemis intrigants et même le Brigadier en kilt ! Comment résister ?

Il ne faut pas oublier qu'on se retrouve dans un épisode sur Terre, en Grande-Bretagne, avec U.N.I.T et toute la clique, et que ce n'est jamais les plus intéressants (pour moi). Sauf que là, c'est différent. Il s'agit non seulement du premier (et d'un des seuls) épisodes terrestres sous la direction de Hinchcliffe et Holmes. Le ton que l'on retrouve est bien différent des autres. Avec la volonté d'Hinchcliffe de faire une série plus adulte, on a un scénario résolument mature, à base de destruction de plateformes pétrolières, et quelques messages sur l'idée de "progrès" que cela peut représenter - ou pas - pour les habitants locaux.

DOCTOR: Oil, an emergency? Huh! It's about time the people who run this planet of yours realised that to be dependent upon a mineral slime just doesn't make sense.

Mais cette dimension assez politique était déjà présente dans les anciens épisodes de UNIT - pas plus loin que dans Robot. La vraie nouveauté, c'est d'introduire ces aliens de façon si onirique et horrifique. Les Zygons sont révélés pas à pas, ce qui est bien sûr la meilleure méthode pour le faire, et surtout les plans serrés sur leurs yeux, leurs mains et leur tableau de bord tout gluant et ventouseux, sont vraiment beaux. On peut y voir un côté cheap mais je trouve au contraire que pour l'époque, ces plans sont très artistiques voire hypnotisants. Par rapport au modèle des histoires UNIT de Jon Pertwee, c'est le jour et la nuit (et tant mieux car les techniques ont évolué un peu entre temps).

L'autre bonne idée, c'est bien sûr d'exploiter un mythe du folklore écossais à la sauce Science-Fiction, avec l'idée d'un monstre sous-marin géant qui germe peu à peu tout au long du scénario.

Il n'y aura quasi plus d'épisodes avec UNIT, et le Brigadier signe ici sa dernière apparition avant très longtemps. Ayant atteint une apogée dans l'ère Pertwee (apogée ou overdose ?), ce genre d'épisodes, on l'a eu à toutes les sauces. Peut-on ici parler d'épisode "ultime" du genre ? Si l'épisode se révèle très bon, peut-être bien. Mais on retrouve déjà cette sensation beaucoup plus macabre qu'une simple enquête sur Terre pour défaire une invasion alienne.

Il y a tout un charme et une ambiance particulière lorsque Sarah interroge les habitants par exemple, qu'on ne retrouve pas simplement dans Spearhead from Space et autres histoires avec des invasions classiques. Même l'infirmière lors de la scène finale te fout les jetons.

Cela est grandement aidé par, comme toujours, la team TARDIS. Dès le premier plan où on les voit gambader dans la campagne écossaise, on est juste ravi de les revoir. Le Docteur est très en forme dans l'épisode comme toujours, et la posture qu'il adopte vis-à-vis de l'affaire (un peu incrédule pour finalement s'y intéresser de plus en plus au fur et à mesure que les indices s'accumulent) est finalement  un procédé très moderne dont la nouvelle série s'inspirera beaucoup. Tom Baker contribue à instaurer cette ambiance "fun en apparence, étrange et malaisante à y regarder de plus près"... tout simplement parce que cela le décrit si bien.

HUCLE: As far as we know, the sea was calm and empty. DOCTOR: It may be calm, but it's never empty.

L'épisode gère pourtant une différence de tons qui force le respect puisque pas mal de passages dans le sérial seront assez comiques et teintés de légèreté et de second degré, sans jamais neutraliser les enjeux dramatiques. Le Duc de Forgill est un très bon personnage en ce sens :

DUKE: My family have served this country for seven centuries, but that doesn't seem to count these days, does it.

Autre chose qui détache cet épisode du lot : la réalisation. Rarement à ce stade aura-t-on vu un épisode aussi bien filmé. Les plans resserrés sur le visage des personnages au fur et à mesure que les conversations gagnent en tension, sont ultra efficaces. Les cut entre les différents dialogues ont du sens et l'épisode tient un rythme impressionnant alors que c'est à 90% de l'exposition pure, sur Terre en plus. La scène où Sarah interroge le villageois dure une éternité et même si elle présente des choses nécessaires à la suite du sérial, on ne voit pas tout de suite l'intérêt de la conversation. Et pourtant je n'ai pas décroche une seule seconde.

SARAH: Evil spirits don't destroy oil rigs.

Idem, j'ai déjà parlé des Zygons, mais si ces monstres en caoutchouc sont devenus cultes avec ce SEUL épisode, et seront une condition pour que David Tennant revienne jouer dans la série pour les 50 ans, ce n'est pas pour rien. Leur design semble tout de même très original, mais ils ont surtout la chance d'être filmés avec une ambiance, un design et des voix bien particulières qui contribuent à former une atmosphère extrêmement réussie.

Le cliffhanger se voit venir de loin, et est donc ultra classique, mais pourtant très efficace. Un peu à l'image de l'épisode : c'est vraiment du Doctor Who de base, mais avec quelques touches d'originalité et maîtrisé de bout en bout. Sarah a certes poussé un petit cri de détresse, mais globalement dans l'épisode elle a mené l'enquête, pris des initiatives, eu quelques bonnes répliques face à d'autres personnages masculins, et prouve encore pourquoi elle est l'une des premières compagnons à dépasser son stade de potiche. D'autant que, je spoile un peu, mais le cliff n'est pas mensonger pour une fois, et elle se fera vraiment capturer avec Harry.

Bref, à part nous teaser les origines des Daleks, difficile d'imaginer une première partie plus réussie que celle-ci. Même si le cadre n'a rien de fou sur le papier, l'épisode se distingue par une série de petites touches de qualité, à savoir la couche de mystère rajoutée avec le folklore écossais et la mise en scène intelligente qui nous tient en haleine et rend ses ennemis bien plus impressionnants qu'ils ne le sont pris hors-contexte. C'est fun, intelligent et très intrigant, que demander de plus ?