Critique : Doctor Who (2005) 11.03

Le 28 octobre 2018 à 10:26  |  ~ 10 minutes de lecture
Doctor Who X Retour vers le futur.

Critique : Doctor Who (2005) 11.03

~ 10 minutes de lecture
Doctor Who X Retour vers le futur.
Par nicknackpadiwak

La saison 11 de Doctor Who a commencé depuis deux semaines et déjà les clans se forment et s’entre-déchirent. Nous avons d’un côté les emballés-de-la-saison 11, (avec le sous-groupe des Jodie-Whittaker-déjà-fan), de l’autre, les Chibnall-sceptiques mais aussi les moffians-nostalgiques, les à-voir-sur-la-durée et le groupe des balecs (à ne pas confondre) qui eux n’ont jamais compris l’engouement pour cette série qu’ils trouvent kitsch et enfantine. En tout cas, tous ces clans (sauf le dernier) s’accordent sur deux points : Jodie Whittaker a repris avec panache le costume du Docteur et les scénarios des premiers épisodes sont linéaires et sans grande originalité. Alors que vaut ce troisième épisode ? Les clans vont-ils exploser ? Y aurait-il des changements dans les tribus, des trahisons ? Aaaaah tant de suspense me tue.

 

 

History repeating

 

Chibnall, en reprenant les rennes de Doctor Who, avait promis le retour des "épisodes historiques", ces épisodes se passant dans une époque passée et lointaine de notre bonne vieille Terre. Les spectateurs ont ainsi pu visiter et rencontrer Marco Polo, des hommes préhistoriques, Néron lors des deux premières saisons de 1964 ou plus récemment Vincent Van Gogh, William Shakespeare ou Agatha Christie.

Et pour le grand retour de ces épisodes à concept, Doctor Who frappe fort et pose le pied dans l’Alabama de 1955, à la rencontre de ni plus, ni moins Rosa Parks ! Pour rappel, Rosa Parks est une femme afro-américaine devenue célèbre en refusant de céder sa place à un passager blanc dans un bus, ce qui a conduit à son arrestation. Martin Luther King lança alors une campagne de protestation et de boycott de la compagnie de bus, ce qui provoqua la fin des lois ségrégationnistes et le début des revendications des droits des Noirs américains.

 

Un épisode qui met en lumière Rosa Parks

 

Le choix de cette époque et de cette histoire n’est pas anodin et au contraire très prometteur. En effet, avec l’arrivée d’une femme dans la peau du Docteur, j’espérais secrètement que la série ouvre un peu la porte à une dimension plus politique de ce qu’elle présente habituellement et je rêvais de la voir aborder des sujets plus revendicatifs que le traditionnel sauvetage de gens/la Terre/l’Univers de méchants E.T.. Avec Rosa, on dirait que Chibnall a entendu mes vœux secrets et peut-être que, dans le futur, d’autres sujets plus actuels seront traités plus frontalement. Mes doigts sont croisés.

 

 

(Not) Sweet Home Alabama

 

Avoir une bonne idée de base, c’est bien, encore faut-il en faire quelque chose. Et sur ce point, Rosa ne déçoit pas. Toute la partie reconstitution de cette Amérique où la ségrégation est reine, où le racisme est généralisé et institutionnel, où l’on menace à demi-mot de mort les personnes noires est une totale réussite, car très choquante et scandaleuse. Ainsi, chaque moment de vie quotidienne (manger dans un restaurant ou louer une chambre d'hôtel) devient un véritable combat pour le quatuor, "à cause" de la couleur de peau de la moitié du groupe. L’épisode reste conscient aussi que le problème du racisme est loin d’être réglé (cf. la discussion entre Ryan et Yaz, obligés de se cacher parmi les poubelles pour sauver leur peau) et au contraire, en ces jours où les extrémistes (Trump, le Brexit, Salvini, Bolsonaro et j’en passe et des pires) reprennent le pouvoir, il est important de prendre conscience qu’on peut très vite revenir à de telles pratiques ségrégationnistes ou discriminatoires. Alors certes, le discours de l’épisode reste naïf et simpliste (les racistes dans l’épisode sont des saloperies irrécupérables et sans nuance), mais cela ne fait jamais de mal de dire que le racisme, c’est mal. Enfin, le mérite de l’épisode est de rendre hommage à une grande dame combative qu’est Rosa Parks (avec l’apparition éclair de Martin Luther King), voire peut-être de la faire découvrir aux nouvelles générations (très bien illustrées par Ryan et son « elle n’est pas la première conductrice de bus black ? » qui m’a fait bien rigoler).

 

La Docteur et ses compagnons devant de drôes de panneaux.

 

Concernant les autres qualités de l’épisode, outre la performance de Vinette Robinson, excellente en Rosa, le groupe formé par la Docteur et ses compagnons semble commencer une nouvelle dynamique ici. La personnalité de la nouvelle Docteur commence à s’affiner, elle est moins directrice, moins dictatoriale, plus à l’écoute et demande souvent de l’aide au trio l’accompagnant. Cela permet de former une team plus unie et plus homogène.

 

 

Retour vers le passé

 

L’épisode est donc très bon, mais il n’est pas parfait et souffre de défauts, notamment dus au cahier des charges de la série. C’est-à-dire que Doctor Who ne sera jamais une série où les héros feraient du tourisme, de manière nonchalante. Non, il faut un ennemi, une menace et de l’action. Et ici, une nouvelle fois, ce n’est pas une grande réussite.

Et en premier lieu, ce qui nuit énormément à l’ensemble est le méchant lui-même, le dénommé Krasko. Ayant déjà le charisme d’une tanche, avec une motivation assez floue (je ne vois pas en quoi ce moment précis de l’histoire terrienne peut impacter, au point qu’il veuille l’annuler, un Alien venant du cinquantième siècle et qui côtoie régulièrement des milliers de races extra-terrestres), il est de surcroît accompagné d’un leitmotiv musical menaçant à base de trombones (ou pas, je suis nul à reconnaitre les instruments de musique), ce qui rend chacune de ses apparitions encore plus risible. Et comme chez lui, le ridicule ne tue pas, il touche le fond du fond lorsqu’il revêt un déguisement de mécanicien. En tout cas, sur le coup, il m’a bien fait rire.

 

Un méchant très flippant.

 

De fait, toute la fin est assez poussive. Malgré un côté Retour vers le futur où il faut permettre à un évènement déjà passé de se produire, les plans de Kraskos pour mettre des bâtons dans les roues de l’Histoire et les solutions de la Docteur et de ses compagnons sont assez simplistes et pas super palpitants. De plus, pour accélérer les péripéties, les personnages semblent se téléporter d’un coin de pêche à une casse, tandis que la Docteur passe en un bond d’un entrepôt à l’atelier de boutique de Rosa, ou de l’adresse de la maison du chauffeur remplaçant qu’elle a obtenue on ne sait comment à une voiture délabrée derrière laquelle se sont (mal) cachés ses compagnons en filature.

Et pour finir, comme souvent dans la série, lorsqu’il s’agit de faire de l’émotion, Doctor Who y va à la louche. Telle cette fameuse scène finale du bus gâchée par des ralentis et surtout une bande-son où une chanteuse (Andra Day) s’égosille, comme pour dire (ou plutôt hurler) : « Là, c’est la séquence émotion !!! »

Bref, comme lors des deux premiers épisodes, c’est lorsqu’il s’agit de se mettre en action, que cette saison 11 est la moins convaincante, la moins inspirée.

 

Cet épisode ne révolutionnera pas le monde, ni même l’ADN de la série, mais il est fort à parier qu’il s’agit d’un des épisodes majeurs de cette saison 11. En choisissant d’illustrer le début du combat des Afro-Américains contre l’establishement blanc, Doctor Who prend un virage plus politisé et confirme que la série sait évoluer avec son temps. Cela ne peut être qu’une bonne chose.

 

J’ai aimé :

 

  • D’avoir mis Rosa Parks et le combat des Noirs pour ce premier épisode historique au lieu d’une époque ou d'un thème plus passe-partout.
  • La reconstitution réussie et offusquante de l’Amérique raciste.
  • Le groupe qui commence à prendre vie.
  • La référence à Banksy.

 

Je n’ai pas aimé :

 

  • La référence à Steve Jobs, attention à l’excès de clins d’œil.
  • Que les compagnons expriment leur respect envers des personnages historiques, alors que ces derniers n’ont encore rien accompli, soit. Mais que la Docteur fasse pareil, après mille ans de voyages dans le temps, c’est un peu bizarre.
  • Toute la partie action. À quand un épisode sans méchants Aliens, ni danger planétaire, un épisode expérimental où il s’agirait juste de se balader dans un monde ou une époque inconnue ?
  • Le retour de Nardole qui commence à vraiment se faire attendre.

 

Ma note : 14/20

 

 

Le Coin du Fan :

par Galax

 

De loin l'épisode avec les références les plus explicites jusque là !

 

  • Le principal élément de mythologie repris concerne le méchant de l'intrigue qui dit venir de Stormcage. Il s'agit de la prison la plus sécurisée de l'univers vers le 51ème siècle. L'une de ses prisonnières avait l'habitude de s'échapper à sa guise : il s'agit de River Song ! On la voit notamment dans des épisodes tels que A Good Man Goes to War ou The Impossible Astronaut.

 

  • Dans la même veine, le méchant Krazko porte un manipulateur de vortex, l'outil pour permettre un voyage dans le temps "rapide mais douloureux" comme le dit la Docteur, reprenant les mots des anciens Docteurs lorsqu'ils rencontraient ce bracelet autour des poignets de Jack Harkness et de River Song.

 

  • L'énergie artron mentionnée par la Docteur se trouve dans son TARDIS et est en lien avec les Seigneurs du Temps et tous les déplacements temporels. On l'a mentionnée pour la première fois dans The Deadly Assassin, un épisode de la série classique fondateur de beaucoup d'éléments de la mythologie liée aux Seigneurs du Temps et à Gallifrey.



À la semaine prochaine !

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