Critique : Game of Thrones 8.6

Le 28 mai 2019 à 10:11  |  ~ 12 minutes de lecture
Où c'est la fin : de belles nuances de gris, des marcheurs en marche, des ellipses qui font très mal et les négociations les plus faciles de la télévision...
Par Puck

Critique : Game of Thrones 8.6

~ 12 minutes de lecture
Où c'est la fin : de belles nuances de gris, des marcheurs en marche, des ellipses qui font très mal et les négociations les plus faciles de la télévision...
Par Puck

 

Il y a des séries dont on doit faire le deuil. De celles que l’on n’a pas envie d’arrêter. Celles dont les personnages nous manquent, plusieurs années après. Pour moi, il y a eu Homicide, il y a eu Six Feet Under, il y a eu Life on Mars, il y a eu Friends, il y a eu Oz, il y a eu Community. Et il aurait pu y avoir Game of Thrones.

Mais ça ne sera pas le cas.

Parmi toutes les séries citées plus haut, certaines ont trop tiré à la ligne, d’autres ont trop joué le fanservice, d’autres encore ont vendu leur âme pour faire face à la concurrence, mais aucune n’a malmené à ce point ses personnages, la narration et les dialogues. Depuis la quatrième saison de Game of Thrones, l’écriture est devenue chaotique. À la cohérence, on a préféré les clins d’œil appuyés ("A Song of Ice and Fire", non, sérieusement ?), les scènes spectaculaires et la facilité.

C’est de tout cela que ce dernier épisode est fait. De cette équation qui contrôle tout : comment conclure des storylines insensées – au sens vrai du terme – tout en satisfaisant les fans ? En fait, les showrunners n’avaient aucun choix, aucune liberté. Cette fin, c’est un piège qu’ils se sont tendu tout seuls. Ils n’avaient d’autre alternative.

 

Farewell Dany

 

Exit, donc, Dany (sic), dont l’hubris et le fanatisme – la libération des peuples par le sang et le feu – prennent soudain toute la place. Ce n’est pas inattendu, c’est logique, la pauvre Daenerys n’avait pas d’autre voie de sortie. Mais c’est tellement mal amené. Sans émotion. Sans préparation des personnages, sans tension. Jon Snow est velléitaire, puis soudain meurtrier. Mais surtout, surtout, quelles sont les conséquences de ses actes ?

 

Jon tenant Daenerys après l'avoir poignardée

 

(attention, ellipse)

Des conséquences, il n’y en a pas. À la place des conséquences, à la place de la vengeance de Ver Gris, que l’on imaginait sanglante, furieuse, folle, destructrice, on a une ellipse… qui nous amène six mois plus tard : Jon et Tyrion sont en vie et dans un état assez correct ; les forces en présence en sont restées à un statu quo après l’incendie de Port-Réal ; et Ver Gris, qui dispose des plus grandes forces armées du continent, qui veut la guerre, n’a rien fait, rien.

Pourquoi ? Nous n’avons aucune explication.

(attention, interlude culturel)

Et c’est là que j’ai envie de parler de Rocambole. Rocambole, ce héros de feuilleton des années 1850, et dont les aventures ont donné naissance à l’adjectif rocambolesque. Rocambole, sous la plume de Ponson du Terrail, se retrouvait, par exemple, à la fin d’un épisode, ligoté et jeté à la Seine. Comment ce héros s’en sortait-il ? Très simplement, par le plus audacieux des tours. Le lendemain, dans la parution suivante, le nouveau chapitre commençait par : « Notre héros, revenu sur la rive, se lance alors à la poursuite de ses ennemis...» Pas besoin d’explication ou de vraisemblance, on donne au lecteur son quota de frisson, il s’en nourrit et ça suffit.

(fin de l’interlude)

Là, c’est pareil. Sauf que nous ne sommes plus des lecteurs découvrant les trames romanesques. Nos lectures, les séries nous en ont nourri. Et ce traitement, ça s’appelle tout simplement prendre le spectateur pour un imbécile.

 

Theresa May, si tu nous lis...

 

Ce n’est pas le seul moment de foutage de gueule avéré de cet épisode. L’autre grand moment, ce sont les "négociations" qui doivent décider de l’avenir des Sept Royaumes. Et là, c’est un bouquet final de WTF.

D’abord qui sont ces gens ? Les Tyrell ? Les Arryn ? Les Dorniens ?

Je n’en ai pas identifié la moitié, et pourtant j’ai suivi la série attentivement.

 

L'élection du nouveau roi

 

Ensuite, que sont ces négociations ? On désigne pour roi un type qui est resté inactif (du moins, c’est ce que peuvent croire les autres personnages) pendant toute la saison, il n’y a pas d’autre proposition, pas de protestation, pas de refus. À croire que tous ont désormais à cœur d’œuvrer pour le bien commun, en mettant de côté leurs ambitions personnelles, leurs rancœurs, leur chagrin et leur vengeance. Ver Gris et ses troupes acceptent de partir sans contrepartie, sans faire couler davantage le sang. Sans rien !

Mais le clou de cette scène, c’est Sansa, qui déclare tout de go l’indépendance du Nord. Et ça passe crème. Certes, les Nordiens ont payé un lourd tribut à cette guerre. Mais n’est-ce pas le cas aussi des Fer-nés ? De Port-Réal ? Mais non, seul le Nord fait sécession. Personne ne moufte, et personne ne cherche non plus à les imiter. Theresa May aurait dû en prendre de la graine.

À voir et revoir cette scène (car oui, j’ai revisionné l’épisode pour y chercher des choses à sauver), ma consternation est totale. Alors peut-être que je suis parano, mais j’y vois aussi le moyen de satisfaire à bon compte les fans des Stark et les féministes : "oui oui, on a zigouillé deux reines sanglantes, névrosées et folles, mais on a donné une couronne à Sansa."

 

Les têtes pensantes du Royaume

 

Je ne m’étendrai pas non plus sur le premier conseil du nouveau roi, une parodie (assumée je l’espère) des subtiles relations politiques des premières saisons. Mais Littlefinger et Varys sont partis, remplacés par Bronn, Brienne et le chevalier des Oignons – des caricatures d’eux-mêmes. Les bordels ne sont plus que des bordels, les petits oiseaux des petits oiseaux. Tyrion semble s’ennuyer. Nous aussi.

 

Que reste-t-il de nos amours ?

 

Alors à part ce sentiment de gâchis monumental des personnages et de la dramaturgie, que reste-t-il de cet épisode ? De belles nuances de gris. Gris-neige, gris-cendre, gris-décombre, gris-mur, gris des uniformes et des peaux. Autant j’ai pu râler sur la bataille de Winterfell, autant j’aime la palette de cet épisode. Des plans et des séquences soignés : les marches parallèles des Stark survivants, un dragon qui s’ébroue, un frère qui pleure près de deux amants enlacés. Et aussi une fin ouverte et cohérente pour Jon Snow, qui repart vers le nord.

 

Jon Snow partant avec Ghost et les Sauvageons en direction du nord du mur

 

Il reste aussi toutes ces questions sans réponses :

  • Qu’a vraiment fait Bran avec les corneilles pendant que le Roi de la nuit l’attaquait ?
  • Que regarde sans cesse Bran dans le lointain ?
  • À quoi a servi la flotte de Fer ?
  • Où s’en vont les dragons quand ils s’en vont ?
  • Combien de moutons pour nourrir un dragon ?
  • Combien consomme un dragon à 70 km/h ?
  • Dragon diesel ou dragon essence ?
  • Une monarchie élective vaut-elle mieux qu’une monarchie héréditaire ? Une monarchie constitutionnelle plutôt qu’une république ? Un collège de grands électeurs ou le suffrage universel direct ? Un leader charismatique menant une armée de fanatiques ou des hobereaux avides ? Je n’ai pas la réponse, mais je propose un référendum. La question posée aux citoyens de Westeros non calcinés, non gelés, non zombifiés de plus de quinze ans sera la suivante : "Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple des Andals par la Corneille à trois yeux et concernant l'autodétermination des peuples de Westeros et l'organisation des pouvoirs publics à Westeros avant l'autodétermination ?" La réponse sera oui, mais dans le cas où la réponse est non, la question suivante sera : "Répondez-vous toujours négativement ?"

 

J’ai aimé

  • Les cinquante nuances de gris
  • Peter Dinklage aussi bon, même avec un texte inepte
  • Le joli montage sur les vrais last of The Starks
  • Ghost, toujours là
  • Jon chez les anars

Je n’ai pas aimé

  • L’ellipse
  • Les négos trop faciles
  • La parodie de petit conseil
  • Les incohérences

Décompte des morts de l'épisode

  • Daenerys du Typhon de la maison Targaryen, Héritière légitime du Trône de Fer, Reine légitime des Andals et des Premiers Hommes, Protectrice des sept couronnes, Mère des dragons, Khaleesi de la grande mer herbeuse, L'imbrûlée et briseuse de chaînes

 

Ma note : 8/20

 

Le Coin du Fan :

par Koss

 

  • Nous l’avions indiqué dans notre précédent Coin du Fan : Daenerys vit bien sa vision qu’elle avait eue à Qarth en saison 2 et c’est Jon qui l’interrompt avant qu’elle ne s’asseye sur le trône.

 

  • Lorsque Daenerys s’adresse à son armée, elle cite directement les mots de Khal Drogo : « Massacrer les hommes vêtus d’acier et détruire leurs maisons de pierre. »

 

  • Varys à Tyrion en saison 2 : « Les livres d’histoires ne se souviendront pas de vous. »

 

  • On peut remarquer dans cet épisode que Bran fait construire une chaise de la Main du roi, spécialement adaptée à Tyrion. Ce dernier avait fait construire, en saison 1, une chaise adaptée à Bran.

 

La chaise de la Main du roi adaptée pour Tyrion

 

  • On peut voir dans l’épisode le nouvel emblème de Bran, porté par Brienne : une corneille à trois yeux.

 

Brienne portant le nouvel emblème de Bran : la corneille à trois yeux

 

  • Méta as fuck. L’ouvrage, apporté par Sam à la fin de l’épisode, a le même titre que l’ouvrage de George R. R. Martin.

 

L'ouvrage de Sam portant le titre A song of Ice and Fire

 

  • Les Chinois n’ont pas eu le droit à l’épisode. En effet, la plateforme de streaming Tencent Video, qui détient les droits de la série dans le pays, a fait part d’un problème de transmission. Beaucoup pensent qu’il s’agit d’une conséquence de la guerre commerciale entre la Chine et les USA. Elle est là, la vraie guerre du trône.

 

  • La robe de Sansa a été conçue pour faire référence à tous les éléments les plus symboliques du Nord. Des écailles semblent orner ses manches, en référence à la maison de sa mère, les Tully. Sa couronne fait référence à celle de son frère, Robb Stark, ou bien à celle de Cersei, celle qui lui a "beaucoup appris". Sa fourrure noire entourant son cou et tombant sur le côté imite les tenues d'Arya et de Jon lorsqu'il est à la Garde de Nuit, et prend la forme d'un loup. Enfin, des feuilles semblables à celles des Bois Sacrés à Winterfell sont également un motif sur une partie de la robe. Un vrai travail d'orfèvre !

 

  • Dans l’épisode 8 de la saison 6, Arya discute avec Lady Cigogne, une actrice d’une troupe de théâtre de Braavos. Voici le dialogue :

Arya : — Essos est à l’est et Westeros à l’ouest. Mais qu’est-ce qui est à l’ouest de Westeros ?
Lady Cigogne : — Je ne sais pas.
Arya : — Personne ne sait. Les cartes s’arrêtent là.
Lady Cigogne : — La fin du monde peut-être ?
Arya : — J’aimerais voir cela.

 

  • Alors qu’est-ce qu’il y a à l’ouest de Westeros ? Plusieurs personnages ont par le passé fait le voyage. La plus notable fut Alys Montcouchant. Roturière et amante d’une reine Targaryen, elle quitte Westeros en volant trois œufs de dragon qu’elle remet à un marchand d’Essos (à noter que c’est un marchand d’Essos qui offrait trois œufs à Dany). Alys part ensuite à l’est de Westworld avec trois bateaux. Elle trouve trois îles. Elle perd un bateau, un autre rentre au port et Alys décide de poursuivre sa route avec le dernier bateau. Nul n’a eu de ses nouvelles depuis. Si vous voulez en savoir plus, la vidéo de Alt Shift X est bien détaillée :

 

 

  • Tous les épisodes de Game of Thrones notés par les utilisateurs de IMDb :

 

Tableau comparatif des notes de toutes les saisons de Game of Thrones

 

Bonus :

 

Arya The Explorer

 

Merci à toutes celles et tous ceux qui ont lu nos critiques de Game of Thrones depuis plusieurs saisons. Merci à nos relectrices et relecteurs cette année et à toutes celles et tous ceux qui ont écrit un jour ou l'autre sur cette série. This is how our watch ended.

L'auteur

Commentaires

Avatar Altaïr
Altaïr

"Theresa May, si tu nous lis"...

J'avoue j'ai éclaté de rire. Et le pire c'est que c'est exactement ça.


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