Pitch mort d'une utopie
Dans un Treme qui renaît de ses cendres, chaque personnage semble petit à petit retrouver un sens à son existence et le plaisir d'une vie en communauté. Les anciens habitants profitent d'un défilé pour revenir en nombre dans la ville, preuve de leur attachement à leur quartier. Seulement le défilé va s'achever dans le sang et le désarroi.
La fragilité du tissu social
Série chorale possédant plus d'une dizaine de personnages, Treme propose de découvrir comment se reconstruit un tissu social. Porté par l'enthousiasme de Davis (Steve Zahn, toujours aussi génial), des musiciens se regroupent non pour l'argent, mais pour retrouver ce sentiment de communauté, portés par le souvenir d'un monde qui semble alors en passe de se reconstruire.
La réalisation, d'une grande efficacité, prend le temps de montrer comment deux hommes que tout sépare, Antoine Baptiste et son mécène japonais, vont pouvoir se rapprocher par le biais d'une passion commune pour les cuivres. Durant plus de huit minutes, les deux hommes vont discuter, se fâcher, se pardonner jusqu'à trouver ce parfait équilibre, cette entente mutuelle qui définit l'être humain comme un animal social. Cette séquence formidable, truffée de références musicales, est un vrai bijou d'intelligence, les deux comédiens se montrant particulièrement convaincants.
Car la ville semble renaître, réanimée par les messages vidéo de Creighton Bernette qui refuse d'accepter l'annulation du mardi-gras. Toujours à la limite du documentaire, la série réunit enfin une grande partie du casting dans un grand défilé où s'exprime toute la volonté de la Nouvelle-Orléans. Les habitants se croisent, se retrouvent, image idéale d'un monde utopique. Mais cette renaissance va brutalement connaître un revirement des plus dramatiques.
John Goodman ou la rage au corps
Difficile de ne pas penser en voyant l'immense John Goodman à cette scène culte de Barton Fink où il hurlait dans le couloir de l'hôtel "I will show you the light of the mind". Acteur très intense, il incarne à merveille un homme en colère, rempli d'une rage que son éducation lui permet d'exprimer à travers les mots plutôt que par les actes. Trop timide, Creighton ressent le besoin d'évacuer son trop plein de frustration à travers des vidéos virales qui vont très vite lui donner une certaine notoriété, porte parole de tous ceux qui veulent que l'état réagisse.
La parole de John Goodman, son timbre si puissant et tonique convient parfaitement au personnage, l'acteur teintant son jeu de multiples nuances vraiment bien senties. Sa lutte pour la tenue de la fête du Mardi-Gras constitue un enjeu qui saura sans nul doute trouver toute sa force dans les épisodes à venir et s'annonce très prometteur.
La musique ne peut pas couvrir le bruit des balles
"Shame, Shame" chante Davis, convaincu que l'ennemi est l'état fédéral, personnalisé par le président Georges Bush, et les institutions qui font preuve de la plus grande désorganisation. La séquence d'ouverture dans l'agence d'assurance illustre merveilleusement ce propos, l'agent d'assurance possédant cette touche d'humanité qui désamorce la colère.
Car la menace va venir d'ailleurs et briser le défilé, les bruits des armes à feu vont rompre ce court instant de grâce, cette utopie de quelques minutes. Cachée au sein même des habitants, une criminalité sauvage vient d'apparaître, qui profite de la désorganisation des services de police pour agir en pleine journée et marquer son pouvoir sur la ville en ruine.
Fin du premier acte, tout est parfaitement en place
En cinq épisodes, la série de David Simon a posé les bases d'un univers complexe, développant des idées fortes sur la perte de l'identité. Devant l'inertie d'une administration désemparée, la population a lentement redonnée vie au quartier du Treme, obtenant le retour de la majorité des habitants. Les différents héros ont réussi à reprendre quelques instants leur vie en main, créant un univers coupé du reste du monde, une utopie collective loin de toute violence.
Seulement, le Treme est un quartier populaire doté d'une criminalité bien réelle, une criminalité qui a désormais le champ libre pour s'exprimer sans la moindre retenue. Encore anonyme, elle brise le lien social, détruit ce que les artistes ont lentement reconstruit et provoque un désarroi encore plus fort, celui d'une société incapable de se défendre, sur laquelle le destin s'acharne.
J'aime :
- ce moment d'échange magique entre Antoine Baptiste et son admirateur
- Steve Zahn, simplement génial
- un scénario qui se dévoile enfin et s'annonce très ambitieux
- une réalisation impeccable
Je n'aime pas :
- franchement, cet épisode est irréprochable
Note : 17 / 20
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