Pitch funky at New Orleans
Thanksgiving approche et les différentes familles de la Nouvelle-Orléans se recomposent l'espace d'un instant, sans pour autant faire oublier les tensions croissantes entre des habitants fatigués et des services publics débordés. Pendant qu'Antoine Baptiste tente de créer son groupe et que Davis retrouve ses anciens démons, la ville semble s'épuiser peu à peu, incapable de faire face aux divisions qui s'agrandissent au sein du tissu social.
Une série d'une richesse stupéfiante
Pour faire écho aux propos de Burt dans le débat sur Mad Men, on peut aimer ou pas le bourdonnement dans les soaps, ces moments où les événements se succèdent sans fil conducteur pour les relier. Mais ici, ce n'est plus un bourdonnement, c'est carrément le rugissement d'un essaim complet, tant l'épisode ne va pas arrêter de faire se croiser les personnages, passant d'un plan à l'autre à toute vitesse, avec comme objectif de donner un développement à chaque arc narratif qui de cette saison.
Dans le but de donner à son histoire la dimension voulue, David Simon choisit de rajouter de nouveaux personnages, avec comme objectif de couvrir chacune des administrations de la ville. A la fois enthousiasmant et épuisant, la série nous offre heureusement quelques pauses musicales, comme des respirations dans un épisode qui file à toute vitesse tandis que les familles se préparent à partager le repas des pèlerins du Nouveau Monde.
Chez les Bernette, rien ne va plus entre Toni et Sofia, la fille et la mère ne parvenant absolument plus à communiquer, créant un fossé dans lequel la jeune femme a bien l'intention de se jeter. Si le souvenir de Creighton donne encore de la force à cette séquence, le mutisme entre les deux membres de la famille est assez lourd et ne laisse que peu d'espoir sur l'avenir de cette intrigue, pour l'instant.
Delmond Lambreaux rentre à la Nouvelle-Orléans et découvre les conditions précaires de vie de son père, le grand chef n'ayant plus de maison où se loger. La lutte entre la culpabilité de Delmond et la fierté d'Albert semble très prometteuse, la tension entre les deux cachant sûrement un secret qui ne devrais pas tarder à éclater au grand jour. Nul doute que la réconciliation entre les deux passera avant tout par la redécouverte de ce qu'ils sont l'un pour l'autre,
Ladonna doit préparer le départ de sa grand-mère de la ville et célèbre son dernier Thanksgiving en famille à la Nouvelle-Orléans. Trop rapide, cette séquence va s'avérer décevante, les auteurs optant pour un traitement trop superficiel. Et c'est ce point qui inquiète car Treme ne nous avait pas habitués à traiter avec une telle légèreté un événement aussi poignant, laissant craindre une histoire trop vaste qui pourrait échapper au contrôle de ces créateurs.
Très réussi, riche et toujours aussi passionnant, Treme garde son niveau d'ambition mais se montre moins bien construit qu'à l'accoutumé. La faute à une absence de ligne directrice, avec un thème de la réunion familiale pas assez mis en avant, provoquant un certain flottement dans la narration. Heureusement, les comédiens restent irréprochables, surtout John Seda et David Morse qui s'imposent comme les maillons forts de la saison.
La réouverture des écoles
Nouveau décor qui s'ajoute à l'univers de la Nouvelle-Orléans, l'école constitue une nécessité pour des parents qui s'inquiètent pour l'avenir de leur enfant. Visiblement symbolique de la renaissance du quartier et de la frustration de la population face à des services publics inefficaces, l'école profite d'un développement particulier et de l'arrivée de nouveaux personnages. La crise de Katrina va remettre au centre de la vie des habitants l'importance de l'éducation et de l'encadrement des plus jeunes.
Visiblement centré sur le thème du "vivre ensemble", cette seconde saison de Treme essaie de dépasser le simple cadre de la ville pour en investir chaque infrastructure. L'ambition est si grande qu'il est devenu impossible de séparer un épisode du reste de la série, Treme formant un ensemble pas encore vraiment cohérent, mais qui tend à se développer dans ce sens.
Delmond Lambreaux de retour chez lui
Personnage assez peu utilisé dans la première saison, Delmond hérite d'une des storylines les plus passionnantes, celle d'un artiste à la recherche de ses racines et de l'amour de son père. Car le grand chef Lambreaux a beau apprécier son fils, il s'esquive à la moindre note qu'il produit, refusant obstinément d'assister à ces concerts, ou même de l'écouter à la radio. Incapable de rétablir la communication avec son père, Delmond revient dans sa terre natale pour retrouver cette famille qu'il a perdu, ainsi qu'une partie de son âme.
Rob Brown est un acteur confirmé et efficace qui avait été très mal exploité durant la saison un, ses séquences à New-York s'avérant passablement ennuyeuses. En le ramenant sur les lieux de son enfance, les auteurs ont su corriger leurs faiblesses et donner à l'acteur la possibilité d'exprimer tout son talent. Par ce passage de l'anecdotique à l'indispensable, Delmond symbolise la capacité de l'équipe de David Simon à se remettre en cause et à tirer les leçons de ses erreurs.
Treme à la limite du trop plein
Treme veut bien faire, peut-être même trop tant les nombreux personnages commencent petit à petit à se marcher sur les pieds. Il est impossible de ne pas être enthousiaste au vu d'un épisode aussi complet, mais on ne peut que regretter une narration qui s'égare par instant, à la recherche d'une universalité qu'elle n'a pas encore atteinte. Au final, le show impressionne, surprend, mais ne se montre pas aussi intense qu'on l'aurait espéré, produisant un épisode dont on ne retient en définitive pas grand chose.
Etape obligatoire dans un récit qui se veut global, la série nous a déjà habitué à ce type d'épisodes qui ne servent qu'à faire progresser l'intrigue jusqu'à l'étape suivante. Ni enthousiaste, ni déçu, le spectateur est juste dans l'attente de l'épisode suivant, tandis que la vie continue dans la Nouvelle-Orléans, empruntant un chemin encore mystérieux.
J'aime :
- un récit riche et foisonnant
- des nouveaux personnages passionnants
- une ambition démesurée
- des intervalles musicaux mieux gérés que l'année dernière
- David Morse excellent
Je n'aime pas :
- une histoire qui s'égare
- une tendance à enfoncer des portes ouvertes
Note : 14 / 20
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