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Quel épisode, mes amis.
Petit à petit, toutes les pièces du puzzle se mettent en place. on s'est tous questionnés de l'intérêt d'une saison 4 qui s'ouvrait avec un Jimmy cynique refusant le deuil de son frère pour se conclure sur un Saul Goodman railleur utilisant la mort de son frère comme un levier pour parvenir à ses fins. Mais les scénaristes de BCS sont malins, car Saul n'est qu'un écran de fumée. Jimmy a toujours été tenté par le côté obscur de la loi, la véritable transformation s'opère en réalité du côté de Kim.
Après avoir minutieusement planifié la chute de Chuck sur 3 saisons, Better Call Saul prépare celle de Kim sur les 3 suivantes. Car c'est finalement peut-être ça, l'idée de la série. Voir comment un personnage aussi pathétique et médiocre que Saul Goodman enrôler malgré lui dans sa dynamique auto-destructrice tous ses proches.
Du côté de Mike, la série répète la très belle idée déjà abordée la saison passée que Mike est en quête d'un paradis perdu, qu'il concrétise dans l'artisanat. On peut reprocher à la série son rythme (je me lasse aussi parfois des pérégrinations de pépé Ehrmentraut), mais les intrigues silencieuses de Mike sont un contrepoint fascinant aux bavardages incessants de Jimmy. L'épisode offre même un début de réponse sur les liens indéfectibles qui uniront Gus et Mike et provoqueront leur chute : la douleur d'un deuil qui refuse de se faire. Une belle unité thématique pour tous les personnages de cet épisode.
Better Call Saul se résume parfaitement dans la scène du mariage de Kim et Jimmy. "We don't do that" dit Jimmy à propos des alliances. C'est un mariage légal, de circonstance, une stratégie orchestrée par Kim pour se protéger. Et pourtant, au moment d'officialiser la chose, des sourires discrets se dessinent, une nuance de pure félicité apparaît chez les personnages. Ils n'en avaient pas besoin, mais chacun s'y retrouve. Kim, en détournant les attentes qu'on a placées en elle. Jimmy en les dépassant.
C'est un moment de bonheur assez rare dans la série, souvent timorée dans l'émotion, malheureusement désamorcé par la suite de l'épisode. Car que peut espérer Jimmy maintenant qu'il a obtenu la femme de ses rêves et qu'un poste dans le cabinet de son frère lui tend les bras ? C'est toujours la même histoire finalement. Pour Kim, pour Jimmy, pour Walter White. Quand l'évidence vous tend les bras, on se tourne vers la pire des décisions possibles.
A l'image de Chuck dans Chicanery, n'est dans une explosion de colères que Jimmy se révèle et dévoile son vrai visage. Jimmy face à Howard, c'est Walter White face à Gretchen. C'est accepter l'évidence et la simplicité, quitte à égratigner son égo. Sauf que Jimmy, comme Walter, prend bien trop de plaisir à se construire un personnage. Et tout d'un coup, c'est le choc pour le spectateur qui ne reconnaît pas le personnage qu'il suit depuis maintenant 5 saisons. Car jamais on a vu Jimmy aussi ouvertement mesquin, la série ayant toujours pris soin de justifier chacun de ses actes. Jusqu'ici, jusqu'à la colère froide, grotesque, la révélation de toutes les frustrations et les hypocrises accumulées au fil des ans. Un puits sans fond qui ne peut se complaire que dans l'auto-satisfaction grotesque jusqu'à saturation.
Que c'est beau...
Les plaines désertiques du Nouveau Mexique et des billets, tout est dit. C'est le purgatoire des personnages de Vince Gilligan (ici réalisateur) et Peter Gould, là où tout finit. la série sublime plus que jamais auparavant ces décors en nous rejouant la structure scénaristique déjà éprouvée (avec talent) dans Breaking Bad : 2 personnes que tout oppose coupés du reste du monde, face à eux-mêmes et à leur destinée.
C'est un épisode pivot, plus que n'importe quel autre. Better Call Saul a longtemps rechigné à s'avouer comme un spin-off de Breaking Bad, affirmant toujours sa propre identité, son propre ton, tout en poursuivant en parallèle des sous-intrigues plus ou moins convaincantes autour du cartel. Mais cet épisode confirme enfin un cap de franchi, tant tout évoque la série-mère tout en offrant un climax cohérent à la saison et à la série. Le plus tragique dans l'escapade de Saul reste sans doute la visite que Kim fait à Lalo, sans doute sa plus grosse erreur car - comme le rappelle Mike à Jimmy - le meilleur moyen de mettre ses proches en sécurité est de les garder loin de cet univers.
On retrouve donc ici un vrai travailler d'horlogerie, amplifié par notre point de vue omniscient sur la série. Le si taciturne Mike se révèle en réalité être une "bonne" version de Walter White, acceptant de se salir les mains dans l'espoir de réellement mettre les siens à l'abri. Une révélation d'autant plus déchirante que nous savons que Mike mourra en ne laissant rien à ses proches. Tel Mike préservant la moindre goutte d'eau, connaissant la valeur de chaque gorgée, la série fait feu de tout bois pour prouver son talent et son intelligence. Plus que 2 épisodes...