Il y a une chose qui frappe immédiatement au premier coup d'œil : mais bordel qu'est-ce que c'est beau ! Depuis huit ans, la réalisation n'a cessé de prendre de l'ampleur. On navigue désormais en plans larges ultra travaillés entre le clair-obscur et le fauvisme. Il suffit de voir comment une lumière jaunâtre typiquement Breaking Badienne vient frapper le visage de Mike dans son appartement bleuté à l'instant même où il ouvre la porte pour sortir. Et tout l'épisode est comme ça, construit au millimètre.
Call a lawyer !
Même le noir et blanc est sublime. Pourtant, c'est une des façons de filmer la plus compliquée à maîtriser. Après avoir été bloqué dans le local poubelle la saison dernière, l'ami Gene est de nouveau confronté, cette fois bien plus directement, à la justice. Bob Odenkirk déroule en un plan une partition des plus stupéfiantes. Tout passe par le mouvement des yeux, en oscillant entre deux choix : être une balance pour ne pas avoir d'ennuis avec la police, ou se taire et prendre le risque que les agents de sécurité découvrent par la suite sur caméra le mensonge. Pour le fugitif, les deux solutions sont des impasses qu'il ne doit pas prendre. Finalement, Sleeping Jimmy choisit la pire des réponses en faisant revenir Saul Goodman sur le devant de la scène. On ne peut trahir longtemps sa vraie nature.
Forcément, l'évanouissement de Gene en fin de séquence entraîne plein de questions : le stress ? Une maladie ? Une tentative d'échapper à la police ? Que va-t-il se passer lorsque l'hôpital va voir besoin de ses papiers d'identité ? Hors système absolu, Jimmy ne peut bénéficier d'aucune aide, ni soutien. Je continue de croire que ces scènes du présent préparent une plus longue scène (peut-être un épisode entier) en fin de série. Cela pourrait faire une très bonne introduction à un second spin-off (sur Jesse par exemple).
Don't call the judge !
Dans ma critique de l'épisode précédent, j'avais émis l'idée que Chuck aille voir Hamilton, puis la justice. Sur ce dernier point, j'avais tort et c'est très bien expliqué par Chuck lui-même. Comme Mike, l'avocat préfère jouer le long terme, là où les humains normaux se seraient jetés sur la première opportunité venue : détruire le tracker / attaquer Jimmy devant le juge.
Dans cet épisode, Mike est au sommet du Mike-isme. Par un plan long et fastidieux (voir plus bas), il parvient à faire d'une faiblesse, un avantage décisif sur son ennemi... Qui est probablement Gus. L'anagramme de l'an dernier (Fringe's back) ne laisse plus de doute sur l'apparition très prochaine du roi poulet. Les showrunners savent parfaitement que l'on sait. Et nous savons qu'ils savent. Et ils savent que nous savons. Mais, peu importe. L'important est de constater l'énorme travail que doit fournir Mike pour parvenir jusqu'à l'homme aux costumes cintrés. Ce ne sera certainement pas le Gus robotique de Breaking Bad, ni celui jeune et faible du flashback de la série-mère. Un Gus mid-term probablement tout aussi méfiant (voire plus !) que celui dont on avait l'habitude.
Comme les deux années précédentes, le plongeon dans l'univers de Saul ne s'est pas fait sans mal. Cependant, après quelques brasses, on devrait se réhabituer facilement au courant et avoir bien du mal à en sortir en fin de saison.
J'ai aimé :
- L'utilisation de la couleur et du grand angle qui transcendent un épisode un peu mollasson.
- Le jeu de Bob Odenkirk, encore une fois majestueux en Gene.
- Le retour du Captain Bauer (le frère de Jack probablement), figure d'autorité morale quasiment issue du subconscient de Jimmy, qu’on devrait revoir avant la fin de la saison / série.
- L’extrême méticulosité du montage de la séquence "Mike VS un tracker" qui rend l’ensemble, pourtant assommant de prime abord, assez agréable à regarder.
- Comme toujours avec la série, un plan parfait ne peut se concevoir sans une surprise de dernière minute. Pour ce qui est de Chuck, c'est le bon Ernesto qui vient remplir ce rôle.
Je n'ai pas aimé :
- C'était lent quand même. Sacrément lent.
- Ma mémoire qui m'a joué des tours et qui a fait que j'avais notamment oublié le fait que Kim savait que Jimmy avait trafiqué les contrats Mesa Verde.
Bonus :
"Mais au fait, c’était quoi toute cette histoire de tracker ?" La lectrice ou le lecteur que tu es mérite ici quelques éclaircissements. En huit étapes et en numérotation, s’il vous plaît :
- Mike trouve le tracker 1 dans le bouchon de réservoir d’essence de sa voiture.
- Mike trouve le tracker 2 dans le bouchon de réservoir d’essence de son autre voiture. Il retire ce tracker et note le modèle sur un papier. Il remet ce tracker 2 à sa place et va à son travail avec celui-ci pour ne pas éveiller les soupçons.
- Mike retire juste ce tracker 2 et le laisse sur le parking de son travail. Ainsi, il peut aller acheter un appareil électronique de détection et un tracker 3 en pleine nuit et en toute tranquillité.
- Mike s’aperçoit que lorsqu’il retire la batterie du tracker 3, l’appareil électronique qui lui est relié le signale.
- Mike remplace le tracker 2 par le tracker 3 et vide la batterie du tracker 2 à l’aide d’un poste de radio. Il se débarrasse ensuite à la poubelle de ce tracker 2.
- Mike se poste à la fenêtre pour attendre qu’un mystérieux type viennent remplacer le tracker 3.
- L’homme mystérieux remplace ce qu’il croit être le tracker 2 (en réalité le tracker 3) par un tracker 4 et s’en va.
- Mike sort de chez lui, se débarrasse du tracker 4 et prend en poursuite l’homme à l’aide de son appareil qui détecte le tracker 3.
Plan a priori parfait sauf… Sauf une chose. Que se passera-t-il lorsque Gus ou un de ses hommes se rendront compte que ce qu’ils pensent être le tracker 2 n’est en réalité pas du tout déchargé ? Vous avez deux heures.
Le Coin du Fan :
Pas de gros caméo de malade pour l’instant (alors que lui dans la décharge, il aurait très bien pu nous faire coucou), mais trois petits instants clin d’œil pour les mike-méticuleux :
- Au tout début de l'épisode, Gene prend sa "lunchbox" estampillée de l'équipe de Kansas City : "Les Royals". Or, nous avons vu, lors de la saison précédente, Kim porter à plusieurs reprises un tee-shirt de cette équipe :
- À un moment donné, Saul raccompagne une vieille dame à la porte. Celle-ci lui parle de ses fleurs et notamment de "lilas de la vallée", soit la fleur qu'aperçoit Walter juste après s'être débarrassé de Gus (tiens, tiens) et qu'il utilise plus tard comme cachette du poison de Brock (épisode 13, saison 4) :
- Comme beaucoup de personnes âgées, Mike aime bien les mots-croisés. En mettant en pause l’image, on peut apercevoir quelques mots intéressants sur le journal du vieil homme. Comme ceci :
Vous pouvez jouer aussi et trouver : Danger. Attorney. Heat. Malice. DEA... (Bon, il y a aussi plein d'autres mots inutiles.)
À noter que cette grille de mots-croisés date non pas de 2003 (moment où est censé se dérouler le show), mais de 2016. Décidemment, Vince Gilligan et Paul Gould sont de bons gros incapables !!
À la semaine prochaine, où Mike pourrait bien apprendre la bonne cuisson du poulet frit ! Miam !