Better Call Saul, la série préquelle et spin-off de Breaking Bad, est de retour pour une quatrième saison. Allons-nous assister à la naissance définitive de Saul Goodman ? Walter White viendra-t-il faire un petit coucou ? Le monde se rendra-t-il compte que cette série est intrinsèquement supérieure à sa grande sœur ? Attention, aucune des réponses n'est dans la critique qui suit.
Le jour d'après
Ce premiere s'ouvre sur la vie post-Breaking Bad, dans ce noir et blanc si caractéristique. Saul Goodman, anciennement Jimmy McGill et devenu Gene Takavic, modeste employé d'une pâtisserie après avoir fui les événements finaux de Breaking Bad, vient d'avoir un malaise. On le retrouve, à terre, entouré de pompiers et tout de suite, on tremble pour lui. La tension ne cesse alors de monter au fur et à mesure des examens médicaux et de la proximité du corps administratif qui le soigne et qui risque à tout moment de dévoiler la supercherie de cette fausse identité, avant qu'un chauffeur de taxi chelou ne fasse encore plus augmenter la paranoïa.
Avec cette séquence introductive, j'ai replongé directement dans ce que j'aime le plus dans la série : cette beauté tranquille, ce sens des détails, ce léger décalage (la musique rétro), etc. Même si c'est assez cliché ("Hi, hi, j'ai mis des O à la place des zéros" ou "Monsieur, vous avez oublié votre carte d'identité"), la scène est efficace et permet de nous replonger instantanément dans la série. L'épisode nous amène ensuite quelques années plus tôt, avec des cendres (imaginaires) qui volent et qui atteignent un Jimmy en train de dormir. Une manière très belle de nous faire comprendre que la mort de Chuck va avoir des retombées (probablement dramatiques) sur son frère, et par la même occasion de lancer cette saison 4.
Donc oui, Charles McGill est mort, c'est officiel, cette pourriture n'embêtera plus son petit frère et ce premier épisode est un aftermath de cet événement. Nous suivons un Jimmy sous le choc, essayant de comprendre ce qui a pu bien se passer. L'épisode fait aussi un détour rapide auprès d'Ignacio qui, lui, vient de porter un coup quasi fatal à son chef, l'horrible Hector Salamanca. Enfin, le tour d'horizon se termine avec l'habituel subplot sur Mike... Hélas pour nous.
Car j'adore le personnage, mais les aventures qu'on lui propose depuis un bon moment ne sont pas très palpitantes ; leur seul intérêt est de comprendre après coup ce qu'il avait derrière la tête. Et une nouvelle fois, sa mission d'infiltration de la société qui l'emploie, c'est sympa, il doit bien y avoir une raison (exister au moins une fois pour les employés de Madrigal et justifier son emploi fictif en cas de problèmes avec la police ?), mais cela continue de me donner l'impression que les scénaristes se butent à maintenir en vie un personnage dans une série qui n'a plus (pour l'instant) besoin de lui.
À l'ombre d'un géant
Mais cet épisode de reprise, finalement assez calme et sans éclat particulier, n'a-t-il pas pour but d'annoncer l'arrivée imminente de Walter White dans le show ? On est en droit de se poser la question, car s'il n’apparaît pas ou n'est jamais évoqué, rarement son ombre n'a autant imprégné Better Call Saul.
Car on peut voir beaucoup de références à lui, à commencer par le malaise de Jimmy/Saul/Gene qui renvoie inévitablement au pilote de Breaking Bad, cet évanouissement qui avait révélé un cancer du poumon, point de départ des aventures de Heisenberg.
Plus tard, lorsque Jimmy et Kim discutent sur un banc devant les restes carbonisés de la maison de Chuck, derrière eux s'échinent des pompiers, tout de jaune vêtus, de cette couleur qui fera partie de la combinaison de chimiste du mal de Walter White. Il pourrait s'agir d'une coïncidence, mais on sait qu'avec Vince Gilligan, rien n'est jamais vraiment laissé au hasard... Il y a aussi le sifflement joyeux de Jimmy à la toute fin, renvoyant à celui de Walter dans l'épisode 6 de la saison 5, quelques heures après que Todd ait tué un gamin, comportement significatif de l’égoïsme du personnage et qui avait choqué Jesse et provoqué la rupture définitive avec son ancien acolyte.
Et enfin, lorsqu'apparaît Barry, l'homme à qui Mike vole le pass, n'avez-vous pas vu comme un air de ressemblance ? Cette silhouette chauve d'Américain moyen, n'avez-vous pas eu un moment de flottement, un doute sur l'identité de cette personne au fur et à mesure où l'objectif se rapprochait de lui ? Moi, si.
Je ne sais pas si Walter White interviendra cette saison (ou plus vraisemblablement celle d'après), mais en tout cas la jonction de Better Call Saul avec les aventures tragiques d'Albuquerque est imminente, tant la Breakingbadérisation de la série s'accélère.
La métamorphose
Un moment donné, Jimmy McGill deviendra Saul Goodman et c'est tout le sel de cette série. Car si Breaking Bad suivait peu ou prou la même évolution, il y a une énorme différence selon moi : Walter White n'a jamais été un personnage positif, même au tout début. Pleutre, menteur, frustré, égoïste, il est un petit homme qui se brûlera les ailes à jouer au Grand Méchant. Tandis que Jimmy, même s'il a toujours été magouilleur et un peu escroc, est un homme sensible et bon, ayant la volonté d'être avocat pour aider son prochain. Savoir qu’il va devenir Saul Goodman, cet avocat cynique, sans foi, au portefeuille à la place du cœur, est la vraie tragédie de la série.
Mais on ne se sait toujours pas quel événement provoquera la mue définitive. On peut deviner que ce sera lié au départ de Kim, ou du moins que cela la provoquera. Il y a d'ailleurs un plan très beau, très symbolique, qui rappelle ce destin inéluctable dans cet épisode : le moment où, après qu'ils aient appris la mort de Chuck, les deux sont sur le canapé : Jimmy mutique semble sourd aux appels de Kim dans un premier temps, avant de finalement la rejoindre. Mais même s'ils sont proches, il reste immobile, perdu dans ses pensées, tandis que Kim disparaît progressivement du plan, le laissant seul. Une scène très prophétique, selon moi.
Avec ce fameux moment qui provoquera le revirement sans retour, Vince Gilligan et son équipe se plaisent à jouer avec les téléspectateurs et à leur tendre des pièges. Ainsi, on nous a fait croire que l'arnaque de Jimmy envers Chuck pour donner à Kim le dossier Mesa Verde scellerait la fin du couple. Non, ce ne fut pas ça. Après, j'ai cru que Kim ne pourrait pas accepter que Jimmy manipule de vieilles dames pour arriver à ses fins. Perdu. Il était alors clair que la culpabilité dans la mort de son frère allait faire basculer Jimmy dans le côté obscure de la Force. Les trente dernières secondes (géniales et inattendues) prouvent que non, au contraire, car c'est avec une joie qu'il a du mal à dissimuler que Jimmy apprend être à l'origine de la mort de son frère.
Donc, encore une fausse piste. Ou alors peut-être que Saul Goodman est déjà là, que la transformation a déjà eu lieu, sans qu'on n'y ait vraiment fait attention...
Un premiere tranquille, qui reprend le cours là où la saison 3 s'était arrêtée. D'apparence, il ne se passe pas énormément de choses en surface, mais comme toujours dans Better Call Saul, c'est en profondeur (et sur du long terme) qu'on voit où les auteurs ont planté leurs graines. En tout cas, tout but d'une reprise est de nous redonner envie de reprendre l'aventure. Mission accomplie.
J'ai aimé :
- RETROUVER LA SÉRIE. Bordel, ça fait du bien.
- Avoir douté quelques secondes lorsqu'on voyait Barry de loin.
- Le sifflement final qui donne une teinte inattendue à l’épisode et à la couleur de la saison à venir.
Je n'ai pas aimé :
- Les aventures de Mike, une nouvelle fois un peu superflues.
- Better Call Saul confirme qu'elle ne s'adresse une nouvelle fois qu'aux fans de Breaking Bad. Ceux qui ne l'ont jamais regardée ne verront qu'un intérêt très limité.
Ma note : 14/20
Le Coin du Fan
- La petite chanson qui suit Gene durant son malaise est tout mignone. Mais elle n'est pas si innocente que ça, si on en juge les paroles :
We three - we're all alone
Living in a memory
My echo, my shadow, and me
We three - we're not a crowd
We're not even company
My echo, my shadow, and me
What good is the moonlight
The silvery moonlight that shines above?
I walk with my shadow
I talk with my echo
But where is the one I love?
We three - we'll wait for you
Even till eternity
My echo, my shadow, and me
- Lorsqu'au début de l'épisode, Jimmy entoure des annonces sur le journal, il passe à côté d'une future connaissance (malheureuse) : Ted Beneke, le futur employeur-arnaqueur et amant de Skyler White.
- Le petit verre de réconfort que propose Kim à Jimmy vient d'une bouteille qu'on avait déjà vue auparavant (cf. Coins du Fan de la critique de Fall et de la critique de Switch).
Dans cet épisode
Dans la saison 3, lorsque Jimmy veut fêter la victoire dans l'affaire Sandpiper
Mais aussi dans la saison 4 de Breaking Bad : il s'agit ici d'un présent offert par Gus aux membres du Cartel (auf que ce coup-ci, la liqueur est... empoisonnée)