" Professor, I'm not a little girl. "

Enfin ! Enfin, un truc à se mettre sous la dent. Ace qui s'emACE-ipe (ce jeu de mot ne fonctionne pas). Ace est vraiment le centre de cette histoire dont on commence à percevoir la métaphore sur la guerre froide derrière ce zapping incessant de scènes. Tous les moments de "vraie croyance vraie" sont chouettes et le discours de Seven (qui a l'air absent la moitié du temps) est super réussi.

Mais quelle tannée quand même. Quelle tannée...

Il y a toujours objectivement de très bonnes choses, mais aussi des choses moins bonnes qui ne semblent gêner personne à part moi, quelques choses qui font que l'épisode arrive pas à gratter tout à fait le stade du superbe ! C'est très bien hein, mais à deux doigts de l'excellence.

Par exemple, le fait que les monstres de l'épisode, les Haemovores, se révèlent être des vampires qui sont le futur de l’humanité, c’est un peu kitch comme idée, et surtout ça tranche avec le caractère mythologique et nordique de l’histoire. Le caractère éclectique d’un lore me plaît souvent beaucoup, mais là j’ai un peu l’impression qu’on prend une mythologie jamais abordée par la série à ma connaissance, et qu’on ne traite pas le sujet, en l’entourant de fioritures (la guerre, la machine Ultima, maintenant les vampires…). C’est un peu un non-traitement je trouve et si l'ultime partie ne gère pas bien cette assortiment de lore, ça risque de pénaliser l'ensemble du serial (finalement après avoir vu la dernière partie : c'était au niveau !)

Franchement j’adore le thème nordique et entre ça, le MCU ou même des jeux comme Bayonetta, je n’ai jamais vu cette mythologie exploitée correctement en fiction, c’est dingue...

C’est toujours très bien filmé cela dit, ce qui aide vachement l’épisode à être mémorable. L’ambiance grise est séduisante. La musique est sympa. Et même si l’idée des vampires perturbe le serial, en nommant ce qui n’avait pas besoin de l’être, les idées autour de la foi sont super : le militaire russe qui utilise sa foi en le communisme pour repousser les monstres, c’est assez génial (et bonjour aux gens qui ne trouvaient pas Doctor Who politique avant), tandis que la foi du Vicaire qui marche dans un premier temps avant de se retourner contre lui car il n’a pas foi en sa propre foi, c’est aussi sacrément cool.

Ace se fait pas mal menacer et malmener au début de l’épisode, ses scènes d’actions sont aussi beaucoup moins dynamiques qu’à l’accoutumée. Quand on te fait un grand suspens sur sa descente en échelle pour qu’elle finisse entre les mains de zombies, c’est médiocre au mieux. Quand on pense qu’elle avait buté des Daleks avec une batte de baseball, c’est quand même pas une amélioration. Bon, elle finit quand même par péter des trucs en disant “Wicked” et en rabaissant les hommes autour d’elle, donc je lui pardonne.

Globalement pendant 10-15 minutes au début, cela reste quasiment du filler action, ça m’a fait très peur. Tout est gentiment inutile et très mal monté comme toujours. J’ai compris depuis qu’il y a eu 3 versions de l’épisode : la diffusion originale, une version montée sans cliffhanger en continu avec encore des scènes coupées remises, et une ultime version DVD qui en rajoute encore. Je crois que je regarde celle avec quelques scènes coupées rajoutées, mais pas toutes.

C’est une boucherie, avec encore certains personnages qui se font couper en pleine conversation. Quel intérêt de donner une personnalité aux militaires à ce stade ? Leur sacrifice n’a rien vraiment d’émouvant. Et les personnages se téléportent d’une scène à l’autre, c’est vraiment agaçant. Que font les disciples de Fenric au bout du tunnel attendant le Docteur et Ace ? Dans la scène suivante ils sont de nouveau séparés, puis de nouveau réunis la scène d’après.

Cela a été le défaut constant du serial à mes yeux, même s'il y a tout de même une ou deux choses qui rendent l’épisode vachement bien malgré tout. Même si je les ai déjà mentionnées en tant que défaut, car tout n’est pas parfait, ce sont clairement de supers idées : Ace, et la tournure mythologique autour du Docteur.

Ace tout d’abord. Même si le faire après des séquences assez pourries où elle se fait prendre par des zombies est un timing discutable qui diminue l’impact de la suite, elle reste quand même clairement la force du serial. Il n’y a presque qu’elle qui a des réactions normales et qui permet au spectateur de se recentrer sur l’histoire. Le passage où elle dit au Docteur qu’elle va s’occuper de divertir le soldat, et elle finit par avoir une sorte de dialogue mi-philosophie mi-drague avec lui, montre vraiment qu’elle a pris de l’aile.

ACE: We can release Captain Sorin to help us. I can distract the guard.
DOCTOR: How?
ACE: Professor, I'm not a little girl.

Ça feel vraiment moderne pour le coup. Et également, j’adore le fait qu’elle confronte enfin le Docteur sur le fait qu’il ne lui raconte jamais rien et qu’il croit qu’elle n’est pas au niveau. Ça offre un vrai payoff sur ce que toute leur relation a build-up jusque là, à savoir une complicité palpable mais aussi une relation professorale qui n’évolue pas assez pour Ace, et qui finit ici par entrer en friction avec la tendance de Seven à tout contrôler sans rien partager.

ACE: You know what's going on, don't you?
DOCTOR: Yes.
ACE: You always know. You just can't be bothered to tell anyone. It's like it's some kind of game, and only you know the rules. 

Le Docteur n'est pas en reste, avec un passage absolument génial et très subtil où pendant qu'il se fait submerger par les monstres, il se recentre comme tout le monde sur sa foi, et quelle est-elle ? On le voit réciter en fait ses compagnons d'aventure depuis le début de la série. C'est une idée assez géniale (très God Complex-esque), subtilement mise en scène (on ne fait que deviner le nom de certains compagnons sur ses lèvres, notamment Susan qui ouvre le bal) et qui en révèle beaucoup sur le Docteur en peu de mots.

Le speech du Docteur qui s'ensuit sur la naissance de l’ordre et du chaos, du bien et du mal, de Fenric comme nom donné à cette intelligence maléfique, est bien écrit, mais ultimement sonne comme Ace le dit : ultra cryptique et pas plus éclairant que ça. Tout ça n’est qu’une allégorie du combat contre le mal ?... Why not, mais bordel, sois plus clair, Docteur ! L'intrigue est bien menée et il faut juste espérer que tout prenne son sens dans l'ultime partie.

Mais à ce sujet, le cliffhanger est vraiment génial et donne confiance en la fin, avec Fenric qui prend la parole pour la première fois en s’adressant immédiatement au Docteur et en voulant jouer à son jeu. Je le dis sans cesse, mais faire des ennemis qui connaissent le Docteur apporte toujours son petit effet, et avoir ici une sorte de personnification du mal que le Seigneur du Temps aurait déjà combattu par le passé, est un bel effet époustouflant pour relancer la menace qui commençait à s’effriter suite aux révélations sur la simplicité des monstres.

Tout cela reste un peu abstrait et il y a encore des tas de choses à expliquer (les jeux d’échecs retirés ?), mais cette troisième partie finit beaucoup mieux qu’elle n’a démarré et le serial a globalement eu une trajectoire d’amélioration, même si, de façon un peu contradictoire, il a un peu lâché des idées tout au long de son trajet jusqu’à changer de nature. Tant que la fin réussit son atterrissage, ça aura sans doute valu le coup. En tout cas, c'est un épisode au pire très atypique et original, qui jongle entre des tas de mythologie, et malgré ses dialogues un peu mécaniques, c'est vraiment bourré d'idées.

L'épisode gère vraiment bien le sentiment d'urgence, avec cette invasion inéluctable qui réserve quelques effets réussis (les mains à travers les portes et fenêtres qui reprennent l'imagerie des zombies en vogue dans les années 80) et un vrai désespoir chez les protagonistes, tiraillés entre la complexité de leurs conflits et l'émergence d'un danger qui les dépasse tous. 

Mais l'épisode surprend surtout pour sa tonalité très adulte avec une Ace, qui a démarré comme un jeune adolescente en quête d'aventures, qui se reconnaît ici en tant qu'adulte et semble de moins en moins apprécier le comportement paternaliste du Docteur. The Curse of Fenric, finalement, semble être une histoire de transition : des peuples belliqueux qui prennent conscience que le combat devra bientôt céder le pas à autre chose, une jeune fille qui s'interroge sur le sens qu'elle veut donner à sa vie, une série qui gagne en maturité et en profondeur (on est bien loin de Time of the Rani) et une mythologie qui semble s'épaissir au vu des derniers mots de l'épisode...