Je n'aimerais pas jouer le rabat-joie. Cependant, j'ai l'impression d'être la seule personne ici à trouver cet épisode faiblard. Je rappelle que jusque ici j'ai savouré chaque heure passée dans le monde despéré et glacial de Fargo. En effet, le précédent épisode, "The Six Ungraspables", m'a fait bon effet : le rythme, la tension qui s'installe petit à petit et la détermination de son personnage féminin. Précisons également que je ne suis pas un très grand fan de Lorne Malvo et de l'intrigue secondaire concernant cet homme d'affaires en plein doute religieux. Enfin, bon, déjà que j'ai du mal à comprendre les véritables intentions de Lorne. Celui-ci était censé au départ arrêter le chantage ; et, puis, passons sur son délire mystique et ses références cryptiques (à mes yeux).
Tout ça pour dire que ce qui m'intéresse dans Fargo (et plus généralement dans n'importe quelle série télé), c'est la psychologie des personnages. Le jeu du chat et de la souris résultant de leur dissonance et les différentes stratégies qu'ils mettent en place pour atteindre leur objectif. De même, le côté humain, l'adversité, le conflit, les relations d'autorité et de manipulation. Pour résumer, la dramaturgie. À la limite, je m’endors si les scènes d'action ou de fusillade aussi géniales soient-elles ne sont pas la concrétisation (jouissive) de la tension car attendue et justifiée par des enjeux clairement posés.
Donc, à mes yeux, la dramaturgie est synonyme de jeux d'échecs, un art de la guerre, une polémologie. Qui veut en savoir plus à ma vision de la télévision peut lire ce dossier rédigé par mes soins (http://serieall.fr/article/les-meilleures-series-tv-americaines-decryptees-ou-lavenement-de-la-fiction-intelligente_a3129.html).
Revenons à cet épisode. En le finissant, ma première impression était que Noah Hawley a brûlé les étapes. En voulant nous surprendre coûte que coûte, aussi visuellement (les poissons, mon Dieu) et narrativement (tout le monde se rencontre et se tire dessus), le créateur en fait trop, beaucoup trop et rate sa cible. C'est toute la construction ou la structure de l'épisode qui est à revoir. Je suis désolé, mais s'il désirait retranscrire toute la folie ou le côté imprévisible de la vie que nous pouvons voir dans le film Fargo des Cohen (non, je ne suis pas le plus grand fan), il aurait pu au moins travailler sur la relation cause-conséquence.
Si vous voulez obtenir un épisode d'une intensité égale à "Ozymandias" (Breaking Bad) ou "Stasis" (Boss), vous ne pouvez vous contenter du hasard pour justifier les situations visibles à l'écran. Quelques exemples : comment les deux tueurs à gages ont-ils pu localiser Malvo qui conduisait une nouvelle voiture, après avoir touché au véhicule de Lester et celui des Phoenix Farms ? Sans oublier que les deux inséparables au volant de deux voitures séparées pouvaient difficilement se coordonner, étant donné que l'un d'eux est muet. Je n'entrerais pas dans les détails. Vous pouvez facilement trouver d'autres incohérences. Une dernière pour le fun : comment peut-on laisser seul un patient à l’hôpital et le récupérer des heures plus tard sans confirmation qu'il a passé sa radiographie ? Et, Lester qui vole une voiture, pénètre grâce à une clé magique dans la maison de son frère et revient au moment opportun.
Ma suspension consentie de l'incrédulité a été donc mise à rude épreuve d'autant plus que les précédents épisodes m'avaient habitué à une plus grande rigueur de la part des auteurs (enfin, de l'auteur, Noah s'occupant de tous les scripts). Je sens que je suis beaucoup trop rude, mais les erreurs sont grossières. Dans ce genre de séries (dramatiques), lorsque l'histoire perd en "organique", c'est-à-dire lorsqu'elle écarte l'évolution des personnages dans son équation, plus rien ne fonctionne (Breaking Bad en a fait les frais une unique fois à la fin de la saison 2 : SPOILERS l'explosion de l'avion SPOILERS).
Je veux dire, lorsque Lorne prépare son plan pour tuer le coach bronzé, on sent que la situation est là juste pour les impératifs de l'intrigue (nous en mettre plein la vue) et non pas parce qu'elle s'impose au personnage. Après tout, il aurait pu le tuer plus discrètement. Je n'ai pas de recul, donc je ne peux pas savoir si ce plan a une finalité bien précise dans la suite des événements. Sinon, c'est bien aussi de tirer à l'aveugle (je m'adresse autant au policier qu'aux tueurs professionnels !) ou de rencontrer par hasard dans la route son fils tué (la prophétie a-t-elle été réalisée ?).
Il manque cette "inévitabilité", mot que chérit Vince Gilligan, le papa de Walter White, pour accéder au niveau supérieur et nous mettre Ze claque. Les actions et l'évolution des personnages construisent, dictent l'action et non l'inverse. Jusque là, seuls Lester et les policiers respectaient ce schéma de réaction-action.
Je m'attendais ainsi qu'à l'image d'un Breaking Bad (j'exagère) ou d'une tragédie shakesperienne, les protagonistes nous soient présentés dans des situation de blocage, de double contraintes, qu'ils soient mis en mouvement sous la pression d'autres personnages qui s'apprêtent à les "manger". Cette problématique du manger/être mangé étaient présentes dès les tous premiers épisodes de Breaking Bad : par exemple, SPOILERS lorsque Walter acculé, étrangle Crazy 8 parce qu'il a découvert que celui-ci avait l'intention de le tuer SPOILERS. Je voyais plus un combat des esprits (plus particulièrement entre Lester et Molly, parallèlement entre Gus et Malvo).
Pour finir, j'aimerais aussi ajouter que la réalisation et l'habillage sonore n'aident pas beaucoup. Le choix de la musique du générique de fin me laisse perplexe, tout comme la bande-son globale. Son utilisation est trop classique, prévisible et mal équilibrée pour nous donner des frissons. Le chant religieux me semble trop académique ; en outre, la retouche du brouillard et la pluie de poissons en post-traitement ne méritent pas de commentaires.
Rien que l'idée que l'idée que Molly soit morte me fait peur, l'actrice est pour moi une révélation, cela serait une facilité de ne pas la laisser s'affronter à Lester. Désolé pour le pavé, mais c'était plus fort que moi !
Du grand art ! Quand la série zappe les délires religieux de Stavros (le roi de la grande distribution) pour se recentrer sur ses meilleurs éléments (Lester, Malvo, Molly et encore Molly), la qualité monte en flèche. Finalement, le précédent épisode a permis de redistribuer d’une belle manière les cartes. L’évolution des personnages renvoie à la problématique première de l’œuvre : « What if you’re right and they’re wrong. » (http://imgur.com/bD1ZLVt)
Rien de plus puissant et évocateur comme leitmotiv. Celui-ci irrigue toutes les situations : d’abord, Lester tente de sauver sa peau allant jusqu’à coller ses méfaits sur le dos des autres, bref, le loser se redécouvre (physiquement, sic) ; Chaz, le frère de Lester, accusé pour un crime qu’il n’a pas commis ; le fils de Chaz, autiste, urine dans des bocaux sans comprendre l'étendue des problèmes ; Malvo en parfait solitaire (increvable) fait (toujours) dicter sa propre loi ; Wrench perd son partenaire.
N’oublions pas Molly, la belle, la championne, la véritable héroïne de ce récit. Depuis le début de l’aventure, mise sur le carreau, elle poursuit sa quête de la vérité, cherche à faire entendre sa voix... Pourtant, toute la police du comté est dans le panneau, l’illusion totale. Le spectateur est libre de ressentir la frustration qui bouillonne en elle, de s’indigner de l’injustice ou de prendre parti pour les méchants voire de rester impassible.
Donc, du drame, du vrai, est au programme. L’ensemble est renforcé par une réalisation de haute facture. Scott Winant conjugue inventivité, suggestion et économie sans casser la tirelire déjà cassée pour le sixième épisode. Les transitions, les plans rapprochés sur les visages, le règlement de comptes. On comprend mieux le choix du monsieur pour filmer le combat mental plus que physique des intervenants quand on lit son portfolio (« Crawl Space », Breaking Bad !). L’humour noir est aussi de la partie : la confession ridicule ou glaçante de Lester. Au choix !
J’attends avec impatience la suite pour voir la riposte des uns et des autres, l’individu contre la masse.
Ce dernier épisode atteint des sommets innespérés, dépassant par la même occasion l'ovationnée True Detective dont la conclusion ne brillait pas de cet éclair de génie qui fait LA différence. Dans notre cas, Noah Hawley nous offre un final très satisfaisant, solide qui ne manque pas de tension et de surprises. La boucle est bouclée, mais tout en faisant étroitement écho au début.
Ainsi, on se rend compte de la transformation de Lester qui connaît une mort burlesque et brutale fidèle au personnage et au film des Cohen ; Gus nous apparaît également sous un nouveau jour et vole contre toute attente la médaille à Molly ; de même, Malvo qui transpire l'invulnérabilité montre pour la première fois ses premiers signes de faiblesse. Et puis, les scénaristes collent les dernières pièces du puzzle : les enregistrements téléphoniques, le vendeur d'autos vu dans le premier épisode, la concrétisation de l'enquête menée en amont par Molly.
D'ailleurs, la fin nous laisse le même sentiment que celui du film : les personnages ont vécu une longue et effroyable journée, mais ils savent qu'ils vont se réveiller le lendemain matin et revenir à leur routine. Donc, il y a tout ce côté doux-amer parce qu'on en a pas fini avec l'inhumanité et la violence gratuite dans notre monde. La vie continue... Seul bémol, la musique quoique présentant de belles orchestrations peinent à amplifier les moments de tension comme le faisaient les morceaux de Dave Porter ou de Daniel Licht.
En tout cas, la saison 1 de Fargo nous a prouvé qu'allier humour noir et suspens n'était pas une si mauvaise idée que ça. La série a son propre ton, des moments un peu surprenants, mais n'oublie pas pour autant de rester organique. Comme je l'avais prédis plus ou moins, l'actrice qui joue Molly est la révélation de la saison même si le reste de la distribution n'a pas de quoi rougir.
Meilleure série de 2014 pour moi ! Comme quoi FX peut tacler HBO !
Pour moi, Mr. Robot est une très bonne série, mais rate de peu le statut de chef-d'oeuvre.
En effet, cet épisode met en exergue l'aspect qui me rebutait le plus : la dimension métaphysiques (la schizophrénie d'Elliot...) que j'ai trouvé assez répétitive (le pire étant son désaccord constant avec son alter ego en saison 2).
Mais, plus que tout, je ne pardonne pas à Sam Esmail d'avoir empilé les mystères sans les résoudre (2 saisons pour expliquer la disparition de William Tyrrell, la machine à voyager dans le temps jamais vraiment expliquée...). J'ai préféré de loin l'aspect "thriller d'espionnage" ; toutes les infiltrations (surtout avec Angela) étaient incroyablement tendues. Pour cette raison précise, je n'ai pas aimé les derniers épisodes qui, pour moi, ont complètement perdu de vue le matériel originel (de l'anticapitalisme à la maltraitance infantile) et l'histoire principale (Elliot contre Whiterose dont la mort a été précipitée).
Une bonne série donc dans l'ensemble mais avec plusieurs défauts (deus ex machina...). Cependant, elle restera dans les annales pour sa réalisation ingénieuse et ses prises de risque.