Critique : Doctor Who (2005) 12.3

Le 14 janvier 2020 à 06:58  |  ~ 12 minutes de lecture
Doctor Who X La Planète des Singes.
Par Gizmo

Critique : Doctor Who (2005) 12.3

~ 12 minutes de lecture
Doctor Who X La Planète des Singes.
Par Gizmo

 

Après ma critique de The Tsuranga Conundrum, j’avais décidé de prendre des distances avec Doctor Who en attendant que les beaux jours reviennent. Bien que n’ayant pas été particulièrement chamboulé par le double opener de cette saison 12, je reconnais que Chris Chibnall – bien qu’il jure n'avoir lu aucune critique et ne rien changer à ses méthodes – avait appris de ses erreurs en parvenant à corriger beaucoup de défauts de la saison 11. Un vague espoir m’habitait alors, et sur un coup de tête j’acceptai de critiquer le troisième épisode de cette saison. Here we go again…

 

DW 12.03 Orphan 55

 

Doctor Who under siege

 

Doctor Who en est à sa cinquante-septième année d’existence. Quinzième année pour la nouvelle série. L’épisode base under siege, qui voit nos héros acculés dans un lieu isolé par des monstres sans pitié qui liquident un à un chaque membre du casting, est un classique. Pire, c’est un marronnier, comme le retour de la galette des rois pour Jean-Pierre Pernaut.

Le problème avec ce genre d’épisode, c’est qu’il n’y a souvent pas grand chose à se mettre sous la dent puisque le Docteur et ses compagnons se contentent de courir dans des couloirs en laissant le casting se sacrifier et en attendant qu'une solution miracle tombe du ciel. Il faut donc chercher ailleurs de potentielles qualités. Que ce soit dans le visuel (le très joli cadre de Smile), le choix du cadre (les pirates dans The Curse of the Black Spot), le mystère entourant les créatures (le diptyque Under The Lake/Before The Flood), le propos (Oxygen et son capitalisme mortifère) ou bien le développement de la relation entre le Docteur et ses compagnons (Mummy on the Orient-Express), il y a bien des façons d'améliorer un épisode à la structure aussi basique. Rarement considérés comme des classiques incontournables, les épisodes base under siege sont une variation autour d’un genre, un exercice de style qui laisse transparaître les qualités et défauts de la série à un moment T.

Orphan 55 parvient-il à tirer son épingle du jeu ? Depuis la saison 11, on peut reconnaître à la série la qualité de ses environnements, ici les terres arides de Tenerife déjà aperçues plusieurs fois par le passé (Skaro dans le double opener de la saison 9, ou pour The Pyramid at the End of the World en saison 10). Le design des monstres, bien qu’un peu générique, est soigné et plutôt bien mis en valeur par la photographie et la réalisation qui parvient à leur donner une aura cauchemardesque. Ces deux points sont les seules qualités que je pourrai trouver à l’épisode.

 

DW 12.03 Orphan55 ML et son mec

 

Orphan Zéro Pointé

 

On sait depuis le temps qu’un bon méchant fait une bonne histoire. Les Dregs (franchement ?), malgré leur design efficace, n’ont aucune caractérisation. Pire, leurs capacités sont franchement confuses puisqu’on ne les voit jamais attaquer à l’écran, leurs seules actions se limitant à grogner, trotter derrières les personnages (suffisamment loin pour que le casting décide un à un d'aller se sacrifier sans raison) et frapper les murs. Leur modus operandi est d'ailleurs particulièrement obscur. Tuent-ils ou transforment-ils leurs victimes ? S'ils les tuent, pourquoi avoir gardé Benni en vie ? Ont-ils une conscience assez développée pour prendre un otage afin d'attirer les humains hors de la base ? Si tel est le cas, pourquoi se comportent-ils le reste du temps comme des monstres sans conscience ? Ce n'est jamais bon signe dans la série lorsqu'un monstre n'est qu'un mélange confus de concepts, et il est dommage que le scénario ne prenne pas davantage de temps pour développer ses créatures, pourtant essentielles à la crédibilité de l'intrigue qui nous est proposée. Mais encore aurait-il fallu pour cela avoir le temps, Orphan 55 étant trop préoccupé à jongler avec ses trop nombreux protagonistes.

Car s'il y a bien un défaut qu'on peut reprocher à Orphan 55, et qui le rapproche en cela de The Tsuranga Conundrum, c'est son nombre bien trop conséquent de personnages pour un épisode de quarante minutes. Quel était l'intérêt du duo père/fils, si ce n'est rajouter une tension inutile à la fin de l'épisode ? Comment la série peut-elle encore se permettre d'écrire des intrigues aussi indigentes que celle du couple de vieillards ? Au moins pouvait-on reconnaître à The Tsuranga Conundrum de tenter des parallèles avec les compagnons. Et quand on en vient à réhabiliter The Tsuranga Conundrum, il y a de quoi s'inquiéter...

 

DW 1203 Orphan55 gosse fan de JUL

 

La palme de l'intrigue la plus ridicule revient bien évidemment à Bella, bien plus convaincante sur un clip de Maître Gims que sur l'entièreté de cet épisode. Il faudrait donc accepter qu'en l'espace de quelques scènes, nous passons d'un love interest de Ryan à une fille rejetée en guerre contre sa mère pour finalement aboutir à une terroriste stagiaire qui a oublié où elle a caché ses bombes. C'est beaucoup. L'interprétation plus qu'hasardeuse de l'interprète n'aide pas, mais le rôle est si peu étoffé qu'il lui était sans doute difficile de proposer mieux. Tout du moins aurons-nous eu une belle séquence de suçage de pouce pour déclarer son amour, une nouvelle étape dans la quête perpétuelle du malaise que nous inflige Ryan depuis sa première apparition. Un peu déçu qu'il n'ait pas pu faire usage de son vélo pour échapper aux Dregs, mais espérons que ça ne soit que partie remise. Concernant Graham et Yaz, je suis rassuré de constater que nous retrouvons la belle dynamique dite des "pots de fleurs" si chère à la saison 11. Graham parvient toujours à se détacher par sa nonchalance et le plaisir évident qu'il prend à voyager avec la Docteur (la scène d'intro est sympa). Quant à Yaz, je crois l'avoir aperçue à un moment en arrière-plan, de dos. Un beau traitement qui prouve encore une fois que surcharger un scénario de personnages quand on a déjà quatre héros est une brillante idée.

L’épisode ne parvient pas à se rattraper sur son scénario, tout droit sorti d’un générateur de scripts Doctor Who. Dans la grande et pathétique tradition des épisodes de Chris Chibnall, un fusil de Tchekhov apparaît de manière totalement aléatoire dans le premier tiers de l'intrigue (le virus sorti du distributeur, déjà un concept en soi) et servira de manière tout aussi aléatoire à la fin de l’épisode. Je n’ai pas la foi de résumer tout ce qui ne va pas dans ce scénario, mais je retiendrai que toutes les avancées de l’intrigue sont dues à du technobabble qui piège/sauve de manière aléatoire les protagonistes en fonction des envies du scénariste.

 

DW 12.03 Orphan55

 

Maladie orpheline

 

J'ai jusqu'ici évité d'aborder le point central du scénario, et sans doute le seul qui donne un minimum de contenance à l'épisode. Orphan 55 est donc la planète Terre, abandonnée par les riches, détruite par des siècles d'abus de l'espèce humaine, désormais réduite à l'état de créatures monstrueuses. Formellement, la gestion de cette révélation est correcte. La scène dans les tunnels avec la découverte des écritures surprend et Jodie Whittaker est convaincante lors de son discours final.

Sur le fond, je suis nettement moins client du propos de l'épisode. Bien évidemment, Ed Himes a raison et le discours de la Docteur est plus que jamais d'actualité. Malheureusement, j'ai bien du mal à être convaincu par un scénario et un message aussi basique au sein d'une série qui l'a déjà maintes et maintes fois abordé avec plus de subtilité et d'intelligence. The End of The World, deuxième épisode de la nouvelle série, nous montrait déjà notre monde s'éteindre et les derniers survivants de l'espèce humaine réduits à des monstres de carnaval. Utopia nous amenait à la fin de l'univers, où les êtres humains s'étaient regroupés en tribus cannibales. On peut même revenir plus loin dans le passé, avec la deuxième histoire de la série, The Daleks, qui nous montrait les pires ennemis du Docteur comme étant le résultat d'une guerre sans fin qui avait conduit des civilisations à leur propre perte et rendu leur environnement invivable. Tous ces épisodes proposaient déjà les thèmes d'Orphan 55, mais les incorporait dans de vrais récits, avec des personnages impactants ayant des interactions avec le Docteur et ses compagnons. Le fait même que ni la Docteur ni les compagnons ne songent une seule seconde à la fin de l'épisode à revenir sauver Bella et sa mère prouve à quel point tous les personnages secondaires étaient vains et juste un prétexte pour délayer une intrigue trop faible.

 

DW 1203 Orphan55 Jodie et son pansement sur le nez

 

Le second reproche que je ferai à cette fin embrasse plus largement le spectre de la science-fiction. La révélation autour d'Orphan 55 n'est qu'une revisite fainéante d'un des plus grands twists de la science-fiction, celui de La Planète des Singes. Dans le roman de Pierre Boulle de 1963, à la suite d'un voyage spatial, le narrateur tente désespérément de s'enfuir d'une planète dirigée par les singes, pour finalement découvrir à la fin de l'histoire qu'il s'agit en réalité d'une Terre futuriste. Le twist a notamment été rendu célèbre par son adaptation en film de 1968 et sa scène finale. J'ose espérer qu'Ed Himes n'a pas volontairement référencé cette œuvre culte dans son script, mais plutôt que le twist de Pierre Boulle est désormais tellement ancré dans l'inconscient collectif de la pop culture qu'il est facile d'y avoir recours quand on écrit de la science-fiction. De même, les Dregs pourront évoquer à certains les Morlocks dans La Machine à explorer le temps d'H. G. Wells, monstres blanchâtres et cannibales descendant de l'espèce humaine, peuplant les souterrains de notre planète dans un avenir lointain. Encore une fois, je ne pense pas que la citation soit volontaire, mais ils prouvent à quel point l'épisode est fainéant et sans imagination dans ses concepts, remâchant des idées qui ont bâti le socle de la science-fiction contemporaine sans jamais leur apporter de plus-value quelconque.

Il est enfin regrettable qu'Orphan 55 incarne jusqu'au bout le filler dans sa forme la plus absolue, ne tentant même pas de rebondir sur les révélations de l'épisode précédent pour approfondir son portrait de la treizième Docteur. Pourquoi ne pas faire un parallèle entre les compagnons découvrant leur planète dévastée et la Docteur, qui a connu la même chose à l'épisode précédent ? C'est relativement simple, mais cela permettrait d'apporter un peu de vigueur à un scénario tenant sur un timbre poste. Le fait que le lien avec l'épisode précédent soit aussi maigre questionne une fois encore la gestion de la fameuse Writer's Room qu'avait promis Chris Chibnall à son arrivée au poste de showrunner.

~~~

Orphan 55 ressuscite le pire de la saison 11 dans un épisode fainéant et sans vision, se donnant des airs pour ne faire que répéter ce que la série a déjà dit de manière plus convaincante et subtile. Un épisode à oublier, un de plus pour l’ère de Chris Chibnall.

 

J'ai aimé :

  • Le cadre soigné mais peu exploité.
  • Le design des monstres plutôt convaincant.

Je n'ai pas aimé :

  • Un épisode sans saveur que la série ne devrait plus autoriser au bout de la saison 12.
  • Une vision fainéante et sans originalité de son sujet.
  • La confirmation de toutes les craintes de la saison 11 qui me fait appréhender la suite.

 

Ma note : 5/20

L'auteur

Commentaires

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chevrere


Très bonne critique, mais juste une remarque : le twist du film de Schaffner n'est pas dans le livre de Boulle... seul la fin de Burton est fidèle au livre original avec un retour sur une Terre occupée par des chimpanzés.

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