DOCTOR: Now drop your weapons, or I'll kill him with this deadly jelly baby.
WARRIOR: Kill him, then.
DOCTOR: What?
WARRIOR: Kill him, then.
DOCTOR: ... I don't take orders from anyone. (The Doctor eats the jelly baby.)

Succéder à The Deadly Assassin n'était pas chose aisée, et pourtant...

Cette première partie de sérial est à peu de choses près irréprochable.

The Face of Evil se devait de passer après un épisode unique dans l'histoire et après une ère Sarah Jane Smith fortement marquée par un duo juste inoubliable. Pour encore plus remuer le couteau dans la plaie, le Docteur s'étonne au début de ne pas se trouver à Hyde Park, prouvant donc qu'il avait l'intention de revenir vers Sarah Jane... purée c’est dur...

Du coup ce n'était pas l'esprit serein que j'ai attaqué l'épisode pour la première fois, loin de là. Les premières images n'étaient, en plus, pas rassurantes. Un peu une sorte de Planet of Evil 2.0, la ressemblance ne s'arrêtant pas qu'au titre mais également au décor et aux "fantômes" hantant la jungle. Et une jungle moins bien !

Pourtant si les décors ne sont pas aussi crédibles que la jungle de Planet of Evil, je soutiendrai que l'ambiance visuelle de l'épisode est encore plus léchée. La jungle est suffisamment bien filmée pour ne pas tomber dans la répétition (même si de toute évidence tout provient des studios de la BBC). Au village des Sevateem, les décors sauvages sont efficaces et l'incrustation de technologie moderne est non seulement assez drôle (le passage où le chaman agite un bidule technique pour chasser les mauvais esprits du Docteur) mais fonctionne vraiment bien. J’adore cette idée très “rétro-futuriste inversée”, dans le sens où ce n’est pas du futur projeté par du passé mais des éléments futuristes intégrés dans un univers primitif.

Toute l'ambiance de l'épisode semble assez tribal et plutôt "sexy", sans parler du fait que Leela est réputée pour avoir été eye-candy pour pas mal de spectateurs, mais même Thomas dans la tribu est sûrement le perso secondaire le plus BG de la série classique. Bref je m'égare. Toujours est-il qu’ils essaient ainsi d’expliquer le peu de textile qui encape la nouvelle compagne comme ils peuvent…

Quoiqu'il en soit, ce mélange hybride entre une tribu très organique/primitive avec des bribes de technologie dans la forêt, c'est non seulement très joli mais surtout très intrigant. L'intrigue est en fait beaucoup moins tournée vers la science-fiction au sens propre mais plus vers la création d'un vrai univers fantastique avec sa propre religion. Tout le concept de l'épisode tient sur le détournement d'une science qui petit à petit s'est imposée comme une religion pour un peuple qui a régressé à un niveau primitif. C'est une idée extrêmement cool.

LEELA: I don't know what to believe anymore.
DOCTOR: Well, that sounds healthy anyway, Leela. Never be certain of anything. It's a sign of weakness.

Le début nous plonge immédiatement dans l'action. Rarement vu un épisode avec une ouverture aussi brusque, aucun plan d'ensemble, immédiatement une ligne de dialogue au cours d'un procès contre une jeune femme. Je pense que c'est un move souhaité et extrêmement malin pour nous plonger immédiatement dans le monde de la tribu et renforcer cette sensation qu'ils vivent dans leur bulle et n'ont aucune conscience de ce qui est au-delà de leur village, et encore moins au-delà de leur planète. Faire un travelling sur la forêt ou amener un plan de la planète n'aurait donc eu aucun sens. Conséquence : l'implication est maximale et le rythme ne faiblit pas de tout l'épisode.

Si au début, bien saisir les enjeux et comprendre tous les noms demande un poil d'effort, car le scénario est plutôt dense, cela reste une des introductions les plus limpides qu'on ait eu. Beaucoup d'informations, de personnages, peu de lieux mais beaucoup de pistes lancées et surtout... un cliffhanger monstrueux.

L'un des meilleurs de la série classique, sans hésiter. A l'époque, les cliffs on les voyait comme la compagne qui tombait dans un trou ou le Docteur sur le point de mourir. C'est parfois efficace mais cette technique a terriblement vieilli aujourd'hui. Tandis qu'un cliff comme ça, amené aussi efficacement et étant aussi inexplicable dans le scénario, ça me donne bien plus envie de voir la suite. Vraiment une énorme claque. Les signes étaient pourtant là : j'ai trouvé que la voix parlant à Andor ressemblait à celle de Tom Baker mais je n'y ai pas prêté attention, tandis que selon moi Leela et les autres prenaient le Doc pour The Evil One uniquement car c'était un étranger... mais tout prend son sens maintenant. Du timey-wimey à la clé ? Le Docteur ira-t-il sur cette planète dans le futur, ou y a-t-il déjà été sans s'en souvenir/la planète aurait changé ? On ne peut qu'espérer de beaux retournements de situation. En tout cas ça s'annonce génial et avec un tel background aussi riche posé dès le premier épisode, la sauce peut encore monter.

Tom Baker justement est absolument parfait (je dis ça tout le temps, je sais), dans le rôle du voyageur qui se moque un peu de façon un peu distancée de cette tribu qui le prend pour un démon. Plusieurs de ses lignes sont assez hilarantes. J'ai cité le passage du Jelly Baby plus haut (un passage réécrit par Tom Baker qui était en désaccord avec Philip Hinchcliffe - ce dernier voulant qu'il menace avec un couteau ! comme quoi sa vision de la série était vraiment sombre). C'est aussi génial que ce genre d'épisodes arrive pile après The Deadly Assassin, car il met en contraste exactement la description classique de Four : il fait le pitre, mais répand surtout le bien autour de lui, en dépit de toutes ses failles.

J'ai en revanche un peu de mal avec le Docteur qui parle devant la caméra de manière trop évidente, briser le quatrième mur d'accord mais subtilement si possible. Ça m'a quelque peu décroché de la scène, malgré le bon gag sur son mouchoir-souvenir et le talent de Tom Baker. C'est ce dernier qui avait suggéré à Holmes de faire un moment sans compagnon, pensant que le Docteur pouvait juste dire ses pensées à haute voix. Pour le coup, je préfère la vision de Holmes ici. Et si cela marchait bien dans le sérial précédent au début, c'est un peu plus étrange ici. Mais cela reste un parti pris assez atypique, et de plus c'est vite oublié avec la rencontre entre Leela et le Doc.

Je crois que ce qui marche si bien, c'est que Leela est absolument tout le contraire de Sarah Jane et c'est ce qu'il fallait. C'est une guerrière, venue d'une autre planète, qui n'a aucune connaissance au sens "humaine" et qui n'hésite pas à tuer des gens pour avancer. On sent qu'elle a tout de même un sens de la justice et qu'elle est suffisamment entreprenante pour monter à bord du TARDIS mais en même temps on sent que la dynamique entre le Docteur et pareille compagne serait bien différente. Moi qui suis un fanboy inconditionnel de Sarah Jane avec l'effet nostalgie j'ai directement adhéré à cette compagne, preuve donc d'un passage de témoin très réussi.

DOCTOR: Hello.
LEELA: The Evil One.
DOCTOR: Well, nobody's perfect, but that's overstating it a little. I'm the Doctor.

Leela est à la fois très prometteuse et originale comme compagne en soi, mais aussi très bien exploitée dans son récit initial ici sur sa tribu. Elle est clairement mise en valeur par rapport au reste de la tribu pour son intelligence plus pragmatique concernant leurs traditions, mais face au Docteur elle apparaît tout de même encore superstitieuse. Cela va donc être très intéressant de voir comment l'influence du Docteur va la transformer.

En bref une intro visuellement irréprochable, au scénario en apparence repompé mais au final totalement différent (en mieux) avec une excellente idée sur la déformation des coutumes et des légendes, qui nous présente une Leela très originale et immédiatement attachante, avec un Docteur encore plus inspiré que d'habitude. Ah, et le cliff nous colle déjà une claque dans la gueule. Avec le recul c'est sans doute l'un des meilleurs cliffs de la série classique. Pas mal, The Face of Evil. Pas mal !